Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 25/11/1999

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les événements graves qui se sont produits samedi 20 novembre 1999 boulevard Voltaire à Paris. Un rassemblement organisé par le Comité de vigilance contre l'extrême droite, composé de 20 organisations politiques, syndicales et de déportés du 11e arrondissement a été sauvagement agressé par un commando d'extrême droite. Après avoir fait le salut nazi, une quinzaine d'hommes ont chargé en ligne et ont fait de nombreux blessés parmi lesquels un ancien déporté de quatre-vingts ans et deux policiers. Pour toutes ces raisons elle lui demande que l'Etat prenne toutes les mesures nécessaires pour que tous les coupables soient arrêtés et que l'organisation d'extrême droite dont ils sont membres soit interdite. Elle lui demande par ailleurs que la librairie " La Licorne Bleue ", à la sortie de laquelle un des agresseurs a été arrêté et qui vend des livres racistes, antisémites et révisionnistes, constituant par là même une véritable atteinte à l'ordre public, soit l'objet de toutes les mesures légales possibles.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 02/03/2000

Réponse. - Le 15 novembre 1999, les services de la préfecture de police ont enregistré la déclaration de la tenue d'une manifestation organisée par le " comité de vigilance contre l'extrême droite " le 20 novembre 1999 à 11 heures, devant le gymnase Japy et sur le trottoir du boulevard Voltaire (11e) pour " protester contre le commerce xénophobe et antisémite de la librairie La Licorne Bleue, située 3, rue Jules-Vallès (11e) ". Lors de ce rassemblement, une vingtaine d'individus ont pris à partie les manifestants. Au cours de cette agression, sept manifestants et deux gardiens de la paix ont été blessés. Les effectifs de police ont procédé à l'interpellation d'un des agresseurs, qui a été présenté immédiatement à la permanence du parquet de Paris et placé en garde à vue. 16 personnes ont déposé plainte. Sur instructions du parquet, l'individu mis en garde à vue a été laissé libre le 21 novembre à 11 h 50. L'enquête se poursuit actuellement aux fins d'identifier les autres auteurs de ces violences. Pour ce qui concerne la dénonciation des activités de la librairie La Licorne Bleue, dans le cadre de ses compétences relatives aux délits de presse, le quatrième cabinet de délégations judiciaires de la préfecture de police procède, de façon permanente, à des investigations concernant l'activité des librairies diffusant à Paris des publications d'inspiration raciste, antisémite ou néo-nézie. Ces investigations s'effectuent dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 qui réprime un certain nombre de délits de presse tels que l'apologie de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité, la contestation de crime contre l'humanité, la provocation à la discrimination ou à la haine raciale, la diffamation ou l'injure à caractère racial. La loi de 1881 étant avant tout un texte protecteur de la liberté de la presse, la poursuite de ces infractions s'effectue selon des règles dérogatoires au droit commun et dont les principales caractéristiques sont l'impossibilité pour les services de police d'intervenir en flagrant délit et la nécessité avant toute enquête judiciaire de disposer d'un réquisitoire préalable écrit du parquet, ainsi que la prescription de l'action publique en trois mois. Toutefois, outre les enquêtes judiciaires diligentées sur instructions de l'autorité judiciaire, les librairies susceptibles de diffuser des publications à caractère raciste, antisémite ou néo-nazie sont l'objet de contrôles administratifs qui visent à rechercher, parmi les ouvrages proposés à la vente, ceux dont la circulation, la distribution ou la mise en vente sont interdites au titre de l'article 14 de la loi sur la liberté de la presse. Sont également recherchées d'éventuelles infractions à l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse (interdiction d'exposition au public et de vente aux mineurs). Ces contrôles portent également sur les serveurs Minitel de ces librairies. Ces contrôles administratifs effectués soit en application de l'article 14 de la loi sur la presse visant les publications étrangères, soit sur la base de l'article 14 de la loi du 16 juillet 1949 sur les mineurs, se heurtent, néanmoins à deux limites : ils ne peuvent, en effet, s'effectuer qu'à l'encontre des ouvrages exposés à la vue du public dans les parties des librairies où l'accès est libre et ils ne peuvent porter, par ailleurs, que sur un nombre limité de titres, objets chacun d'un arrêté ministériel d'interdiction. Les services compétents demeurent donc vigilants quant à l'activité de la librairie La Licorne Bleue dans les limites du cadre juridique ainsi rappelé. De plus, de récents incidents ayant eu à nouveau pour cadre cette librairie, celle-ci fait désormais l'objet d'une surveillance particulière par des rondes et patrouilles fréquentes effectuées par les services locaux de police, sensibilisés aux phénomènes de violence liés à l'implantation de ce commerce.

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