Question de M. SOUPLET Michel (Oise - UC) publiée le 27/05/1999

M. Michel Souplet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'application de la loi sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie du 30 décembre 1996 dans le domaine des biocarburants. Trois années se sont maintenant écoulées. Où en est la mise en oeuvre de l'article 21-III de cette loi qui stipule qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles le fioul, l'essence et les supercarburants devront comporter un taux minimal d'oxygène avant le 1er janvier 2000 ? La publication au Journal officiel des Communautés européennes de la directive Auto-Oil, le 28 décembre 1998, va dans le sens d'une amélioration sensible de la qualité de l'air dans les villes et affirme l'utilité de l'incorporation d'oxygène pour améliorer encore cette qualité de l'air. De nombreux rapports récents ne manquent d'ailleurs pas de rappeler tout l'intérêt des biocarburants (ETBE produit à partir d'éthanol et BMVH) pour lutter contre la pollution de l'air en réduisant les émissions et limitant l'impact sur l'effet de serre et par conséquent de l'obligation d'incorporation d'oxygène. Toutes les conditions sont désormais réunies pour concrétiser l'orientation décidée par le législateur en 1996 et réaffirmée par la loi d'orientation agricole. Il lui demande concrètement quelles sont les étapes qui restent à franchir pour que le décret fixant le taux minimum obligatoire d'oxygène dans les carburants soit publié avant le 1er janvier 2000 et que soit ainsi respectée la volonté du législateur ?

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Transmise au ministère : Industrie


Réponse du ministère : Industrie publiée le 30/06/1999

Réponse apportée en séance publique le 29/06/1999

M. Michel Souplet. Monsieur le secrétaire d'Etat, rapporteur du projet de loi d'orientation agricole devant cette
assemblée et soucieux de trouver de plus en plus de nouveaux débouchés non alimentaires pour nos productions
agricoles, soucieux aussi d'utiliser les terres gelées à des usages rationnels, voire intelligents, je m'étais adressé à M.
le ministre de l'agriculture, qui vous a transmis la question que je lui avais posée concernant l'application de la loi sur
l'air du 30 décembre 1996 dans le domaine des biocarburants.
Trois années se sont maintenant écoulées. Où en est, monsieur le secrétaire d'Etat, la mise en oeuvre du paragraphe III
de l'article 21 de cette loi, aux termes duquel un décret en Conseil d'Etat devait fixer les conditions dans lesquelles le
fioul, l'essence et les supercarburants comporteraient un taux minimal d'oxygène avant le 1er janvier 2000 ?
La publication au Journal officiel des Communautés européennes de la directive Auto-Oil, le 28 décembre 1998, va
dans le sens d'une amélioration sensible de la qualité de l'air dans les villes et affirme l'utilité de l'incorporation
d'oxygène pour améliorer encore cette qualité. L'incorporation obligatoire est donc tout à fait compatible avec la directive
européenne.
Que l'on ne nous dise pas qu'il faut attendre les conclusions du programme Auto-Oil II, qui seront connues fin 1999 : la
ficelle serait très grosse, et nous ne saurions nous satisfaire d'une telle réponse.
Des rapports récents, notamment ceux de MM. Desmarescaux et Bricq, ne manquent d'ailleurs pas de rappeler tout
l'intérêt que présentent les biocarburants - qu'il s'agisse de l'ETBE, éthylé-tertio-butyl-éther, produit de l'éthanol, ou du
diester, produit à partir des oléagineux - pour lutter contre la pollution de l'air en réduisant les émissions, limitant ainsi
leur impact sur l'effet de serre. Par conséquent, ils ont recommandé l'obligation d'incorporer des biocarburants dans les
villes de plus de 250 000 habitants.
Le rapport de M. Desmarescaux recommande ainsi une substitution totale à la pompe des carburants modifiés et
l'incorporation d'ETBE aux taux de 15 % pour les essences et de 12 % pour les gazoles.
Toutes les conditions sont désormais réunies pour concrétiser l'orientation décidée par le législateur en 1996 et
réaffirmée par la loi d'orientation agricole que j'ai eu l'honneur de rapporter ici même.
Depuis 1985, le Sénat s'intéresse beaucoup aux débouchés non alimentaires des produits agricoles. Mais tous les
moyens ont été bons pour retarder les échéances, certains grands groupes pétroliers, les constructeurs automobiles ou
les motoristes ayant sans cesse tenté de freiner l'application des décisions législatives pour défendre des intérêts
particuliers.
Ma question, monsieur le secrétaire d'Etat, se veut concrète : quelles sont, selon vous, les étapes qui restent à franchir
pour que les décrets fixant le taux minimum obligatoire d'oxygène dans les carburants soient publiés avant le 1er janvier
2000, et que soit ainsi respectée la volonté du législateur ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Monsieur le sénateur, vous avez attiré l'attention de mon collègue
chargé de l'agriculture sur l'application de la loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie,
s'agissant notamment de l'incorporation d'oxygène dans les carburants.
Je vais vous répondre à la lumière de la parution récente de la directive n° 98/70 du 13 octobre 1998 concernant la
qualité de l'essence et des carburants diesel.
Est visée ici l'application des articles 21-III et 24-III, auxquels vous venez de vous référer et qui sont relatifs à
l'incorporation banalisée d'oxygène dans les carburants et à un taux supérieur dans les flottes captives de véhicules de
transport en commun.
Tout d'abord, cette directive européenne a simplement fixé un taux maximal d'oxygène dans les carburants sans rendre
son incorporation obligatoire, et elle prévoit l'examen dans un programme complémentaire des thèmes des
biocarburants et des flottes captives urbaines, qui n'avaient pas été étudiés dans le programme européen initial.
Les conclusions du rapport Auto-Oil II sont attendues avant la fin de l'année 1999 - vous aurez donc satisfaction - et
elles seront ensuite soumises à l'approbation du Conseil des ministres et du Parlement européens.
Par ailleurs, il n'est pas possible aujourd'hui de fixer un taux minimal d'incorporation de composés oxygénés, en
particulier d'origine agricole - c'est ce qui a motivé votre question - car l'impact global de cette incorporation sur
l'environnement n'est pas suffisamment connu et est d'ailleurs parfois controversé, comme le montrent les mesures qui
viennent d'être prises en Californie visant à l'interdiction de certains composés oxygénés alors que leur utilisation avait
été rendue obligatoire il y a quelques années. Beaucoup d'inconnues scientifiques demeurent encore dans ce domaine !
Vous avez évoqué également les conclusions récentes du rapport sur les usages industriels des productions agricoles,
rédigé par M. Desmarescaux à la demande du ministre de l'agriculture et recommandant, au lieu de l'incorporation
banalisée, une utilisation des biocarburants dans les villes de plus de 250 000 habitants, en commençant par une
expérimentation en Ile-de-France avec les esters d'huiles végétales.
Le comité européen de normalisation, officiellement mandaté par la Commission européenne pour établir les
spécifications des esters méthyliques d'huiles végétales, les fameux EMHV, utilisés purs ou en mélange dans les
produits pétroliers - gazole ou fioul domestique - et pour définir les méthodes analytiques correspondantes, n'a pas
encore été en mesure de publier son rapport. J'attends toutefois la conclusion de ses travaux dans les prochaines
semaines.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement a une vision très volontariste face à l'utilisation des produits
agricoles dans l'industrie, en particulier parce qu'il s'agit là de perspectives fortes et positives vis-à-vis de la protection
de l'environnement, notamment dans les centres urbains.
C'est pourquoi je réponds de manière plutôt positive à la sollicitation qui était contenue en filigrane dans votre question :
le Gouvernement entend aller de l'avant dans l'incorporation de ces produits dans les carburants à destination des
transports automobiles.
M. Michel Souplet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Monsieur le ministre, je ne suis pas satisfait de la réponse que vous m'avez apportée.
Vous parlez de la Californie, où ont été interdits certains produits d'origine fossile. Mais nous nous battons depuis des
années au Sénat pour que soient utilisés des produits renouvelables, abandonnant ainsi l'utilisation des produits
fossiles. En conséquence, cette référence à la Californie n'est pas acceptable.
Aujourd'hui, il existe une loi, et cette loi doit être appliquée. Fruit du travail des assemblées, elle dispose qu'avant le 31
décembre 1999 les décrets d'application devront être promulgués. Or, depuis quinze ans, on nous oppose sans arrêt
des études nouvelles, des expérimentations nouvelles. On protège, ce faisant, de gros intérêts économiques ;
l'agriculture passe après.
Je sais que quatre ministères sont actuellement plus ou moins hostiles - les finances, l'industrie, les transports et
l'environnement - et que le ministre de l'agriculture a bien du mal à se faire entendre. Je m'étais d'ailleurs adressé à lui,
car, lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, il avait été très nettement dit que l'on devait essayer de maintenir
des entreprises agricoles dans toutes les régions de France. Comme nous savons qu'il y aura partout des terres
gelées, comme nous savons qu'il existe des possibilités importantes dans le domaine du carburant, nous espérions
une autre réponse que celle que nous avons obtenue.
Je retiens toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous vous engagez à ce que très rapidement nous trouvions des
solutions ; j'ose espérer qu'elles interviendront avant la fin de l'année.

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