Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 15/12/1998

M. Bernard Joly appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur la situation des veuves civiles ayant élevé trois enfants et plus pendant neuf ans avant leur seizième anniversaire, auxquelles certaines caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) ou direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) refusent d'appliquer un mode de calcul pour la prise en compte de la majoration de 10 % conforme à celui retenu par la Cour de cassation en 1992 et confirmé par de nombreux jugements de première instance ou d'appel. Il est anormal que, pour bénéficier de ce mode de calcul, les veuves concernées soient obligées d'introduire des recours contentieux, dont la procédure est longue et coûteuse, et le principe même inacceptable dans la situation de détresse morale dans laquelle elles se trouvent placées à la suite de la disparition de leur époux. Devant cette rupture du principe d'égalité entre les assurés sociaux, le médiateur de la République, sur sa sollicitation, a soumis aux pouvoirs publics, à deux reprises, en août 1997 et en février dernier, une proposition de réforme relative à la majoration pour enfants en cas de cumul de pensions. Au cours de la réunion de février, le représentant du ministère a indiqué que votre cabinet avait été saisi d'une note sur ce sujet qui préconisait une clarification des textes législatifs pour déterminer la limite du cumul d'une pension de réversion et d'avantages vieillesse. Aussi quel n'a pas été son étonnement de voir le Gouvernement déposer, dans la loi de financement de la sécurité sociale, un amendement, voté par la majorité à l'Assemblée nationale, qui méprise la jurisprudence constituée par les arrêts de la Cour de cassation et aggrave le sort d'une catégorie déjà défavorisée. Il lui demande les raisons de l'acharnement du pouvoir exécutif mis à nier que la majoration pour enfants est bien un droit distinct de la pension elle-même qui n'a pas à être compris dans la base de calcul de la limite du cumul autorisé entre un avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 10/02/1999

Réponse apportée en séance publique le 09/02/1999

M. Bernard Joly. Compte tenu de l'objet de ma question, je suis ravi, madame le secrétaire d'Etat, que ce soit vous
qui soyez mon interlocutrice.
Lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en octobre et novembre dernier, le
Gouvernement a trouvé à l'Assemblée nationale une majorité pour inclure, par voie d'amendement, la majoration pour
enfants dans les avantages personnels de vieillesse, dont le cumul avec une pension de réversion.
Le Sénat a suivi sa commission des affaires sociales en supprimant cette disposition, car il estime que ce droit est
bien distinct.
J'ai relu les échanges qui ont eu lieu dans les deux assemblées sur cette question. Il me paraît inutile de rouvrir le
débat sur la revalorisation du montant de l'allocation de veuvage et sur le fait que le fonds national de l'assurance
veuvage est inclus dans le fonds de solidarité vieillesse.
Ce qui me tient à coeur, c'est la reconnaissance d'une réalité.
Comme vous l'avez dit ici même, madame le secrétaire d'Etat, cette majoration de 10 % n'est pas liée au fait d'avoir
encore des enfants à charge ; elle est liée au fait d'en avoir eu dans le passé. Malgré cela, des veuves ont été obligées
de se pourvoir en cassation. Dans ses arrêts, la chambre sociale de la Cour de cassation a clairement précisé que la
majoration pour enfants applicable aux pensionnées du régime général constitue un avantage distinct de la pension
elle-même, qui n'a pas à être prise en compte dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé entre un avantage
personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général et qui doit, le cas échéant, s'ajouter au montant
réduit de cette pension, après application des règles de cumul.
Ce n'est pas à la Cour de cassation de faire la législation ! Ce pouvoir revient au Parlement. Néanmoins, il est établi que
la Cour de cassation défend la volonté du législateur.
J'ai saisi le Médiateur de la République de ce litige. M. Stasi a confirmé la position de notre collègue Jacques Pelletier
et a présenté au Gouvernement une proposition de réforme, le 12 février 1998, en comité interministériel.
La situation constatée portant atteinte au principe d'égalité, le Médiateur proposait soit de donner instruction aux
caisses régionales d'assurance maladie d'appliquer d'office et systématiquement le mode de calcul retenu par la Cour
de cassation pour déterminer la limite du cumul, soit de modifier les textes applicables en la matière, de manière à
lever toute ambiguïté sur leur interprétation.
Malgré la revalorisation intervenue, l'inclusion dans le plafond de la majoration pour enfants a pour effet de fixer la
pension de réversion de la mère de famille à un montant inférieur à celui qui aurait été attribué si cette mère de famille
n'avait pas eu trois enfants. C'est ce qui ressort de l'observation de cas concrets.
Pourquoi, en dépit des décisions de la Cour de cassation, de celle du Médiateur et des situations observées, pourquoi,
madame le secrétaire d'Etat, cet acharnement du pouvoir exécutif à nier que la majoration pour enfants est bien un droit
distinct de la pension elle-même et qu'elle n'a pas à être comprise dans la base de calcul de la limite de cumul autorisé
entre un avantage personnel de vieillesse et la pension de réversion du régime général ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Monsieur le sénateur,
l'article L. 353-1 du code de la sécurité sociale dispose que le conjoint survivant peut cumuler la pension de réversion
avec des avantages personnels de vieillesse ou d'invalidité dans la limite d'un montant qui est aujourd'hui un peu
supérieur à 5 000 francs.
La question posée, monsieur Joly, est de savoir si le montant des avantages personnels pris en compte pour appliquer
cette limite, supérieure au montant de la retraite de base de 80 % des retraités, doit ou non comprendre la majoration
de 10 % pour enfants.
Je veux tout d'abord préciser, monsieur le sénateur, que la majoration de 10 % dont il est question ne concerne pas,
comme vous l'avez indiqué, des enfants encore à charge, pour lesquels le conjoint survivant dispose d'une majoration
particulière de 450 francs par mois, qui n'est soumise, bien entendu, à aucune limite.
La Caisse nationale d'assurance vieillesse a toujours estimé que la majoration de 10 % devait être considérée comme
un élément de la pension de vieillesse. Aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis 1992 ne l'ont d'ailleurs
démenti.
Du fait des arrêts de la Cour de cassation de 1992 et des multiples contentieux qui ont été introduits depuis, le
Gouvernement a souhaité clarifier le mode de calcul de la pension de réversion.
La disposition adoptée par le Parlement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
est donc conforme à la pratique de la CNAV et ne modifie en rien les avantages dont bénéficient actuellement les
veuves.
Le Gouvernement, sensible à la situation des veuves, s'est fixé comme priorité d'améliorer la situation des plus
modestes d'entre elles. Permettez-moi, monsieur Joly, de rappeler brièvement ces mesures.
Il s'agit, tout d'abord, de l'augmentation de 52 % à 54 %, à compter du 1er juillet 1998, du taux de liquidation de la
pension de réversion des veuves de mineurs. Cette mesure est tout à fait légitime quand on sait que la quasi-totalité de
ces veuves n'ont pas de pension personnelle et sont en majeure partie non imposables.
Il s'agit ensuite de la revalorisation de 2 %, au 1er janvier 1999, du montant de la pension minimale de réversion servie
par le régime général et les régimes alignés, dont bénéficieront 600 000 veuves. Je rappelle que la loi de 1993 sur la
revalorisation des retraites prévoyait une revalorisation de l'ordre de 0,6 %.
Il s'agit en outre de la réforme de l'allocation veuvage au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1999, puisque les veuves bénéficieront, la deuxième année, d'une allocation mensuelle de 3 107 francs, alors que le
montant actuel est de 2 041 francs.
Enfin, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions prévoit de favoriser la reprise d'un emploi par les
personnes qui viennent d'être touchées par le décès de leur conjoint, c'est-à-dire d'autoriser le cumul, pendant un an, de
l'allocation de veuvage et des revenus tirés d'une activité, à hauteur de 100 % pendant les trois premiers mois d'exercice
de l'activité et de 50 % pendant les neuf mois suivants.
Telles sont les mesures que je souhaitais vous rappeler, monsieur le sénateur, et qui montrent que le Gouvernement se
préoccupe de la situation du conjoint survivant dans notre pays.
M. Bernard Joly. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Madame le secrétaire d'Etat, vous m'avez rappelé les mesures qui ont en effet été prises en faveur
des veuves. Cependant, et c'est ce sur quoi je tenais à attirer votre attention, un certain nombre de veuves qui ont eu
des enfants à charge sont obligées d'aller jusqu'en cassation pour obtenir satisfaction, c'est-à-dire pour obtenir un
supplément auquel le ministre des finances réserve un sort particulier, puisque ces 10 % ne sont pas imposables.
Mais toutes les veuves n'ont pas la patience d'aller jusqu'en cassation, et la plupart abandonnent en cours de route ;
seules les plus obstinées vont jusqu'au bout.
Je n'ose pas penser que les caisses d'assurance maladie comptent là-dessus pour diminuer le déficit de la sécurité
sociale !
Il faut que vous étudiiez ce problème à fond. Il est essentiel, en effet, de corriger cette injustice flagrante. Ce n'est pas
parce que les veuves ne descendent pas dans la rue et ne saccagent pas tout sur leur passage qu'il ne faut pas prendre
en considération leur demande.
M. Jacques Machet. Très bien !

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