Question de M. LECLERC Dominique (Indre-et-Loire - RPR) publiée le 22/12/2000

M. Dominique Leclerc souhaite interroger Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés sur l'application du repos de sécurité qui limite l'enchaînement des nuits de garde et de journée de travail. Il lui serait reconnaissant de bien vouloir lui faire savoir si elle envisage de prendre effectivement des mesures afin que ce repos de sécurité devienne une réalité pour tous les médecins y compris les internes et ce dès 2001.

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Réponse du ministère : Droits des femmes publiée le 31/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2001

M. Dominique Leclerc. Madame la secrétaire d'Etat, ce matin, j'attire votre attention sur le
repos de sécurité auquel tous les médecins hospitaliers, y compris les internes, aspirent.
Récemment, vous avez accepté d'en inscrire le principe dans le statut des médecins
hospitaliers, mais pas dans celui des internes.
Une telle mesure implique une augmentation des effectifs ; or il me semble que l'on ne
s'engage pas dans cette voie.
De ce fait, le découragement qu'on observe depuis des années parmi les internes, qui ont le
sentiment d'être oubliés, s'accentue et les conséquences en sont lourdes pour le bon
fonctionnement des hôpitaux.
Je le rappelle, les internes sont des spécialistes en devenir : les études de médecine durent
six ans, l'internat quatre ans et le cliniquat quatre ans également.
Les internes sont des personnes d'un certain âge qui assument des responsabilités d'ordre
humain et médical essentielles au bon fonctionnement de l'hôpital.
Pour assurer la sécurité des patients, il faut des connaissances médicales, mais aussi des
effectifs. Or, comme j'ai personnellement pu le constater en me rendant de façon anonyme
dans un service de garde d'un centre hospitalier universitaire un dimanche, les personnels
sont débordés.
Madame la secrétaire d'Etat, depuis des mois, j'allais dire des années, la presse fait part des
cris d'alarme que lancent les médecins hospitaliers en pleine détresse.
Il est grand temps de remédier à cette situation. La médecine à deux vitesses, madame Luc,
elle existe déjà. Lorsque vous ou moi arrivons dans un service, nous bénéficions d'une prise
en charge immédiate, mais ce n'est pas le cas pour tout le monde !
Avec des gardes de nuit aux urgences qui enchaînent sur une journée de travail ordinaire
deux fois par semaine et des gardes deux week-ends par mois, comment voulez-vous qu'il n'y
ait pas de découragement chez les personnels et une sécurité douteuse pour les patients ?
Surtout - j'attire votre attention sur ce point - comment ces professions peuvent-elles être
encore attractives pour des jeunes ? J'en témoigne, aujourd'hui des jeunes de trente ans
abandonnent ces filières qu'ils adorent parce qu'il leur est impossible de mener de front une
belle activité et une vie personnelle : leur compagne, ou leur compagnon, n'accepte plus de
telles absences et de telles préoccupations.
Pour la chirurgie d'urgence et l'anesthésie notamment, les discours et les bonnes intentions
ne suffisent pas, et ces spécialités sont désertées. Les jeunes ne peuvent plus humainement
assumer et ont des doutes en matière de sécurité.
Pour illustrer mon propos, je rapporterai que, la semaine dernière, dans un grand CHU, il y a
eu quinze décès dans un service. Assumer quinze décès, rencontrer les familles quand on
est âgé de moins de trente ans, croyez-moi, cela demande des qualités dont,
personnellement, je serais incapable de faire preuve !
Madame la secrétaire d'Etat, vous êtes en charge de la santé, qui est notre préoccupation
majeure. La santé repose sur des jeunes et sur leurs compétences. Il faut donc que nous
mettions tous nos moyens pour que ces filières qui s'adressent à des jeunes très
enthousiastes, qui les choisissent par vocation, puissent être pérennisées.
La situation est grave, et je vous le demande encore, madame la secrétaire d'Etat : que
comptez-vous faire en la matière ?
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Monsieur le sénateur, les modalités de la mise en place du repos de sécurité dans les
établissements de soins ont été négociées avec les organisations représentatives de
praticiens hospitaliers, en application du protocole d'accord signé le 13 mars 2000. Le texte
en préparation a fait l'objet de cinq réunions de concertation avec les signataires de ce
protocole et de nombreux échanges avec eux.
Ce texte implique des modifications importantes dans l'organisation hospitalière et des
créations d'emplois médicaux, dans un contexte démographique peu favorable. Ces
modifications et la nécessité de pourvoir les emplois créés conduisent nécessairement à
laisser aux établissements un délai de trois ans, délai raisonnable pour la mise en oeuvre du
repos de sécurité.
Par ailleurs, l'arrêté modifiant celui de 1973 portant organisation des gardes et astreintes
médicales demeure un texte de transition au vu des confirmations récemment apportées par
la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes concernant la
définition des temps de travail des médecins.
Parallèlement à la négociation ouverte le 17 janvier dernier par Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité, concernant la réduction du temps de travail dans la
fonction publique hospitalière, une négociation spécifique sera prochainement ouverte avec
les intersyndicales de praticiens hospitaliers et les autres acteurs hospitaliers concernés.
Cette négociation définira les nouvelles organisations applicables au temps médical à l'hôpital
et permettra de procéder, après concertation, aux nécessaires évolutions des textes
statutaires spécifiques aux différentes catégories de praticiens exerçant dans les
établissements publics de santé.
Dans un premier temps donc, l'arrêté relatif au repos de sécurité fait actuellement l'objet
d'ultimes discussions interministérielles avant d'être présenté au contreseing des ministres
concernés.
M. Dominique Leclerc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Leclerc.
M. Dominique Leclerc. Madame la secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec attention votre réponse
et toutes les bonnes intentions qu'elle révèle.
Vous l'avez compris, mon propos n'est pas de faire du corporatisme, comme l'on dit dans la
presse, mais il s'agit de répondre aux cris d'alarme que lancent les internes. Il y a une réalité
derrière tout cela !
A terme, l'application de la loi sur les 35 heures pourra apporter des améliorations. Mais elle
sera difficile à mettre en oeuvre et elle exigera des moyens énormes en personnels
soignants. Je le sais d'autant mieux que je connais bien le système hospitalier et que
j'occupe des fonctions dans le conseil d'administration d'un établissement.
Aujourd'hui, l'aspect administratif est en train de prendre le pas sur l'aspect soins. Il faut bien
évidemment une bonne administration, mais une telle évolution marque un recul car c'est la
préoccupation de santé qui doit primer.
Tout à l'heure, je disais qu'il fallait restaurer toute l'attractivité de cette filière. Dans cet ordre
d'idée, je m'insurge contre la manière dont sont logés les jeunes internes dans certaines ville
du sud.
Aucun directeur d'hôpital n'accepterait de loger des membres de sa famille dans des locaux
qui n'ont pas été refaits depuis quarante ans ! Or, ils n'ont pas de crédits pour réaliser les
rénovations nécessaires, mais les internes sont bien obligés, après une dure journée de
travail, de s'en satisfaire !
Madame la secrétaire d'Etat, de grâce, prenez en compte ces faits, dégagez les moyens
nécessaires. Il faut redonner une attractivité à ces filières afin que la santé des Français soit
assurée dans les meilleures conditions possible.
Je vous prie d'excuser la passion dont j'ai fait preuve, mais c'est un sujet qui me tient à coeur.

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