Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - RPR) publiée le 29/01/1999

M. Alain Gournac appelle l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les difficultés rencontrées par les collectivités territoriales, relatives aux demandes d'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement formulée par des adultes handicapés titulaires de capitaux placés importants. La difficulté porte sur l'impossibilité d'appréhender les revenus procurés par le capital placé des bénéficiaires de l'aide sociale, au titre de leur participation à leurs frais d'hébergement, dès lors que les familles ou représentants légaux ont judicieusement placé les produits financiers. En raison de la recapitalisation immédiate des intérêts, ceux-ci échappent à la production des revenus susceptibles d'être intégrés dans le calcul de la contribution du postulant à l'aide sociale. Les contrats d'assurance-vie souscrits en faveur des personnes handicapées échappent également au dispositif réglementaire. La législation en vigueur, adoptée depuis plus de vingt ans, ne semble plus, sur le plan financier, correspondre aux réalités d'aujourd'hui. Le caractère subsidiaire de l'aide n'est à l'évidence plus respecté, et ce au détriment d'actions qui pourraient être menées dans le domaine de l'action sociale, notamment pour les adultes handicapés (participations aux frais de transport, de matériel adapté au handicap non pris en charge par la sécurité sociale...). Il souhaiterait que ce problème soit étudié et que soient apportées au dispositif les modifications réglementaires nécessaires.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 19/05/1999

Réponse apportée en séance publique le 18/05/1999

M. Alain Gournac. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question porte sur les difficultés rencontrées par les collectivités
territoriales pour répondre aux demandes relatives à l'aide sociale aux fins de prise en charge des frais d'hébergement.
En effet, lorsque les adultes handicapés font une telle demande, il est très difficile d'évaluer non seulement le capital qui
est placé, mais également les revenus que produit pour eux ce capital, car, bien souvent, les familles, les ayants droit,
les représentants légaux voient les produits financiers automatiquement incorporés dans le capital placé. D'où la grande
difficulté, pour les collectivités territoriales, de faire un calcul juste de la participation incombant aux adultes
handicapés.
La législation en vigueur, qui a vingt ans, est-elle encore adaptée sur le plan financier, alors que les choses ont tant
évolué ? Il faut y regarder de près afin de pouvoir fixer des participations justes et rétablir l'équité entre les uns et les
autres.
L'objet n'est pas du tout de réaliser des économies. Simplement, l'argent ainsi récupéré pourrait permettre de mener
d'autres actions : transport de handicapés, achat de matériels pour les handicapés, ces matériels n'étant pas
remboursés, ou très mal, par la sécurité sociale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, une évolution de la législation est-elle envisageable ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale. Monsieur le sénateur, votre question sur la
difficulté qu'il y a à appréhender les revenus procurés par les capitaux placés pour les bénéficiaires de l'aide sociale est
complexe.
Vous soulignez que les contrats d'assurance vie souscrits en faveur des personnes handicapées échappent au
dispositif réglementaire.
Le problème n'a, en tout cas, pas échappé au groupe d'étude sur l'aide sociale, l'obligation alimentaire et le patrimoine,
dont le rapport vient d'être adopté par la section du rapport et des études du Conseil d'Etat.
Il en ressort que le capital garanti par une assurance sur la vie ne fait pas partie du patrimoine de l'intéressé, même
lorsque celui-ci bénéficie de l'aide sociale - c'est votre question, monsieur le sénateur. Cette analyse que fait
constamment la jurisprudence civile s'impose nécessairement aux collectivités publiques chargées de l'aide sociale. Le
capital ainsi constitué, bien qu'il soit alimenté directement par prélèvement sur les revenus du bénéficiaire de l'aide
sociale, échappe au recouvrement sur la succession prévue par l'article 146 du code de la famille et de l'aide sociale.
Les collectivités publiques chargées de l'aide sociale ne sont pas pour autant dépourvues de moyens pour lutter - je ne
sais si le mot est suffisamment doux - contre les dérives qui pourraient naître de cette situation.
D'une part, dans le domaine du droit civil, comme l'affirme la jurisprudence, le code des assurances permet qu'en cas
de disproportion au regard du revenu du souscripteur les primes d'assurance vie soient rapportées à la succession.
D'autre part, des dispositions du code de la famille et de l'aide sociale, et notamment l'article 168 en ce qui concerne
l'hébergement des personnes handicapées, prévoient que l'intéressé lui-même doit contribuer, à titre principal, aux frais
qu'il engage, dans certaines limites définies réglementairement lui permettant de conserver une part de ses ressources.
Tout cela, c'est vrai, est imprécis.
Pour la détermination de sa contribution par la commission d'admission à l'aide sociale, le demandeur d'aide sociale est
tenu de communiquer tous les éléments de sa situation et l'intégralité des revenus dont il dispose.
Enfin, conscient de ne pas répondre pleinement à votre question, je rappelle que l'article 9 du décret n° 54-883 du 2
septembre 1954 modifié organisant le fonctionnement de l'aide sociale prévoit que : « Lorsque les décisions
administratives ont été prises sur la base de déclarations incomplètes ou erronées, il peut être procédé à leur révision,
avec répétition de l'indu ».
Sur le fond, vous avez raison, monsieur le sénateur : peut-être faudrait-il revoir tout cela ! Voilà toutefois quelques
éléments de réponse qui permettent d'éclairer cette difficile question !
M. Alain Gournac. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gournac.
M. Alain Gournac. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, qui, c'est vrai, apporte des
éléments de clarification.
L'objet de ma question était de traiter ce problème de l'aide sociale de façon plus juste et non, bien sûr, de faire mener
des enquêtes sur tout le monde.
Bien souvent, le capital n'est pas directement placé sous la responsabilité de l'adulte handicapé ; c'est quelqu'un d'autre
qui le gère. Il est donc difficile pour les collectivités, même quand elles demandent que l'on établisse des déclarations
de patrimoine, d'apprécier le capital, qui, de plus, augmente.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je persiste à penser qu'il serait tout de même intéressant d'y regarder de plus près. Pour
ce faire, je compte sur vous.

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