Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 14/10/1999

M. Michel Dreyfus-Schmidt attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la possibilité pour les détenus d'utiliser le service du courrier électronique. Le code de procédure pénale expose dans son article D. 414 que " les détenus condamnés peuvent écrire à toute personne de leur choix et recevoir des lettres de toute personne ". A quoi s'ajoute la faculté pour le prisonnier, toujours en principe et à titre exceptionnel, de téléphoner vers l'extérieur ou d'être appelé (art. D. 417). Au final, une situation de droit qui devrait se traduire par la possibilité de recevoir ou d'émettre des emails. En effet, il n'est plus possible de différencier fondamentalement un coup de téléphone d'un fax, une lettre d'un courrier électronique. Les qualifications juridiques sont, dans cette matière, des plus hasardeuses. C'est le résultat de ce que les spécialistes des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) appellent le digital meltingpot, ou creuset numérique. S'il reste encore inenvisageable de doter chaque prisonnier d'une ligne téléphonique pour accéder au service du email, on peut néanmoins relever que de plus en plus d'établissements pénitentiaires (notamment en région parisienne) vont s'équiper d'une connexion à l'Internet d'ici quelques mois permettant ainsi une communication indirecte. Les risques afférents à cette nouvelle technologie de la correspondance sont quasi inexistants, le transfert de tout message (papier, téléphonique, électronique) entrant ou sortant passant inévitablement par le filtre des autorités pénitentiaires. On peut rappeler, au surplus, qu'il existe déjà des moyens télématiques de liaison entre le détenu et ses proches : certains établissements se sont dotés d'un service Minitel comprenant une messagerie électronique (3615 Baumettes, par exemple). Or, encore une fois, il n'y a pas de différence substantielle entre l'Internet et le Minitel - si ce n'est que ce dernier pratique des prix de connexion excessifs pour des familles à petit budget. On pourrait objecter que ces mêmes familles ont peu de chance de posséder le matériel informatique qui leur permettrait la conversation électronique ; ce serait oublier que certains services associatifs ou institutionnels d'aide aux détenus sont déjà équipés. C'est pourquoi il lui demande si un tel système de correspondance peu coûteux pour l'administration pénitentiaire, moins cher qu'un timbre postal pour les intéressés, ne pourrait venir utilement compléter le dispositif actuel de communication extra-carcérale.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 06/04/2000

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, comme il l'indique lui-même, il n'est pas, pour l'heure, envisagé de permettre un accès individuel des personnes détenues à une ligne téléphonique et au courrier électronique. En effet, outre l'absence des moyens nécessaires à cet accès, les modalités de contrôle des communications des détenus avec l'extérieur pour protéger la sécurité des personnes et des établissements pénitentiaires, telles que prévues par les articles D. 414 à D. 417 du code de procédure pénale pour les correspondances écrites et téléphoniques, ne peuvent pour l'heure être étendues au courrier électronique. S'agissant de l'équipement des établissements pénitentiaires, la mise en uvre des nouvelles technologies constitue une priorité pour le ministère de la justice. Elle se concrétise notamment au sein de l'administration pénitentiaire par le développement de la gestion informatisée de la population pénale et la mise en place progressive sur tout le territoire national (et non pas seulement en région parisienne) d'un " réseau privé virtuel justice " sécurisé reliant entre eux les services de la justice avec des boîtes aux lettres nominatives ou fonctionnelles connectées à l'Internet. Cependant, les impératifs de contrôle précités s'opposent également dans l'immédiat à l'envoi de messages aux personnes détenues par l'intermédiaire des adresses électroniques des établissements pénitentiaires. En effet, il n'existe aucune prescription imposant que le nom d'un internaute corresponde avec l'adresse de la messagerie qu'il crée et il est de surcroît relativement simple, grâce à des logiciels de piratage, d'utiliser l'adresse Internet d'un tiers à son insu pour envoyer un message, sans que son destinataire puisse le détecter. L'établissement pénitentiaire ne serait donc actuellement pas en état de contrôler avec certitude l'identité du correspondant. Malgré la nécessité d'encourager les initiatives locales destinées à faciliter les relations des détenus avec leurs familles, lorsqu'elles sont légalement et matériellement possibles, il ne peut donc en l'état, pour les raisons qui viennent d'être développées, être envisagé de promouvoir le développement de l'accès des familles au courrier électronique. Le ministère de la justice demeure néanmoins soucieux de déployer les moyens modernes de communication au service des personnes incarcérées et de leurs proches et a, d'ores et déjà, facilité l'accès aux parloirs grâce à l'application d'un traitement automatisé des visites de familles de détenus et l'installation de bornes tactiles au moyen desquelles celles-ci peuvent aisément réserver une plage de parloir.

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