Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 12/10/2000

Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux Laennec, Boucicaut et une partie de Broussais après la création de l'hôpital européen Georges-Pompidou. Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP). Leur emprise est d'environ 110 000 mètres carrés. Ils sont situés au c ur de Paris, respectivement dans les 7e, 15e et 14e arrondissements. Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP conduisent celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel hôpital Georges-Pompidou. En ce qui concerne l'hôpial Laennec, la Cogedim pourrait acheter l'ensemble du site de Laennec, y compris la partie historique sans condition suspensive pour un montant de 500 millions de francs. Ce promoteur y prévoirait la création d'un hôtel quatre étoiles dans une partie des bâtiments classés monuments historiques, la réalisation d'une maison de retraite privée de luxe, la construction de 170 logements ultrarésidentiels, vendables entre 50 000 et 60 000 francs le mètre carré. Il y aurait seulement 50 logements prêt locatif intermédiaire (PLI) et 10 logements prêt locatif aidé (PLA) alors que le 7e arrondissement est parmi les arrondissements où le logement social est quasi-absent. Tous ces projets interviennent alors qu'il est important de préserver le domaine public et de contenir la spéculation immobilière. Il y a, à Paris, de très importants besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements. C'est particulièrement vrai dans les 7e, 15e et 14e arrondissements où ces terrains se trouvent. Faut-il rappeler que la récente convention Etat-ville de Paris sur le logement signée en mars 1999 par M. le secrétaire d'Etat au logement stipule que : " Lorsque les terrains appartiennent à des établissements publics, des protocoles tripartites seront recherchés afin de définir les objectifs de production de logements sociaux ". C'est pourquoi elle lui demande de contribuer à l'arrêt des procédures en cours et d'organiser une consultation entre l'Etat, la région, la ville de Paris et l'AP-HP en vue de se saisir d'une occasion pour satisfaire les besoins collectifs, de mixité sociale et d'équipements de la capitale.

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Réponse du ministère : Économie solidaire publiée le 15/11/2000

Réponse apportée en séance publique le 14/11/2000

Mme Nicole Borvo. Je souhaitais interroger Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité sur
une question que me tient à coeur, à savoir le devenir des terrains des hôpitaux Laennec,
Boucicaut et une partie de l'hôpital Broussais après la création de l'hôpital européen
Georges-Pompidou qui a entraîné la fermeture pour tout ou partie de ces hôpitaux.
Ces terrains appartiennent à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, ce sont donc
des terrains publics. Leur emprise est d'environ 110 000 mètres carrés. Ils sont situés au
coeur de Paris, respectivement dans les VIIe, XVe et XIVe arrondissements.
Les instructions des autorités de tutelle de l'AP-HP, c'est-à-dire de l'Etat, en 1992, conduisent
celle-ci à céder ces terrains afin d'autofinancer le nouvel hôpital Georges-Pompidou.
En ce qui concerne l'hôpital Laennec, il était prévu au départ que la COGEDIM achète
l'ensemble du site, soit 38 173 mètres carrés, y compris la partie historique, sans condition
suspensive, pour un montant de 530 millions de francs. Etaient envisagés notamment la
création d'un palace, des logements de grand standing à 50 000 ou 60 000 francs le mètre
carré, 50 logements ressortissant au prêt locatif intermédiaire, le PLI, et seulement dix ateliers
d'artistes dans ce VIIe arrondissement qui ne compte que 0,28 % de logements sociaux.
Ce projet, en contradiction totale avec les principes énoncés dans la convention Etat-ville sur
le logement social, qui stipule expressément d'utiliser les terrains publics pour les logements
sociaux, a provoqué une réaction très forte, en particulier des élus communistes de Paris et,
je le crois, de la population.
Il n'est pas possible de favoriser de la sorte la spéculation immobilière alors qu'il y a là
l'occasion de mettre en oeuvre une véritable mixité sociale par la construction de logements
sociaux et d'équipements publics, surtout dans des arrondissements comme ceux que je
viens de citer.
Dans ce contexte, je ne peux que me réjouir de la décision du Premier ministre d'avoir
demandé de retirer ce projet de l'ordre du jour du conseil d'administration de l'AP-HP.
D'ailleurs, ce report a créé une situation nouvelle qui a amené l'AP-HP à formuler de nouvelles
propositions, à savoir d'installer sur le site environ cent logements pour étudiants boursiers et
trente logements pour familles modestes ; petits progrès, certes, mais vraiment insuffisants au
regard des enjeux.
C'est pourquoi j'estime que le voeu qu'ont déposé mes amis du groupe communiste de l'Hôtel
de Ville le 23 octobre concernant l'abandon définitif de tout projet de cession des terrains de
l'hôpital Laennec à un promoteur privé, l'exercice par la Ville de Paris de son droit de
préemption et l'organisation d'une table ronde réunissant l'Etat, la région et la Ville de Paris
sur leur devenir est toujours d'actualité. Que compte faire le Gouvernement en ce qui concerne
la situation que je viens d'évoquer ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Madame le secrétaire, vous avez
attiré notre attention sur le devenir des terrains libérés par les hôpitaux Laennec, Boucicaut et
une partie de Broussais, après l'ouverture de l'hôpital européen Georges-Pompidou et, en
particulier, sur l'avenir du site de Laennec, première emprise à pouvoir être envisagée en raison
du transfert des activités.
Il faut peut-être tout d'abord rappeler que le montant de la construction de l'hôpital européen
Georges-Pompidou est estimé à ce jour par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris à 1,8
milliard de francs. L'AP-HP s'est engagée à assurer le financement de la totalité de cette
construction et de 25 % des équipements de l'hôpital européen Georges-Pompidou par des
cessions d'actifs.
La cession de terrains dans le cadre d'opérations de recomposition hospitalière et de
reconstruction de nouveaux sites ne constitue pas, à cet égard, une spécificité parisienne,
puisqu'elle est fréquemment employée par d'autres établissements de santé du territoire.
S'agissant de la situation particulière des terrains de Laennec, ce site étant le premier des
sites libérés par le transfert des activités vers l'hôpital Georges-Pompidou, le conseil
d'administration des Hôpitaux de Paris a donc décidé, le 24 mars dernier, d'engager la
procédure de déclassement et de cession du site.
Au terme d'une procédure d'appel d'offres, le conseil d'administration devait examiner les offres
des aménageurs le 20 octobre dernier. Il s'agit en réalité d'une décision très importante, qui
engage très fortement l'établissement et, de ce fait, nécessite un examen approfondi du
dossier.
Sans remettre en cause la démarche de l'établissement, les autorités de tutelle souhaitent
que l'on se donne le temps nécessaire à une décision réfléchie, sur la base d'informations
complémentaires qui pourraient être demandées par la direction générale des Hôpitaux de
Paris à chacun des aménageurs candidats.
Le Gouvernement souhaite que les décisions qui seront prises par le conseil d'administration
de l'établissement public pour la réalisation de cette opération concilie deux préoccupations
essentielles.
Il s'agit, à l'occasion de la libération de terrains appartenant à un opérateur public, de
permettre la réalisation d'un programme équilibré qui réponde aux besoins des Parisiens, en
particulier en termes d'accueil, d'une proportion significative de logements sociaux et
d'équipements publics, tout en valorisant au mieux la cession des actifs désaffectés afin de
permettre l'équilibre budgétaire de la construction de l'hôpital Georges-Pompidou sans
préjudice pour l'assurance maladie.
Compte tenu des informations en notre possession sur l'opération, ces préoccupations
paraissent conciliables ; c'est pourquoi les ministères de tutelle ont demandé aux Hôpitaux de
Paris de faire des propositions complémentaires pour ce qui concerne l'aménagement de ce
site, le site de Laennec, au coeur de Paris, propositions qui répondraient effectivement à ce
souci et aux besoins des Parisiens.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, votre réponse ne me satisfait pas
entièrement, mais je note toutefois que vous partagez notre souci de voir construire des
logements sociaux sur le site de Laennec.
Les libérations de terrains publics à Paris - même si on peut contester les restructurations
hospitalières, comme j'ai eu souvent l'occasion de le faire - doivent être l'occasion de donner
un début d'application à la loi SRU, que personnellement j'ai soutenue et qui prévoit 20 % de
logements sociaux dans tous les arrondissements de Paris, de Lyon et de Marseille.
La situation à Paris est - comme nous avons eu l'occasion de le dire lors de la discussion de
cette loi - tout à fait particulière : les logements sociaux sont tous situés à la périphérie alors
qu'il n'y en a pas dans les arrondissements du centre au sens large.
Comme nombre d'associations - plus d'une trentaine - je demande que cette situation soit
prise en considération. Or, si ce n'est pas à l'occasion de la libération de terrains publics, on
ne voit pas quand on pourra construire des logements sociaux dans la capitale ! Il y a
évidemment d'autres possibilités, mais celle-là est de loin la plus importante.
Les besoins de logements sociaux existent. Ne serait-ce que pour les personnels de
l'Assistance publique, on enregistre 2 480 demandes de logements, dont 1 500 pour Paris
intra-muros.
Je considère également que l'investissement d'intérêt général que représente la construction
de l'hôpital Georges-Pompidou - qui a coûté près de 2 milliards de francs, comme vous venez
de le rappeler - ne peut rester à la charge de la seule Assistance publique et qu'elle relève de
la responsabilité de l'Etat et des collectivités concernées.
Enfin, permettez-moi de dire que cette opération met le doigt sur une problématique, qui est
celle de la spéculation que nous connaissons. Si l'on veut inverser les choses, je crois qu'il
faut avoir une autre conception de l'utilisation des terrains publics.

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