Question de M. AUBAN Bertrand (Haute-Garonne - SOC) publiée le 01/06/2000

M. Bertrand Auban attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la campagne internationale en faveur d'une remise de la dette des pays pauvres très endettés. L'initiative du gouvernement français en février 1999 a contribué à l'adoption au sommet du G7 à Cologne en juin 1999 d'un accord sur une amélioration du traitement de la dette des pays en développement. En janvier 2000, le gouvernement français a annoncé également, à l'issue du G7 de Tokyo, que la France irait jusqu'à 100 % d'annulation des crédits commerciaux bilatéraux éligibles au traitement du Club de Paris. En février 2000, la France a annoncé l'allégement de la dette du Honduras et en mars 2000 l'annulation de la totalité de ses créances d'aide publique au développement et des créances commerciales traitées en Club de Paris à l'égard du Mozambique. Toutes ces mesures sont accueillies favorablement par les organisations qui se mobilisent en faveur de cette campagne. Toutefois elles interrogent sur les dates prévisibles et les modalités de traduction de ces engagements de la France dans le budget national. Elles demandent également que soit établie une conditionnalité sur l'utilisation et le contrôle des fonds, destinée à éviter le retour à l'endettement des pays concernés. C'est pourquoi il le remercie de bien vouloir lui apporter toutes précisions possibles sur la mise en oeuvre des mesures décidées par le gouvernement français : à quelle échéance peut en être envisagée l'inscription budgétaire ; pour quel montant et quels pays ; dans quelles modalités et sous quelles conditions ces remises de dette seront applicables.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 14/12/2000

Réponse. - La France s'est engagée, sur une base bilatérale, à effectuer des annulations allant au-delà de l'initiative multilatérale sur la dette des pays pauvres très endettés (PPTE) : lors du sommet du Cologne, la France a décidé, comme les autres pays du G7, d'annuler l'intégralité de ses créances d'aide publique au développement sur les pays déclarés éligibles à l'initiative PPTE ; lors du sommet des ministres des finances du G7 à Tokyo en janvier 2000, la France s'est engagée à porter de 90 % à 100 % le taux d'annulation de ses créances commerciales éligibles à un traitement en Club de Paris. Ces annulations bilatérales interviendront, pour chaque pays, au " point d'achèvement " de l'initiative PPTE, de façon à respecter le principe de conditionnalité de l'initiative auquel la France souscrit pleinement. Ces annulations complémentaires décidées par la France, comme par d'autres pays, sont justifiées par le souci de tenir compte, au-delà de l'analyse sur la soutenabilité de la dette menée par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, de la grande vulnérabilité des économies des pays PPTE aux chocs extérieurs, et de leur forte dépendance, dans la majorité des cas, à l'égard de quelques produits d'exportations. A l'issue de l'ensemble de ces traitements, les pays éligibles à l'initiative n'auront donc plus de dettes annulables envers la France. Seules lui resteront dues les créances dites " post-date butoir ", ou encore non éligibles à un traitement en Club de Paris. Lorsqu'ils sollicitent un traitement en Club de Paris, les pays débiteurs s'engagent en effet à honorer leur dette postérieure à une date fixée à l'occasion de la négociation et qui la précède généralement de un à trois ans. Les créances postérieures à cette date sont donc par principe exclues des futurs rééchelonnements ou annulations. C'est un condition essentielle pour que le pays concerné conserve son accès au crédit international. La France a donc décidé de ne pas annuler ses créances post-date butoir, car elle tient à préserver ce principe qui limite l'aléa moral. Les montants concernés sont de toute façon inférieurs à 200 millions d'euros. Le coût des mesures en faveur des pays éligibles à l'initiative sur la dette des pays pauvres très endettés se décompose en deux parties : a) Le coût des annulations décidées dans le cadre du Club de Paris (5,4 milliards d'euros) devrait être étalé sur six à sept années budgétaires (jusqu'à 2005-2006) au fur et à mesure des points d'achèvement des pays bénéficiaires. Sur le plan budgétaire, ces opérations seront réalisées selon les modalités habituelles des traitements de dettes en Club de Paris, dans le cadre de l'habilitation donnée par le Parlement en loi de finances rectificative pour 1999. En pratique, les créances gérées par la Banque de France, Natexis ou l'Agence française de développement sont refinancées par l'intermédiaire du compte 903-17, leur annulation partielle faisant l'objet de transports en découverts du Trésor en loi de règlement et les créances portées par la Coface sont annulées et rééchelonnées. Si les transports en découverts du Trésor ne représentent pas en tant que tels un montant de dépenses budgétaires, ils sont comptabilisés dans le déficit au sens du traité de Maastricht. Au final, la France devra bien supporter un coût en comptabilité nationale de 5,4 milliards d'euros ; b) Les créances annulées à titre bilatéral, soit 4,7 milliards d'euros, feront l'objet d'un refinancement par dons année par année au fur et à mesure des échéances après le point d'achèvement. Ce montant représente les échéances futures en principal des montants annulés. En pratique, l'annulation conduira également au refinancement des échéances futures en intérêts. Le coût budgétaire (qui est au cas présent égal au coût en comptabilité nationale) de ces mesures sera matérialisé par l'inscription, année par année, en loi de finances, de montants correspondant aux annulations de créances. Ce coût sera en pratique très étalé, l'essentiel des refinancements par dons étant actuellement prévu entre 2002 et 2020, les derniers refinancements pouvant intervenir dans quarante ans pour des montants résiduels. Le phasage des dépenses budgétaires qui correspond à cette annulation est très incertain, dans la mesure où il dépend de la date à laquelle les pays éligibles atteignent le point d'achèvement de l'initiative, par décision des conseils d'administration du FMI et la la Banque. Le tableau ci-après détaille, par pays, les efforts financiers actuellement prévus (les pays sont classés en trois groupes en fonction de la rapidité avec laquelle il est prévu qu'ils bénéficient de l'initiative PPTE, le premier groupe étant les pays les plus rapidement traités) :( NOTA Voir tableau page 4256 ). L'effort français dans le cadre du Club de Paris s'inscrit dans les programmes mis en place par le FMI et la Banqe mondiale pour le développement et la réduction de la pauvreté dans le pays bénéficiaire. Ces programmes prévoient notamment des mesures visant à limiter le réendettement des pays concernés. Au-delà de ce dispositif multilatéral, l'effort français additionnel prendra la forme d'un refinancement par dons des échéances dues par le pays bénéficiaire. Ce dispositif conduira à associer plus étroitement la France, pour les annulations de dette allant au-delà du niveau de soutenabilité défini dans le cadre multilatéral, au financement de programmes et de projets de développement durable et solidaire. Par opposition à une simple mesure d'annulation, pour laquelle il est toujours difficile de contrôler que le pays débiteur réalise bien les dépenses souhaitées, le mécanisme de refinancement par dons retenu par le Gouvernement permet donc de mieux s'assurer que chaque franc annulé sera affecté à la réalisation de dépense de développement et de réduction de la pauvreté.

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