Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 02/03/2000

M. Michel Dreyfus-Schmidt attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les potentialités discriminatoires issues de la rédaction du décret 90-115 du 2 février 1990 portant application aux juridictions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. L'article 31 de la loi susmentionnée, ainsi modifiée, autorise, pour l'exercice de leur mission, les juridictions de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, à mettre ou conserver en mémoire informatisée les données nominatives qui font apparaître les origines raciales ou les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, ou les appartenances syndicales. Le caractère extrêmement sensible des données enregistrées sur un support informatique - dont la finalité peut toujours être détournée -, présente un risque évident pour la vie privée des personnes. C'est pourquoi assurément, dans des décrets récents, notamment le décret nº 99-1091 du 21 décembre 1999 relatif au pacte civil de solidarité, le Gouvernement a pris la précaution d'insérer un article interdisant expressément de sélectionner une catégorie de personne à partir des données récoltées, garantissant par là même le caractère privé de la sexualité des partenaires concernés. Précaution absente du décret 90-115 du 2 février 1990. Il lui demande donc si la sécurisation juridique du décret passant par l'interdiction expresse de l'utilisation de la base de donnée en vue de la sélection d'une catégorie de personne, ne pourrait venir utilement compléter le dispositif actuel de l'article 31 de la loi susvisée.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 07/09/2000

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les risques présentés par une catégorie de traitements de données nominatives au regard des droits et libertés des personnes doivent être appréciés in concreto, compte tenu de la finalité de ces traitements ainsi que de la nature et de l'étendue des données traitées. Outre le fait que la procédure dans le cadre de laquelle ce texte a été pris offre de nombreuses garanties, puisqu'elle suppose notamment un avis conforme de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, il importe d'observer que le décret nº 90-115 du 2 février 1990 portant application aux juridictions du troisième alinéa de l'article 31 de la loi nº 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ne confère aux juridictions aucune habilitation générale à mettre ou conserver en mémoire informatisée des données de la nature de celles visées par cette disposition. En effet, ce décret, d'une part, ne concerne que les " données nominatives nécessaires à l'instruction et au jugement des litiges (...) et à l'exécution des décisions de justice " et, d'autre part, n'est susceptible de trouver application qu'à des traitements mis en uvre " pour l'exercice des missions des juridictions ". Il est de surcroît nécessaire que ceux-ci aient satisfait aux formalités de l'article 15 de la loi susvisée du 6 janvier 1978, lesquelles supposent un examen préalabe par la C.N.I.L. et un acte réglementaire du Gouvernement. En pratique, le décret du 2 février 1990 permet essentiellement aux juridictions judiciaires et administratives d'inclure dans des traitements de gestion interne de leurs dossiers des données d'une nature sensible que les parties sont appelées à communiquer pour définir leur qualité, déterminer l'objet du litige ou aider à sa solution. En tout état de cause, les risques de sélection à des fins de discrimination qui s'attachent à ces traitements ne peuvent être considérés comme du même ordre que ceux qui découlent, s'agissant de fichiers non placés directement sous la responsabilité de l'autorité judiciaire et susceptibles de révéler indirectement les orientations sexuelles des personnes qu'ils concernent, de la conservation des données relatives au pacte civil de solidarité et qui expliquent l'introduction dans le décret nº 99-1091 du 21 décembre 1999 d'une disposition spécifique prohibant expressément toute sélection d'une catégorie particulière de personnes. Compte tenu de ces éléments, il n'est pas envisagé de modifier le décret du 2 février 1990, les garanties offertes par celui-ci apparaissant conformes à la loi et à nos obligations internationales.

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