Question de M. HUGUET Roland (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 18/05/2000

M. Roland Huguet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'application des directives européennes. Sur le plan pratique, une directive européenne n'était appliquée que si elle était transcrite en droit national : c'est ainsi que la directive " services " de 1992 n'a été transposée qu'en 1998. Or, dans un arrêt du 6 février 1998, le Conseil d'Etat a consacré, à l'issue de la période de transposition, la primauté des directives communautaires sur le droit national. En conséquence, il lui demande de bien vouloir préciser si les prochaines directives européennes qui n'auront pas été transcrites dans les délais imposés par la Commission de Bruxelles sont, de plein droit, applicables en droit national.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 24/08/2000

Réponse. - L'article 249 paragraphe 3 du traité CE (anc. article 189) dispose que " la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ". Il résulte de cet article qu'une directive n'est en principe pas directement applicable tant qu'elle n'a pas été transposée. En effet, une directive est essentiellement une technique de législation " médiate " excluant a priori tout effet direct. Elle ne crée d'obligations qu'à l'égard des Etats. Toutefois, la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a reconnu, sous certaines conditions, un effet direct aux directives permettant aux particuliers de s'en prévaloir devant les juridictions nationales. Le juge communautaire considère que les particuliers ne peuvent se prévaloir de l'effet direct qu'à l'expiration de la période de transposition fixée par la directive. La même possibilité leur est offerte en cas de transposition incorrecte des dispositions de la directive par l'Etat. Il faut pour cela que les dispositions de la directive soient suffisamment claires, précises et inconditionnelles (CJCE, 5 avril 1979, Ratti, aff. 148/78). Enfin, une directive ne peut avoir qu'un effet direct " vertical ascendant ", c'est-à-dire que ses dispositions ne peuvent être invoquées qu'à l'encontre de l'Etat défaillant ou d'une collectivité locale, voire dans certaines conditions d'une entreprise publique (CJCE, 12 juillet 1990, Foster British Gas, aff. 188/8). Une directive ne peut donc pas être invoquée à l'encontre d'un particulier ni par un autre particulier, ni par l'Etat lui-même (CJCE, 26 février 1986, Marshall, aff. 152/84). Les juridictions administratives françaises reconnaissent la primauté des directives sur la loi même postérieure depuis les arrêts Nicolo (CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo) et SA Rothmans (CE, Ass., 28 février 1992, SA Rothmans International France). Sans reconnaître explicitement un effet direct aux directives, le Conseil d'Etat a cependant développé, depuis les arrêts Fédération française des sociétés de protection de la nature (CE, 7 décembre 1984) et Alitalia (CE, Ass., 3 février 1989, compagnie Alitalia), une jurisprudence qui donne plein effet à celles-ci en droit interne. L'arrêt du 6 février 1998 constitue l'aboutissement de cette évolution, puisque le Conseil d'Etat a annulé une délibération du conseil de la communauté urbaine de Lyon et une décision de son président de signer un contrat de concession sur le fondement de la non-conformité de règles nationales exclusivement jurisprudentielles applicables à la passation des contrats de concession de travaux publics avec les objectifs d'une directive non transposée (CE, 6 février 1998, Ass., Tête et Association de sauvegarde de l'Ouest lyonnais). La reconnaissance par les juridictions communautaires et françaises de l'effet direct des directives mal ou non transposées ne permet pas aux autorités françaises de s'affranchir de toute mesure de transposition. L'absence de transposition ou la mauvaise transposition d'une directive, qu'elle soit d'effet direct ou non au sens de la jurisprudence communautaire rappelée ci-dessus, engage en effet la responsabilité de l'Etat (CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci, C-6/90 et C-9/90). Le principe reste donc qu'une directive n'a normalement d'effet sur le territoire national que par le biais des mesures de transposition adoptées par les autorités compétentes.

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