Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 13/10/2000

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur le train postal reliant Paris à Besançon. Le Journal officiel du 28 août 2000 a rendu publique la décision de La Poste de mettre un terme à celui-ci à partir du 5 décembre 2000 et de déplacer ce transport sur la route. Il faut savoir qu'actuellement le transport du courrier par la route représente environ 76 % du trafic total alors que le ferroviaire atteint 4 %, sois trois TGV et un train poste autonome. C'est ce dernier qui doit être supprimé. A partir du 5 décembre, il est prévu que cinq à sept poids lourds quittent chaque jour le tri postal de Paris-12e (gare de Lyon) pour rejoindre tous les départements francs-comtois ainsi que le Haut-Rhin et que, parallèlement, d'autres partent des centres du Bourget, de Chilly-Mazarin ou d'Orly pour ces mêmes directions. Il est à noter d'ailleurs qu'à Dijon la direction de la SNCF déplore cette décision car elle constitue une atteinte d'un service public à un autre service public. Ne serait-il pas paradoxal qu'un service public contribue à l'hypertrophie du transport routier ? Cette décision irait à l'encontre des orientations gouvernementales visant à un meilleur équilibre air-rail-route. Elle aurait sans doute aussi des répercussions négatives sur l'emploi. C'est pourquoi elle lui demande de contribuer à ramener La Poste à un nouvel examen du mode d'acheminement du courrier entre Besançon et Paris. Il serait par ailleurs urgent d'organiser dans le pays un large débat sur le véritable coût de l'acheminement du courrier par la route et de l'intérêt à venir du transport ferroviaire dans les futures années pour les produits postaux.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 20/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2000

Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement vient de réaffirmer
fortement sa priorité pour les transports interurbains au fret ferroviaire et aux modes alternatifs
à la route. Il se fixe l'objectif de doubler au minimum le trafic ferroviaire de fret à l'horizon 2010.
En tant qu'élue communiste, je ne peux qu'approuver ces orientations, comme le fait d'ailleurs
la quasi-totalité de la population. Or la décision de mettre un terme à la rame 5034 du dernier
train postal de l'Hexagone serait en contradiction totale avec ces orientations.
Aujourd'hui, le transport du courrier par la route représente environ 76 % du trafic total alors
que le transport ferroviaire atteint 4 %, soit trois TGV et un train poste autonome, celui de
Paris-Besançon précisément. Sa suppression serait d'autant plus aberrante que ce train
donne entièrement satisfaction et qu'une étude du coût d'exploitation annuel du transport par
fer sur la base de 251 trajets aller et retour établit en 1998 les frais à 11 600 000 francs par an
pour ce convoi ferroviaire, alors que le coût des camions à prestations égales est estimé à 12
096 000 francs.
Quant à la rapidité, le train relie Paris à Besançon en trois heures quarante, durée qui
pourrait, avec l'avènement du TGV, baisser jusqu'à deux heures quarante, tandis que les
experts évaluent la durée du trajet routier entre cinq heures trente et sept heures.
Les populations concernées, les élus, de nombreuses associations, les syndicats et jusqu'à
vos collègues ministres se sont émus de cette menace de fermeture.
Je prends acte que La Poste a reporté l'arrêt du train postal, qui devait intervenir le 5
décembre, au 30 décembre pour laisser place à la concertation même si je constate que
seuls quelques colis et quelques écoplis sont encore embarqués dans le train. Il s'agit, en
fait, d'une quarantaine de containers sur les 250 qu'il transportait quotidiennement. La
majorité de sa cargaison est déjà transférée par camions. Le train roule mais il s'agit presque
d'un train fantôme.
Cette situation engendre déjà d'importants mécontentements dus aux retards de livraison de
la presse, qui ne sont que les prémices d'une détérioration durable en cas de suppression
définitive du train.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les hésitations de la direction de La Poste mettent la SNCF,
qui a des créneaux horaires difficiles à gérer sur une ligne qui est déjà fréquentée, dans une
situation extrêmement périlleuse. Pour trouver une solution, il est indispensable, à mon avis,
que par votre action vous fassiez en sorte qu'un service public tel que La Poste soit en
cohérence avec ce qui s'est dit il y a quelques jours aux assises européennes du ferroutage
et revienne donc définitivement et sans plus tarder sur la mise à mort programmée du dernier
train postal.
Monsieur le secrétaire d'Etat, où en est ce dossier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Madame la sénatrice, vous posez une
question importante, et je voudrais vous rassurer.
Mon collègue M. Gayssot et moi-même voulons naturellement, sous l'impulsion de M. le
Premier ministre, mettre en place un système de transports de nature à faire conquérir au fret
ferroviaire toute la place que ce mode de transport doit avoir dans une politique équilibrée des
transports et respectueuse de l'environnement.
C'est dans cet esprit que la politique de transport de La Poste - je suis formel - ne la conduit
nullement à se désengager du rail par principe. Elle est et restera un partenaire important de
la SNCF.
Ainsi, elle a investi dans l'acquisition de rames de TGV sur l'axe Paris-Méditerranée, et elle
s'associe à l'extension et à la modernisation de ce réseau en affectant 20 millions de francs
d'ici à 2001 et 40 millions de francs en 2004 pour passer à la norme « 300 kilomètres/heure ».
Vous voyez que La Poste ne néglige absolument pas le train.
Quant au trafic lettres à destination de la Franche-Comté, il est acheminé, pour partie, par le
TGV postal via le terminal de Mâcon.
C'est un souci de qualité et de performance qui anime La Poste. Elle souhaite maîtriser la
croissance des flux de trafic. Cela l'a amenée à automatiser les traitements et à favoriser, en
aval de ses activités, innovation technologique et emploi.
Dans ce contexte, l'organisation traditionnelle en rames postales, mise en place à l'origine
pour effectuer le tri sur le parcours, disparaît progressivement. La rame postale de Paris à
Besançon est actuellement affectée au seul transport - vous l'avez souligné dans votre
question - d'un trafic résiduel par sa quantité, mais important par sa signification, puisqu'il
s'agit du transport de la presse. A l'arrivée, les colis doivent être transbordés sur des
véhicules routiers - il y a donc rupture de charge - pour desservir les départements de
destination, en particulier la Haute-Saône.
Les éditeurs de presse sont particulièrement attentifs à la qualité du service rendu, qui est
essentielle pour fidéliser leurs abonnés.
Malgré l'énormité de son trafic, à savoir 24 milliards d'objets par an, La Poste ne contribue
que pour 1,5 % au trafic routier de fret à l'échelon national.
Très attentif aux préoccupations exprimées par les élus, j'ai demandé à l'entreprise, comme
je m'y étais engagé devant vous, de consacrer tout le temps nécessaire à la concertation. Un
dialogue est en cours entre La Poste et la SNCF, associant les élus locaux, pour imaginer
des solutions alternatives cohérentes avec les obligations de qualité du service public et sa
nécessaire performance au regard de celle de ses concurrents. Quelles que soient les
solutions retenues à l'issue de cette concertation qui durera plusieurs mois, l'emploi n'est
aucunement menacé.
Le service public du courrier, que nous défendons au sein de l'Union européenne avec l'appui
des parlementaires nationaux et européens, ce sont d'abord 90 000 facteurs qui rendent
chaque jour un service de proximité irremplaçable et très apprécié de la population.
Je souligne, à cet égard, l'importance du vote par le Parlement européen, le 14 décembre
dernier, à une majorité écrasante, d'un compromis, dans la perspective de la future directive
européenne, qui assure la pérennité du service universel postal dans les pays de l'Union.
Votre question, madame Borvo, et la réponse que j'y apporte s'inscrivent dans cette
perspective dynamique de défense de La Poste et, bien entendu, de la SNCF.
Mme Nicole Borvo. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ferai d'abord une remarque personnelle :
nous vous avons beaucoup aidé à défendre les intérêts de La Poste en Europe !...
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Absolument !
Mme Nicole Borvo. En ce qui concerne le train postal Paris-Besançon, votre réponse n'est
pas entièrement satisfaisante.
Vous dites que la concertation va durer plusieurs mois : j'espère qu'elle sera réelle et qu'elle
aboutira.
Dans le cas de la suppression du train Paris-Besançon, ce sont huit poids lourds qui
desserviraient Mulhouse par Besançon, Belfort par Vesoul et Lons-le-Saulnier, avec des
capacités allant de quarante à douze tonnes selon les jours de la semaine, la majorité des
liaisons « retour » se faisant avec des camions vides de matériels postaux, hormis la
réexpédition systématique et nombre pour nombre des conteneurs vides.
Le train postal, en revanche, est chargé dans les deux sens et il ne met actuellement que
trois heures quarante, durée qu'il est possible d'abaisser d'une heure.
Par ailleurs, le transport par la route aurait des effets néfastes sur l'environnement et la
sécurité. Ai-je besoin de rappeler que le secteur des transports routiers contribue pour 25 %
environ aux émissions de gaz à effet de serre ?
On le voit, les arguments s'accumulent en faveur du maintien de ce train, et l'on comprend la
sensibilisation des élus et de la population à ce cas particulier.
Il est vraiment urgent d'engager le débat le plus large possible sur le véritable coût de
l'acheminement du courrier par la route et sur l'intérêt du développement du transport
ferroviaire pour les produits postaux.
Je souhaite, bien sûr, que ce débat débouche sur le maintien de la liaison Paris-Besançon
par train postal.

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