Question de Mme BIDARD-REYDET Danielle (Seine-Saint-Denis - CRC) publiée le 21/05/1999

Question posée en séance publique le 20/05/1999

M. le président. La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers
collègues, voilà deux mois, l'OTAN décidait une série de frappes aériennes ciblées sur des objectifs militaires
yougoslaves, afin de protéger les Kosovars de l'épurationethnique et d'obliger M. Milosevic à reprendre les négociations.
En quelques jours, cette intervention devait faire preuve de son efficacité.
Après neuf semaines de guerre, ce sont près de 800 000 Kosovars, victimes de nombreuses exactions, qui ont été
chassés de leur pays. Des informations non démenties font état de l'utilisation d'armes à base d'uranium appauvri, dont
les conséquences sont, à terme, très préoccupantes pour la santé des populations civiles.
Un débat au sein de l'OTAN est désormais public. Certains restent favorables à l'engrenage militaire et sont partisans
de bombardements encore plus violents, et même d'une intervention militaire au sol. D'autres, au contraire, ne
ménagent pas leurs efforts pour sortir de ce funeste conflit et prônent le dialogue débouchant sur la négociation.
En Yougoslavie les autorités serbes, y compris M. Milosevic, auraient fait savoir qu'elles acceptaient les principes
formulés par le G8, les sept pays industrialisés plus la Russie, et qu'elles étaient prêtes à discuter des modalités
d'application.
Tout cela confirme qu'une situation nouvelle peut s'ouvrir maintenant. Une chance de règlement négocié et de paix se
présente. Il faut la saisir. Certes, la diplomatie française est très active, mais il est grand temps d'arrêter la folie des
hommes. Les sommes gigantesques qui sont consacrées aujourd'hui à la guerre pourraient être rapidement utilisées
pour l'aide au retour des réfugiés dans un Kosovo sécurisé par une force internationale, sous l'égide de l'ONU.
Comme nous, vous êtes, monsieur le Premier ministre, très attaché à toutes les valeurs privilégiant le respect des
hommes, et non leur destruction. Nous souhaitons une initiative forte de la France. Monsieur le Premier ministre, quelle
action concrète allez-vous entreprendre pour favoriser une solution politique de la crise du Kosovo ? (Applaudissements
sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 21/05/1999

Réponse apportée en séance publique le 20/05/1999

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Madame le sénateur, je vous confirme que le champ diplomatique reste très actif
et des progrès réels vers un règlement politique de la crise au Kosovo se confirment.
J'en veux pour preuve la réunion des directeurs politiques du G8, à Bonn, hier, et le nouveau projet prévu pour demain. Il
s'agit de poursuivre l'élaboration d'un projet de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur la base des sept
principes agréés le 6 mai par les ministres des affaires étrangères du G8, c'est-à-dire les sept pays occidentaux plus la
Russie.
Ces sept principes sont les suivants : arrêt de la répression, retrait des forces serbes, déploiement de « présences
internationales civiles et militaires », retour des réfugiés, négociations pour un règlement politique dans le cadre de
Rambouillet, administration intérimaire au Kosovo et stabilisation régionale.
A cela s'ajoute la poursuite de l'excellente coopération entre les alliés et la Russie dans la recherche d'une solution
politique. J'espère que le nouveau Premier ministre russe, M. Sergueï Stepachine, investi hier par la Douma, ira de
l'avant sur cette question.
S'ajoutent à cela les rencontres entre le président finlandais M. Ahtisaari, désigné lundi 17 mai pour travailler au nom de
l'Union européenne aux côtés de l'émissaire russe, M. Viktor Tchernomyrdine, et du secrétaire d'Etat adjoint américain,
M. Talbott.
Le communiqué publié hier soir à l'issue de la rencontre entre M. Milosevic et M. Tchernomyrdine est un signe
intéressant, en ce qu'il soutient « une solution politique dans le cadre de l'ONU en partant des principes du G8 ».
Reste que les signaux positifs émis par Belgrade depuis quelques jours doivent encore se concrétiser en actes
tangibles et vérifiables. C'est pourquoi nous devons être prudents dans notre appréciation de la situation.
Enfin, les ministres des affaires étrangères des Quinze, notamment M. Védrine, travaillent à la définition d'un Pacte de
stabilité pour l'Europe du Sud-Est qui réponde pour l'avenir aux attentes, légitimes, des peuples de cette région des
Balkans.
Dans le même temps, les opérations militaires se poursuivent, avec des résultats significatifs.
Depuis une dizaine de jours, l'intensification des frappes sur le Kosovo s'est matérialisée en vue d'atteindre trois
objectifs : l'encagement du Monténégro en évitant les frappes sur ce territoire de la République serbe - vous savez
pourquoi -, l'enclavement du Kosovo et la réduction des forces serbes ainsi isolées sur le territoire kosovar.
Les résultats des frappes progressent, lentement mais significativement. En outre, les forces serbes au Kosovo sont de
plus en plus touchées, et des informations recueillies sur le moral des troupes et les réactions des familles en Serbie
l'attestent. Il y a sans doute un rapport entre cette évolution militaire, ainsi que politique et psychologique, et le ton
nouveau de M. Milosevic.
En conclusion, madame le sénateur, une dynamique diplomatique est enclenchée, qui permet d'espérer que se dessine
progressivement un processus menant à un règlement politique de la crise au Kosovo. La France y prend toute sa part.
Ce règlement passera par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Il reposera sur les principes définis
par le G8, principes entérinés par l'ONU, par l'Union européenne et par l'Alliance atlantique, et il devra naturellement
permettre leur application effective, sinon nous n'aurions pas avancé dans la solution du drame humain du Kosovo.
Ce règlement devra régler la question de l'enchaînement des événements permettant de concrétiser, à l'ONU mais aussi
sur le terrain, l'accord auquel sera parvenue la communauté internationale. C'est une question très complexe, qui est au
coeur des discussions actuelles, et dont la réponse dépendra du contenu précis de l'ensemble des mesures qui auront
été arrêtées pour un règlement de la crise.
Reste que la dynamique amorcée ne pourra être confirmée que dans la mesure où les autorités serbes engageront
concrètement les mesures que la communauté internationale attend d'elles. L'auraient-elles fait au moment où la
diplomatie française exerçait son action que nous aurions pu éviter ce drame dans lequel nous sommes encore plongés
et pour lequel nous voulons, bien sûr, trouver une issue politique et diplomatique. (Applaudissements sur les travées
socialistes et sur plusieurs travées du groupe communiste républicain et citoyen, de l'Union centriste et du RPR.)

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