Question de M. DESCOURS Charles (Isère - RPR) publiée le 03/10/2000

M. Charles Descours attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur les conséquences sociales inquiétantes de la mise en application de la couverture maladie universelle dans un grand nombre de départements. L'Isère figure parmi la dizaine de départements qui avaient un barème AMG (aide médicale générale) plus favorable que la CMU. C'est aussi le cas à Paris, où la carte Paris Santé avait un plafond maximal de ressources supérieur à celui de la CMU. Or, fin octobre, les affiliations automatiques des anciens bénéficiaires vont prendre fin, et un grand nombre de personnes déjà économiquement très fragiles risquent de ne plus être couvertes. Mais les conseils généraux ne pourront pas pallier ce manque. Effectivement, la compétence appartient désormais de par la loi à l'Etat. Les conseils généraux continueront à financer cette dépense par une ponction sur la dotation générale et les personnels du service AMG sont généralement tous redéployés sur d'autres services de décentralisation. Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui indiquer les mesures concrètes qu'elle compte prendre de manière urgente pour éviter cet effet pervers de la loi qui va créer une nouvelle catégorie d'exclus.

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Réponse du ministère : Santé publiée le 25/10/2000

Réponse apportée en séance publique le 24/10/2000

M. le président. La parole est à M. Descours, auteur de la question n° 871, adressée à Mme
le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Charles Descours. Je souhaite attirer l'attention de Mme le secrétaire d'Etat à la santé et
aux handicapés sur les conséquences importantes de la mise en application de la couverture
maladie universelle, la CMU, dans un grand nombre de départements.
L'Isère, dont j'ai l'honneur d'être un élu, figure parmi la dizaine de départements qui appliquait un
barême d'aide médicale générale, l'AMG, plus favorable que celui de la CMU. C'était également
le cas à Paris, où le plafond de ressources retenu pour l'attribution de la carte Paris-santé était
supérieur à celui de la CMU.
Lorsque nous avons débattu, dans notre assemblée, du projet de loi relatif à la CMU, nous
avons lutté contre l'effet couperet que pouvait engendrer le dispositif. Malheureusement, nos
collègues de l'Assemblée nationale ne nous ont pas suivis et n'ont pas retenu le procédé de
lissage que nous souhaitions.
Or, à la fin du mois d'octobre, c'est-à-dire dans quelques jours, les affiliations automatiques des
anciens bénéficiaires vont prendre fin et un grand nombre de personnes déjà économiquement
très fragiles ne seront plus couvertes. Je rappelle qu'il s'agit de toutes celles dont le revenu est
supérieur à 3 500 francs, c'est-à-dire les personnes âgées qui perçoivent le minimum vieillesse
et les personnes handicapées, puisque l'allocation aux adultes handicapés comme le minimum
vieillesse s'élèvent à 3 540 francs. On ne peut pas dire que ces personnes soient
particulièrement à l'aise !
En outre, les conseils généraux ne pourront pas pallier ce manque. En effet, en vertu de la loi,
cette compétence relève maintenant de l'Etat.
Je rappelle que, sur les 9 milliards de francs nécessaires, 5 milliards, voire 5,5 milliards de
francs, sont déjà fournis par les conseils généraux à la suite de l'accord qui est intervenu entre
l'Etat et ces derniers. Par conséquent, les conseils généraux continueront de financer cette
dépense par une ponction sur la dotation générale de décentralisation.
Mais, surtout, les personnels de l'aide médicale générale vont être redéployés dans d'autres
services.
Je voudrais demander une nouvelle fois - de nombreux articles sont parus dans la presse sur ce
sujet - quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre de manière urgente pour pallier
cet effet pervers de la loi que nous avons dénoncé en son temps et qui crée une nouvelle
catégorie d'exclus.
Un grand journal du soir titrait hier : L'exclusion, une réalité qui n'est pas améliorée malgré la loi
sur l'exclusion. Qu'elle ne soit pas améliorée, c'est une chose ; mais voter des lois qui
l'accentuent, c'est vraiment inadmissible !
M. Christian de La Malène. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Monsieur le sénateur,
j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cette question dans cette assemblée.
M. Charles Descours. Oui, mais la réponse que vous m'avez faite ne m'a pas donné
satisfaction.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. C'est la réponse du Gouvernement, et vous êtes
dans votre rôle d'opposant en continuant de considérer que cette immense loi de progrès n'a
apporté aucune amélioration à la situation d'un certain nombre de nos concitoyens.
Le Gouvernement considère que les conséquences sociales et humaines de la mise en oeuvre
de la couverture maladie universelle sont très positives pour un grand nombre de nos
concitoyens.
Au demeurant - je suis d'accord avec vous sur ce point - des difficultés demeurent ou
apparaissent pour un certain nombre de personnes ; nous aurons à en discuter.
Quoi qu'il en soit, du fait de la mise en place de la CMU, le nombre de nos concitoyens qui
aujourd'hui sont en situation difficile est beaucoup moins important que précédemment. En
effet, au 30 juin 2000, plus de 4,3 millions de personnes étaient couvertes par la CMU et,
aujourd'hui, le nombre de bénéficiaires peut être estimé à 4,7 millions de personnes, soit un
chiffre très supérieur à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale départementale que
vous évoquiez, monsieur le sénateur, même si ce régime était plus favorable dans certains
départements.
La protection complémentaire en matière de santé instaurée par la loi portant création d'une
couverture maladie universelle constitue une prestation à caractère social sous conditions de
ressources. Le seuil a été fixé à 3 500 francs par mois, après un long débat. C'est le
Gouvernement qui l'a retenu parce qu'il représente un progrès par rapport à la moyenne des
barèmes départementaux d'admission à l'aide médicale, qui, pour la plupart, atteignaient environ
2 500 francs par mois, même si je vous concède que, dans une dizaine de départements, dont
le vôtre et le mien, ce seuil était supérieur.
Les bénéficiaires de l'aide médicale départementale ont été transférés automatiquement à la
CMU avec des droits jusqu'au 31 octobre. Ils ont été invités par les caisses d'assurance
maladie à présenter un dossier pour renouveler ces droits dans le cadre du nouveau dispositif
de la CMU.
Dans certains cas, ces droits ne seront pas renouvelés. Cela peut être parce que les revenus
du demandeur ont augmenté. En effet, la situation économique a changé et un certain nombre
des bénéficiaires de l'aide médicale départementale voyant leurs revenus dépasser le seuil
retenu par la CMU auraient aussi bien pu perdre leurs droits à cette aide médicale
départementale.
D'autres personnes se trouvent dans les quelques départements que vous avez évoqués,
monsieur le sénateur, où le seuil d'admission à l'aide médicale départementale était plus élevé
que celui qui a été retenu pour la CMU.
Enfin, d'autres ne présentent pas de dossier pour des raisons qui leur appartiennent.
Il faut rappeler que les caisses d'assurance maladie disposent de fonds d'action sociale. La
mise en place de la CMU va libérer une partie de ces fonds, qui pourront être utilisés pour
résoudre les problèmes rencontrés par les personnes dont les ressources sont légèrement
supérieures au seuil retenu pour la CMU. Ainsi, une réorientation de crédits à hauteur de 400
millions de francs par an permettra d'aider les personnes dépassant le seuil de ressources de la
CMU complémentaire par une prise en charge soit de leur adhésion à une couverture
complémentaire soit de soins particulièrement coûteux.
De même, les départements, qui conservent une compétence générale en matière d'aide
sociale, peuvent encore intervenir et définir, dans le cadre de leur politique, des dispositifs d'aide
facultatifs qui leur permettront de maintenir les personnes concernées dans la situation
antérieure lorsqu'elle était plus favorable que celle qui est issue de la mise en oeuvre de la
CMU.
Enfin, les organismes complémentaires peuvent créer, dans la même perspective, un fonds
d'accompagnement.
Le débat n'est pas clos, monsieur le sénateur, et je pense que nous devons tous nous atteler à
la réflexion qui nous permettra de satisfaire ce petit nombre de nos concitoyens qui ne sont pas
pris en compte par la CMU.
M. Charles Descours. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours.
M. Charles Descours. Madame le secrétaire d'Etat, vous persistez : évidemment, vous n'allez
pas vous contredire ! Mais, malheureusement, l'entêtement du Gouvernement et de sa majorité
a fait que nous nous trouvons devant un problème qui aurait pu être évité si l'on avait suivi la
solution préconisée y compris par le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Recours,
solution qui consitait en un lissage du seuil. On aurait pu remonter progressivement jusqu'aux
revenus légèrement inférieurs au SMIC.
Mais le Gouvernement a arbitré et sa majorité l'a suivi.
Dans ces conditions, madame le secrétaire d'Etat, il va être très difficile d'expliquer, dans les
dix départements en cause - rien qu'à Paris, plusieurs milliers de personnes se trouveront
concernées - que la nouvelle situation ne résulte pas d'un changement d'attitude du
département.
Vous nous avez dit que les caisses primaires d'assurance maladie allaient libérer une partie
des fonds d'action sociale. Nous verrons bien ce qu'elles en pensent ! Enfin, nous discuterons
de tout cela dans quelques jours, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité
sociale. J'en ai, pour ma part, déjà parlé ce matin, dans les studios de LCI, avec certains de
nos collègues députés.

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