Question de M. SÉRUSCLAT Franck (Rhône - SOC) publiée le 17/12/1998

M. Franck Sérusclat interroge M. le ministre de la défense sur la pertinence à poursuivre, en France, les programmes de recherches destinés à développer les armes nucléaires dissuasives. Les Etats-Unis et la Russie, autres grandes puissances nucléaires, ont déjà décidé une réduction importante de leurs stocks d'armes nucléaires, empruntant la voie lente, mais positive, du désarmement. La France a certes cessé ses essais nucléaires et commencé un démantèlement de ses sites d'essais, mais a, en même temps, lancé un programme d'essais en laboratoire, pour un coût de 20 milliards de francs. Il aimerait savoir quel en est le but réel, s'il est vraiment utile de maintenir en état nos armes nucléaires, de les améliorer et d'en mettre de nouvelles au point, et quel peut être " l'ennemi " visé aujourd'hui par la France.

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Réponse du ministère : Défense publiée le 11/02/1999

Réponse. - Le désarmement nucléaire est un processus long, dont l'aboutissement ne peut se concevoir que dans le cadre du désarmement général et complet, comme l'a rappelé en 1998 le Premier ministre à l'Institut des hautes études de la défense nationale. Le désarmement bilatéral engagé par les Etats-Unis et la Russie, qui continuent de disposer d'arsenaux nucléaires importants, nécessitera beaucoup de temps. Il convient de rappeler que le traité START-1 de 1992 est encore en cours d'application, et que la Russie n'a toujours pas ratifié le traité START-2 signé en 1993. En outre, contrairement à la France, les Etats-Unis et la Russie n'ont pas ratifié le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. La contribution française au désarmement nucléaire est particulièrement importante. En 1996, notamment, la France a décidé de retirer du service deux de ses quatre systèmes d'armes (missiles Hadès, missiles S3D du plateau d'Albion) ainsi que les Mirage IVP des forces aériennes stratégiques. Elle est la seule des cinq puissances nucléaires reconnues à s'être imposée, de manière unilatérale, le démantèlement de ses installations de production de matières fissiles à des fins explosives et de son Centre d'expérimentations nucléaires. Le programme de simulation a pour but de garantir, dans un contexte d'arrêt complet des essais nucléaires, la fiabilité et la sûreté de nos armes nucléaires. Ces armes, comme tous les systèmes technologiques complexes, sont sujettes au vieillissement. Aussi, leur fiabilité et leur sûreté doivent-elles être assurées en toutes circonstances, afin que la dissuasion puisse être maintenue sur le long terme, dans des conditions optimales de sécurité physique. C'est dans cette optique que sont mis au point les principaux outils du programme de simulation : Laser Mégajoule (LMJ), machine de radiographie à rayons X (AIRIX), programmes pour calculateurs de la prochaine génération. La modernisation de nos composantes nucléaires permettra de maintenir une dissuasion crédible au niveau de suffisance, dans un contexte stratégique incertain. Seules deux composantes, complémentaires, ont été conservées. Ainsi, les systèmes d'armes ASMP amélioré/Tête nucléaire aérienne (TNA), d'une part, et M51/Tête nucléaire océanique (TNO), d'autre part, entreront respectivement en service à la fin de la prochaine décennie et en 2015. Leur conception est adaptée au maintien à long terme d'une dissuasion sans essais nucléaires. Le programme de simulation ne permettra pas le développement de nouveaux types d'armes nucléaires. La dissuasion française tend à faire redouter à un adversaire éventuel, quel qu'il soit et quels que soient ses moyens, l'exercice de dommages inacceptables s'il s'en prenait à nos intérêts vitaux. La France ne se connaît aucun adversaire déclaré et aucune menace ne pèse aujourd'hui sur ses intérêts. Avec le retrait des missiles du plateau d'Albion, aucun moyen nucléaire français n'est désormais " ciblé ". Mais comme l'a rappelé le Premier ministre dans son discours devant l'Institut des hautes études de la défense nationale, en septembre 1997, le maintien d'une dissuasion crédible permet à notre pays de " faire face aux débordements de la prolifération et au risque de résurgence d'une menace majeure ".

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