Question de M. HURIET Claude (Meurthe-et-Moselle - UC) publiée le 25/05/2000

M. Claude Huriet attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur le dépistage du cancer colorectal qui tue chaque année entre 15 000 et 16 000 Français. Seules 3 % des explorations endoscopiques du côlon et du rectum, effectuées à titre de dépistage, permettent d'en faire le diagnostic. Depuis 1993, neuf enquêtes épidémiologiques, en France et à l'étranger, ont démontré que l'utilisation d'un test, l'Hemoccult II, tous les deux ans au-delà de cinquante ans, permet de réduire de 14 à 18 % ce type de mortalité. La conférence de consensus organisée en 1998 par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) sur cette question a d'ailleurs mis en évidence que " le test Hemoccult II a une sensibilité et une spécificité acceptables dans le cadre d'un programme de dépistage réalisé dans de bonnes conditions : il permet de dépister environ 50 % des cancers et 20 % des adénomes de plus d'un centimètre ". Ce dépistage permettrait en outre de réduire significativement le nombre de coloscopies pratiquées dans notre pays, dont la pratique n'est pas anodine et dont le rendement est faible. De nombreux médecins ont alerté les pouvoirs publics et l'opinion sur cette question : selon eux, 3 000 décès au moins pourraient être évités chaque année si ce dépistage était institué. La Conférence nationale de santé, dans son rapport pour l'année 1997, tout comme le Haut Comité de santé publique en 1998, se sont tous deux prononcés pour une intensification des efforts en matière de dépistage du cancer colorectal. Or, malgré les engagements pris l'an dernier visant à étendre le dépistage du cancer du côlon, aucun texte d'application, décret ou arrêté, n'est publié à ce jour. Deux textes avaient été annoncés pour publication au cours du dernier trimestre 1999. Il lui demande combien de temps sera encore nécessaire à la mise en oeuvre de cette très réelle mesure de santé publique.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 28/06/2000

Réponse apportée en séance publique le 27/06/2000

M. le président. La parole est à M. Huriet, auteur de la question n° 842, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la
santé et aux handicapés.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi, tout
d'abord, d'effectuer un bref rappel historique.
En septembre 1997, la Conférence nationale de santé préconise « d'aborder le dépistage et le diagnostic précoces,
personnalisés et périodiques du cancer du côlon », ainsi que du cancer du sein et de l'utérus.
En 1998, le haut comité de la santé publique indique que, s'agissant des cancers colorectaux, « en termes de
prévention, les efforts engagés doivent être poursuivis et intensifiés ».
En mars de cette même année, le directeur général de la santé annonce le lancement d'un dépistage de masse.
En décembre 1998, l'article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoit la mise en oeuvre de
programmes de dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables. Parmi les maladies retenues, figure en
bonne place le cancer colorectal.
Deux ans se sont écoulés depuis. Tous les professionnels de santé concernés s'accordent à reconnaître que
l'utilisation du test Hemocult II, sur un rythme bisannuel, à partir de cinquante ans, avec un taux de participation de 50
%, pourrait éviter 3 000 morts par an.
Deux ans d'atermoiements et d'absence de décision, c'est donc 6 000 morts évitables qui n'ont pu être évitées. C'est en
ces termes qu'il faut dresser un triste constat, conséquence directe de l'impéritie du Gouvernement.
Le 11 mai dernier, à l'occasion d'une réunion qui s'est tenue sous votre autorité, madame le secrétaire d'Etat, accord a
été donné pour lancer, enfin, à partir de 2001, la campagne de dépistage que les médecins concernés attendent depuis
des mois.
Depuis, rien n'a avancé. Pour être opérationnel à partir de janvier 2001, le démarrage du programme nécessite que sa
mise en place soit engagée dès maintenant. Or, la procédure d'appels d'offres adressés aux départements pour
l'organisation du programme sur le terrain n'a toujours pas été lancée à ce jour.
Une fois encore, de la part du Gouvernement, les actes ne suivent pas les paroles. Les déclarations dans la presse se
succèdent, mais les actions tardent à venir. Et la santé des Français ne peut qu'en pâtir.
Madame le secrétaire d'Etat, quand allez-vous effectivement mettre en place un programme de dépistage du cancer
colorectal ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur, comme vous nous
estimons que le cancer colorectal constitue un véritable enjeu de santé publique et que le dépistage, le diagnostic
précoce, doivent permettre de diminuer rapidement la mortalité due à ces cancers. C'est une des priorités du plan
gouvernemental que j'ai annoncé le 1er février dernier et que vous connaissez bien.
Différentes mesures ont été mises en place par ce gouvernement depuis deux ans dans ce domaine particulier.
Les dispositions adoptées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 permettent maintenant de définir
les conditions d'un dépistage garantissant l'égal accès de tous sur l'ensemble du territoire et la qualité des actes
réalisés dans ce cadre. Deux décrets, signés le 2 juin dernier, précisent les modalités pratiques de ce dispositif. Ils
permettront la finalisation de l'organisation des plans de dépistage.
Pour le dépistage du cancer colorectal, a été mis en place, en 1999, un groupe technique rattaché au directeur général
de la santé et chargé d'établir le cahier des charges de ce dépistage, qui n'est pas simple - vous le savez autant que
moi, si ce n'est mieux, monsieur le sénateur.
Ce groupe technique a terminé son travail à la fin de l'année dernière. Ses recommandations rejoignent le travail réalisé
par la Société française de gastro-entérologie, qui nous a également remis ses propositions en mars dernier. Les
choses se sont donc précisées, ces derniers temps.
C'est en nous fondant sur ces travaux, lors du dernier comité de suivi du plan national de lutte contre les cancers,
qu'avec les professionnels, à mon ministère et en ma présence, nous avons défini les prochaines étapes : la mise en
place de comités régionaux de pilotage du dépistage du cancer colorectal ; la mise en place de structures
départementales de gestion ; la réalisation du dépistage par test Hémocult II tous les deux ans chez les personnes
âgées de cinquante à soixante-quatorze ans.
Dès cette année, plusieurs départements vont se lancer dans cette démarche, et je tiens à remercier l'ensemble des
professionnels - médecins généralistes, pharmaciens, médecins spécialistes - qui se sont engagés à nos côtés dans
cette action prioritaire de santé publique.
Cette préfiguration sur plusieurs départements nous permettra, grâce à l'évaluation que nous en tirerons, de généraliser
dans les années qui viennent le dépistage du cancer colorectal, comme nous l'avons fait pour le dépistage du cancer du
sein.
M. Claude Huriet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Madame le secrétaire d'Etat, j'apprécie les éléments de réponse que vous m'avez apportés. Mais,
finalement, ils confirment le calendrier que j'avais moi-même évoqué. Vous comprendrez donc que, si je suis quelque
peu rassuré, je ne le serais totalement que lorsque, effectivement, sur le terrain, dans les départements qui auront été
choisis pour ces opérations pilotes, le dépistage pourra être réellement mis en pratique.
Vos intentions, je ne les ai pas contestées, mais vous serez sans doute d'accord avec moi pour reconnaître qu'il a fallu
plus de trois ans pour amorcer l'action, alors que tout le monde s'accorde sur la nécessité, sur les résultats attendus et
sur les modalités de la mise en oeuvre de ce test - et c'était bien là l'objet de ma question.
Je le répète ces éléments de réponse m'ont quelque peu rasséréné. Mais attendons la suite !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. C'est vrai, monsieur le sénateur, il a fallu trois ans pour en arriver là. Mais
permettez-moi de vous rappeler la chronologie récente : présentation du programme de lutte contre le cancer le 1er
février dernier ; réception des conclusions du groupe de travail en mars ; comité de pilotage en mai ; mise en place
d'une procédure d'expérimentation sur plusieurs départements, avec signature des décrets le 2 juin dernier.
Cette accélération du calendrier devrait être de nature à vous rassurer sur notre volonté politique de développer
véritablement le plan de lutte contre le cancer colorectal.

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