Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 23/02/2000

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le fait que la direction de l'Imprimerie nationale a annoncé son intention de délocaliser autour de l'année 2002 son établissement de Paris située dans le 15e arrondissement. Une telle décision, si elle se confirmait, se traduirait ainsi par le départ d'une des dernières grandes entreprises de production de la capitale et la perte des 1 000 emplois existants. De plus, elle serait doublée d'une opération immobilière spéculative. Or, l'Imprimerie nationale est un service public et c'est dans le cadre de ses missions que doivent être recherchés sa modernisation et son nécessaire développement. Ce projet aurait de graves répercussions sur les quartiers avoisinants, sur les conditions de vie des personnels et sur l'emploi. Il porte également un nouveau coup à l'activité économique de la capitale, alors que depuis des années le nombre d'emplois de production n'a cessé de décroître au profit d'une croissance démesurée des bureaux. En conséquence, elle lui demande ce qu'il compte faire pour que ce projet de délocalisation ne se réalise pas afin de maintenir et d'assurer la mixité des activités et des fonctions dans la capitale.

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Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 31/05/2000

Réponse apportée en séance publique le 30/05/2000

M. le président. La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 721, adressée à M. le ministre de l'économie,
des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous le savez, la direction de l'Imprimerie nationale annonce
son intention de délocaliser, autour de 2002, son établissement de Paris situé dans le XVe arrondissement, l'une des
dernières grandes entreprises de production de la capitale et qui emploie aujourd'hui quelque 850 personnes. Des
critères de rentabilité financière président ce projet de délocalisation.
Or, je me permets d'insister sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat, l'Imprimerie nationale est toujours propriété à
100 % de l'Etat, qui en est l'unique actionnaire, et accomplit toujours les missions de service public avec ses sujétions
et ses contraintes. Il semble donc logique que, dans le cadre de ses missions, soient recherchés sa modernisation et
son nécessaire développement et que, au lieu de la rentabilité financière, on fasse prévaloir le critère de la rentabilité
sociale.
Le maintien et le développement de l'emploi stable constituent des conditions essentielles de l'avenir de l'Imprimerie
nationale. Cette perspective est d'autant plus réaliste qu'une lecture approfondie du bilan de 1998 montre que si la
productivité de l'Imprimerie nationale doit être améliorée - et elle l'a déjà beaucoup été - la situation de l'entreprise reste
saine, sinon la plus saine de la profession.
Outre l'Etat, la région et la ville pourraient contribuer à des solutions. Mes amis communistes du conseil de Paris qui
ont interpellé la mairie à ce sujet ont été forcés de constater que celle-ci ne fait aucune proposition pour maintenir
l'emploi industriel sur Paris et se contente de se décharger de toute responsabilité. Elle contribue d'ailleurs à une
politique qui, depuis des années, a pour résultat de faire décroître le nombre d'emplois de production au profit d'une
croissance démesurée des bureaux.
Enfin, permettez-moi d'évoquer les menaces qui pèsent sur l'atelier de composition et d'impression d'art de l'entreprise,
dont les domaines d'intervention sont d'une grande diversité et qui constitue un ensemble unique en France, en Europe
et peut-être au monde.
Ces menaces ont déjà suscité un grand émoi. De nombreuses personnalités, dont mon ami Robert Hue et votre
collègue M. Jack Lang, exigent que ce patrimoine de l'Etat, qui pourrait être celui de l'humanité, ne soit pas sacrifié sur
l'autel de la rentabilité financière.
Ma question, vous l'aurez compris, est la suivante : que compte faire l'Etat pour maintenir le site et les emplois de
l'Imprimerie nationale à Paris et pour sauvegarder l'atelier d'art de l'entreprise ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. En l'absence de M. Fabius, permettez-moi, madame la
sénatrice, de vous donner les éléments de réponse qu'il m'a demandé de vous adresser.
Depuis son changement de statut le 1er janvier 1994, l'Imprimerie nationale est soumise aux règles de la concurrence
et n'a conservé de monopole que sur moins de 5 % de son chiffre d'affaires.
Pour répondre au défi commercial auquel elle est ainsi confrontée, l'Imprimerie nationale doit améliorer l'organisation et
le fonctionnement de son outil de production ; or l'usine de Paris, construite pour les techniques du début du siècle, est
aujourd'hui le principal foyer de perte de l'entreprise.
Dans ces conditions, la direction de l'Imprimerie nationale a proposé d'engager, à l'occasion de l'élaboration du plan
stratégique de l'entreprise, une réflexion sur un éventuel déménagement de l'usine de Paris vers un site plus adapté aux
conditions modernes de production. Cette réflexion a été préparée en étroite concertation avec les représentants du
personnel et les organisations syndicales. Le 21 avril dernier, elle a été avalisée dans son principe, avec l'ensemble du
plan stratégique, à l'unanimité des membres du conseil d'administration de l'Imprimerie nationale.
Un éventuel déménagement de l'usine de Paris n'aurait pas d'impact négatif sur l'emploi à l'Imprimerie nationale. Dans le
cadre du plan stratégique, il devrait même contribuer à l'amélioration des perspectives de l'entreprise, en lui donnant
notamment de nouvelles ressources pour investir.
En sa qualité d'actionnaire unique, l'Etat examinera bien évidemment avec attention les propositions finales de la
direction de l'entreprise, en ce qui concerne tant les conditions proposées au personnel que le maintien d'une activité
économique porteuse d'emplois sur le site de Paris.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, cette réponse ne me satisfait pas, vous pourrez en faire part à M. le
ministre de l'économie et de l'industrie. En effet, se séparer d'une partie de son patrimoine pour réaliser une opération
immobilière, comme l'envisage la direction de l'Imprimerie nationale, qui fonctionne désormais selon des critères privés,
peut être une politique à courte vue.
De plus, les arguments techniques souvent énoncés concernant le site de Paris me semblent contestables.
En ce qui concerne l'emploi, par ailleurs, l'expérience nous a malheureusement montré que toute opération de
délocalisation se traduisait par des pertes d'emplois.
L'Etat devrait permettre à l'Imprimerie nationale d'emprunter afin d'assurer une véritable politique d'investissement. Cette
stratégie, le reste de la profession l'applique, puisque les problèmes ne sont pas spécifiques à l'Imprimerie nationale.
Dans ce contexte, l'Imprimerie nationale dispose d'atouts car, quoi qu'en disent certains, malgré la faible rentabilité des
capitaux sur les métiers d'impression traditionnels, cette imprimerie s'est maintenue en imprimerie généraliste du fait de
la spécificité de sa clientèle publique. La part du secteur public pourrait d'ailleurs être sensiblement augmentée,
notamment celle des ministères. Le ministère des finances lui-même, qui est l'unique actionnaire de l'entreprise, confie
actuellement nombre de ses travaux à des imprimeries concurrentes de la sienne, cela me semble contestable.
L'Imprimerie nationale constitue un atout industriel et culturel pour Paris. L'idée de vendre ce site magnifique pour en
faire peut-être, comme cela a été évoqué, un entrepôt pour grands magasins m'est insupportable.
Cela amplifierait encore les nuisances pour les habitants du quartier. Ne devrait-on pas, au contraire, réfléchir à la
manière de préserver ce site et de l'ouvrir vers l'extérieur en y intégrant ce qui pourrait être le conservatoire vivant de
l'imprimerie qui manque cruellement à la capitale, sous une forme plus prestigieuse et permettant une plus grande
fréquentation par le public ?
J'ai bien conscience, monsieur le secrétaire d'Etat, que le problème dépasse sans doute les seules compétences du
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, mais, tant du point de vue de l'emploi industriel à Paris que du
point de vue du patrimoine, cette quetion devrait être mieux considérée par les pouvoirs publics.

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