Question de M. BRAYE Dominique (Yvelines - RPR) publiée le 21/10/1999

M. Dominique Braye appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la qualification juridique de l'abandon de traces de fichiers informatiques nominatifs sur la voie publique. En effet, depuis la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 dite loi Informatique et liberté, les fichiers informatiques qui contiennent des informations nominatives sont protégés et doivent être déclarés auprès de la commission Informatique et libertés (CNIL). Le texte de cette loi est assez clair concernant la protection dont bénéficient les données électroniques nominatives, c'est-à-dire contenues sur disques durs ou disquettes. Par contre, rien n'est dit au sujet des mêmes fichiers imprimés sur papier, dont on ignore s'ils bénéficient de la même protection. La plupart du temps, les entreprises qui détiennent de tels fichiers, notamment leurs services du personnel, détruisent ces sorties papier après usage. Le cas peut néanmoins se poser, en particulier lors d'un déménagement, que des dossiers de recrutement, non détruits, et contenant ces traces papier de fichiers informatiques nominatifs, soient évacués et se retrouvent mis sur la voie publique, pour enlèvement par le service de collecte des déchets. En conséquence, il lui demande quelle protection est accordée aux traces papier de fichiers informatisés nominatifs. Enfin, il lui demande de quoi cet abandon de documents nominatifs serait passible du point de vue du droit pénal. Il lui pose également la question du point de vue du droit civil, dans le cas où une personne dont les coordonnées personnelles se trouveraient mises sur la voie publique et à la disposition du premier passant venu peut-être malveillant, souhaiterait poursuivre l'entreprise, l'administration ou la collectivité locale responsable.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 20/04/2000

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 45 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés a prévu l'extension d'un certain nombre des droits fondamentaux que celle-ci énonce aux fichiers non automatisés ou mécanographiques autres que ceux dont l'usage relève du strict exercice du droit à la vie privée. Il en va ainsi notamment de l'article 29 de cette loi, selon lequel : " Toute personne ordonnant ou effectuant un traitement d'informations nominatives s'engage de ce fait, vis-à-vis des personnes concernées, à prendre toutes précautions utiles afin de préserver la sécurité des informations et notamment d'empêcher qu'elles ne soient déformées, endommagées ou communiquées à des tiers non autorisés. " Une telle obligation de sécurité et de confidentialité, à la charge du responsable du traitement, couvre également les tirages sur supports papier correspondant aux informations nominatives incluses dans un fichier informatique ou dans tout autre traitement automatisé au sens de l'article 5 de la loi susvisée. Les articles 226-17 et 226-23 du code pénal prévoient et répriment d'une peine de cinq années d'emprisonnement et d'une amende de deux millions de francs le manquement à cette obligation. Ainsi, l'abandon sur la voie publique des documents susmentionnés pourrait-il constituer, sous réserve de l'appréciation des juges du fond, un tel manquement, toutes les précautions utiles n'ayant pas été prises pour empêcher que les données nominatives qu'ils contiennent ne soient rendues accessibles à des tiers non autorisés. En outre, en vertu des dispositions de l'article 226-24 du code pénal, une personne morale peut être déclarée responsable de l'infraction précitée. Sur un plan civil, et quel que soit le statut des documents considérés au regard de la législation de protection des données, l'abandon sans protection par leur détenteur de documents présentant un caractère confidentiel à l'égard de la vie privée des personnes que ceux-ci concernent peut, sous réserve de l'appréciation par les juridictions des circonstances d'un tel abandon et des risques de divulgation auxquels il expose les intéressés, s'avérer constitutif d'une atteinte au droit de toute personne au respect de sa vie privée, édicté par l'article 9 du code civil, et être sanctionné, en conséquence, tant par des mesures susceptibles d'être ordonnées en référé par le juge, afin d'empêcher ou de faire cesser une telle atteinte, que par la mise en uvre des règles de la responsabilité civile prévues par les articles 1382 et 1383 du code civil.

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