Question de M. HURIET Claude (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 13/05/1999

M. Claude Huriet s'est ému du mouvement de grève qui affecte la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et qui aurait bloqué des trains à grande vitesse (TGV) affrétés par certains syndicats pour se rendre aux traditionnelles manifestations du 1er Mai à Paris. Il a pris acte avec intérêt des protestations de certains des syndicalistes ainsi pris en otage selon lesquelles les passagers des trains bloqués n'allaient pas se " promener " mais " manifester ". Il demande en conséquence à M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation qui a bien voulu représenter le Gouvernement au Sénat lors de l'examen de la proposition de loi visant à prévenir les conflits collectifs du travail et à garantir le principe de continuité dans les services publics, si la position du Gouvernement est susceptible d'évoluer afin de favoriser l'instauration d'un service minimum limité au 1er Mai et de nature à concilier le droit de grève et le droit de manifester. Il lui demande également si la distinction lui semble fondée entre les " promeneurs " dont les trains peuvent être bloqués et les " manifestants " dont les trains doivent être acheminés. Il s'interroge sur la place qui revient, dans cette distinction, aux usagers ou clients de la SNCF qui empruntent le train pour se rendre à leur travail ou chercher un emploi.

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Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 08/07/1999

Réponse. - Le droit de grève reconnu aux agents du secteur public trouve sa source dans le septième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, qui prévoit qu'il s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. Il appartient donc aux pouvoirs publics de concilier la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, avec la sauvegarde de l'intérêt général. La loi du 31 juillet 1963, codifiée dans les articles L. 521-2 à L. 521-6 du code du travail et qui s'applique à l'ensemble des personnels de l'Etat, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10 000 habitants ainsi qu'aux agents des entreprises, organismes et établissements publics ou privés chargés de la gestion d'un service public, a de ce fait encadré la pratique de la grève dans le secteur public ; dépôt d'un préavis cinq jours francs avant le déclenchement de l'arrêt de travail, obligation de négocier pendant cette période, interdiction des grèves tournantes. L'inobservation de ces dispositions entraîne des sanctions, prévues par les réglementations applicables aux personnels concernés. Par ailleurs, plusieurs lois spécifiques sont venues interdire l'exercice du droit de grève à certains agents publics, en particulier les personnels de police, des compagnies républicaines de sécurité, du service des transmissions du ministère de l'intérieur et de l'administration pénitentiaire. Certains agents peuvent être astreints par la loi à un service minimum. C'est le cas des personnels de la navigation aérienne. Le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de préciser l'ampleur des limitations que le législateur est autorisé à apporter à l'exercice du droit de grève, pour le rendre conciliable avec d'autres principes à valeur constitutionnelle. Ces limitations doivent ainsi s'inscrire dans le souci de préserver le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays (principe de continuité du service public) ou à la protection de la santé et de la sécurité des personnes (DC 27 juillet 1979 et 29 juillet 1987, DC 22 juillet 1980). En l'absence de textes législatifs, les ministres ou les chefs de service tirent de la jurisprudence du Conseil d'Etat Dehaene (7 juillet 1950) le pouvoir de réglementer l'exercice du droit de grève dans leurs services, en prévoyant notamment l'instauration d'un service minimum. Toutefois, les limitations instaurées au droit de grève par le pouvoir réglementaire ne sauraient dépasser celles rendues strictement nécessaires par la conservation des installations et du matériel, la sécurité physique des personnes ou le fonctionnement des services indispensables à l'action gouvernementale. Le droit de grève fait donc l'objet dans les services publics d'une réglementation qui tient à la fois compte de son caractère constitutionnel et de la nécessaire continuité du service public. L'instauration d'un service minimum à la SNCF pour la journée du 1er Mai, dans le but de préserver la liberté de manifester que ni le Conseil constitutionnel ni le Conseil d'Etat n'ont fait figurer parmi les principes justifiant qu'il soit porté atteinte à l'exercice du droit de grève, ne saurait être envisagée.

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