Question de M. LE CAM Gérard (Côtes-d'Armor - CRC) publiée le 21/01/2000

Question posée en séance publique le 20/01/2000

M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes
chers collègues, à l'heure où nous parlons, le pétrole de M. Desmarest, le patron de l'année 1999, continue de souiller
notre littoral. Je tiens ici à exprimer toute ma solidarité et mon admiration aux élus, aux bénévoles, à tous les acteurs
qui contribuent courageusement à dépolluer nos côtes. Ainsi, c'est aujourd'hui la logique de tout un système fondé
exclusivement sur la loi du profit et la recherche effrénée de la meilleure compétitivité à n'importe quel prix qui est mise
en accusation.
Cette actualité dramatique, de même que la mobilisation exceptionnelle des services publics et de leurs agents face
aux conséquences de la tempête, donne raison à ceux qui, comme nous, ont combattu sans relâche toutes les
tentatives de déréglementation qui sont à l'oeuvre depuis une quinzaine d'années.
Monsieur le ministre, la récente étude du bureau Enquête Accident, créé sur votre initiative, a confirmé ce que chacun
pensait : la responsabilité de la pollution repose non pas sur l'équipage de l'Erika, ni même sur le commandant du
navire, mais bien sur l'armateur, la société de contrôle et l'affréteur, en l'occurrence la multinationale Total-Fina.
Comme vous, nous estimons qu'il convient d'agir à l'échelon européen et international pour assainir durablement les
conditions du transport maritime.
Je m'interroge, à cet égard, sur le mutisme de la Commission de Bruxelles, d'habitude si prompte à intervenir sur des
sujets de moindre importance ou qui ne relèvent pas de sa compétence.
Dans le cadre de la préparation à la présidence de l'Union enropéenne, quelles initiatives le Gouvernement français
entend-il mener pour renforcer la réglementation maritime et se donner les moyens de la faire respecter ? En outre, un
vaste programme communautaire de prévention et de traitement des pollutions par les hydrocarbures est indispensable
; je pense notamment aux techniques de pompage en surface dont on a pu mesurer les déficiences.
Au niveau de l'Organisation maritime internationale, dont les statuts devront être revus, il est urgent, selon nous,
d'exiger une pénalisation dissuasive des affréteurs, notamment les sociétés pétrolières, qui utilisent des navires sous
pavillon de complaisance réputés vétustes et à bord desquels les travailleurs sont parfois traités comme des esclaves.
M. Ivan Renar. Eh oui !
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Gérard Le Cam. L'Europe s'honorerait en prenant l'initiative d'interdire l'entrée de ses ports à ces « navires
poubelles ». Je rappelle que 40 % de la flotte mondiale ne répondrait pas aux règles internationales !
Ensuite, ne faut-il pas mettre en place un organisme international indépendant chargé de vérifier la conformité des
navires aux normes techniques de sécurité ?
Enfin, de quelle manière le Gouvernement peut-il favoriser la transparence dans la chaîne de responsabilités dans ce
secteur tant la complexité génère, nous le voyons, l'impunité des véritables pollueurs ?
Dans l'urgence, monsieur le ministre, comment l'Etat va-t-il organiser, sur le long terme, l'indemnisation des pêcheurs,
des ostréiculteurs, des professionnels et des collectivités locales, qui vivent de la mer et du tourisme, et quelles
mesures réglementaires et législatives préconisez-vous pour l'avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen et sur plusieurs travées socialistes.)

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 21/01/2000

Réponse apportée en séance publique le 20/01/2000

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement. Monsieur le sénateur, comment ne
pas comprendre votre réflexion sur les bénévoles et le service public ? Bien entendu, le Gouvernement la partage
totalement.
Je vous trouve néanmoins un peu sévère, s'agissant de la Commission européenne. (Exclamations sur les travées du
RPR.)
Depuis le début du naufrage, les contacts que j'ai eus avec Mme Loyola de Palacio, commissaire européen, et M.
François Lamoureux, directeur des transports et de l'énergie, vont tous dans le sens d'un renforcement du dispositif.
Nous veillerons à ce que cette volonté se confirme.
Vous avez évoqué la constitution d'un organisme international indépendant chargé de vérifier la conformité des navires.
Je proposerai en ce sens à la Commission européenne et à l'Organisation maritime internationale de mettre en place un
système commun de contrôle des inspecteurs et des contrôleurs publics ou privés, de façon à garantir la qualité de
l'ensemble du travail effectué.
Les opérateurs doivent également s'engager immédiatement en faveur d'un transport maritime propre sans attendre que
tout ait évolué sur le plan international. J'ai demandé aux entreprises pétrolières de me faire connaître toutes les
mesures qu'elles avaient d'ores et déjà prises et qu'elles comptaient encore prendre tout de suite, en tant qu'affréteurs,
pour garantir la sécurité du transport des produits polluants et dangereux.
Dans cette optique, je leur ai demandé de s'engager immédiatement à ne plus affréter des navires anciens dont on ne
connaîtrait pas clairement les propriétaires présents et passés et les conditions de contrôle de sécurité. Je leur ai
également demandé de ne plus affréter des navires enregistrés sous pavillon de complaisance et de privilégier le
recours aux pavillons français ou européens.
Bien entendu, s'agissant des plans Polmar-terre et Polmar-mer, le Gouvernement - M. le Premier ministre l'a dit - est
décidé à tirer toutes les leçons utiles de cette catastrophe, y compris en termes de prévisions et de moyens, justement
pour éviter que ce type de situation ne se reproduise. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen et sur les travées socialistes.)

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