Question de M. AMOUDRY Jean-Paul (Haute-Savoie - UC) publiée le 21/12/2000

M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur les sept accords bilatéraux portant sur la libre circulation des personnes, les transports terrestres et aériens, la recherche et les échanges commerciaux, signés en décembre 1998 par l'Union européenne et la Confédération helvétique, après quatre années de négociations. Les électeurs suisses ont approuvé, le 21 mai 2000, ces accords, qui pourraient entrer en vigueur courant 2001, dès que l'ensemble des pays membres de l'Union européenne les auront ratifiés. Leur négociation n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les élus, représentants de l'Etat et responsables économiques des départements frontaliers de la Suisse, qui n'ont appris l'existence des " bilatérales " que lors de leur signature. Plus préoccupant encore, il s'avère que ni la Commission européenne ni le gouvernement français n'ont réalisé d'études préalables de l'impact de ces accords sur les régions frontalières. Il semble que le seul rapport existant dans ce domaine côté français ait été établi, voici quelques semaines, à l'initiative du conseil général de la Haute-Savoie. Et pourtant, tout laisse à penser que l'incidence des bilatérales sur les départements frontaliers sera considérable : si l'on ne peut nier certains aspects positifs, les conséquences négatives attendues seront extrêmement lourdes dans des domaines aussi déterminants que la sauvegarde du patrimoine foncier et immobilier, le logement, les transports et l'emploi. S'agissant, en premier lieu, du patrimoine foncier et immobilier, la Haute-Savoie est depuis déjà de nombreuses années soumise à une intense pression du fait d'une croissance rapide et continue de sa population (la 3e au niveau national entre 1990 et 1999), et connaît, de ce fait, de sérieuses difficultés dans le domaine du logement. Or les " bilatérales ", qui permettront aux citoyens suisses de s'installer librement dans notre pays, devraient accroître sensiblement ce phénomène, dans la mesure où le coût du logement demeure beaucoup plus élevé en Suisse que dans les régions françaises frontalières. Certains estiment ainsi que l'augmentation de la population haut-savoyarde ainsi générée pourrait atteindre 10 000 habitants par an, ce qui doublerait la progression de la population constatée depuis 1990. De même, cette croissance n'ira pas sans augmenter fortement les flux de circulation, particulièrement entre l'agglomération genevoise et la région annécienne, ce qui rend plus urgent encore la reprise des travaux de l'autoroute A 41 Annecy - Genève, interrompus par décision de M. le ministre de l'équipement et des transports. Enfin, " les bilatérales " ne seront pas sans conséquences sur le domaine de l'emploi, en particulier dans les secteurs de l'industrie et de l'artisanat. En effet, les entreprises de ces domaines d'activité éprouvent déjà de réelles difficultés à recruter, et surtout à conserver leurs salariés qualifiés, dont beaucoup s'expatrient dès qu'ils ont l'opportunité d'obtenir un emploi en Suisse. En permettant, à terme, à tout citoyen de l'Union européenne de travailler librement dans ce pays, l'application de ces accords amplifiera encore ce problème. Compte tenu de l'ampleur des difficultés soulevées, les collectivités locales, les entreprises et la population haut-savoyardes attendent des initiatives urgentes de l'Etat afin d'en limiter les effets négatifs. Or si le conseil général de la Haute-Savoie a, dès à présent, adopté un plan d'accompagnement comprenant notamment le soutien à la création d'un établissement public foncier, des aides renforcées à la construction de logements sociaux, l'adaptation de la voirie et de l'offre de transports collectifs et le soutien à la formation professionnelle, il ne peut envisager d'assumer seul cette charge supplémentaire, d'autant que nombre des décisions à prendre pour préparer l'entrée en vigueur des " bilatérales " sont du seul niveau de responsabilité de l'Etat. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives que le Gouvernement entend engager en ce sens.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 25/10/2001

L'honorable parlementaire a bien voulu attirer l'attention du ministre délégué chargé des affaires européennes sur les sept accords UE-Suisse signés à Luxembourg, le 21 juin 1999, et sur les conséquences de leur entrée en vigueur sur le patrimoine foncier et immobilier, le logement, les transports et l'emploi dans les régions frontalières. S'agissant du secteur foncier et immobilier, l'entrée en vigueur de l'accord de libre circulation des personnes va intervenir dans un contexte où la tendance du marché est très marquée. En effet, les départements frontaliers se caractérisent aujourd'hui, en dehors de toute incidence des accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Confédération helvétique, par un dynamisme démographique exceptionnel, ce qui entraîne certaines tensions sur le marché du logement et la consommation d'espace. Le département de Haute-Savoie a, par exemple, connu un accroissement de 11 % de sa population au cours des dix dernières années. L'entrée en vigueur de l'accord de libre circulation des personnes ne devrait pas se traduire par une modification sensible de cette tendance. En effet, les ressortissants suisses ont d'ores et déjà la possibilité d'acheter des résidences en France, et on estime ainsi que plus de 10 000 ressortissants suisses se sont portés acquéreurs de propriétés en Haute-Savoie. Dans ce contexte, le Gouvernement s'attache à promouvoir la construction de logements locatifs sociaux en mobilisant les bailleurs publics en faveur de la construction neuve comme de l'acquisition-amélioration, et en soutenant les bailleurs privés, notamment par les interventions de l'ANAH en rénovation. Les initiatives prises conjointement par l'Etat et les collectivités locales dans le cadre des différents types de contrats territoriaux, aux fins de constituer des réserves foncières, doivent aider, dans le cadre des politiques urbaines, à la réalisation de programmes de logements locatifs sociaux dans les zones connaissant une forte tension du marché foncier. Le contrat de plan signé entre l'Etat et la région Rhône-Alpes comporte un montant total de 35 millions de francs destinés à la constitution de telles réserves foncières. En ce qui concerne le domaine des transports, le surcroît de trafic routier lié à l'installation de nouveaux travailleurs dans la région genevoise devrait être initialement limité en raison de la progressivité de l'ouverture du marché du travail suisse sur cinq ans. Par ailleurs, en permettant à un plus grand nombre de travailleurs français de s'établir en Suisse, et en ouvrant la possibilité aux travailleurs frontaliers de résider du côté suisse en semaine, la mise en oeuvre de l'accord devrait se traduire par une diminution du trafic lié aux navettes quotidiennes entre la France et la Suisse. L'accord relatif aux transports terrestres contribuera, pour sa part, au développement du transport ferroviaire et ouvrira le réseau routier suisse au transit de poids lourds jusqu'à 40 tonnes, d'où une diminution du trafic de contournement transitant actuellement par la France. Cet accord devrait également contribuer à une amélioration de l'offre de services de transports collectifs en ouvrant le transport international routier et ferroviaire de personnes à la concurrence. De grands projets ferroviaires sont par ailleurs prévus. Ainsi, la Suisse a confirmé son intention de construire la nouvelle ligne ferroviaire alpine et la Communauté augmentera les capacités des voies d'accès au nord et au sud. L'incidence globale estimée de l'accord sur les transports terrestres serait ainsi une réduction quotidienne de 500 000 véhicules-kilomètres par an. Un certain nombre de mesures ont par ailleurs été prises par le Gouvernement pour adapter la voirie et l'offre de transports aux évolutions que connaissent les départements frontaliers depuis plusieurs années. S'agissant de l'autoroute A 41 Saint-Julien-en-Genevois - Villy-le-Pelloux, une procédure de mise en concession conforme aux nouvelles obligations de publicité et de concurrence a été entamée. Le département de Haute-Savoie a émis un voeu de principe pour apporter 25 % de la subvention nécessaire à la viabilité du projet. La région n'a, à ce stade, pas encore annoncé la part qu'elle pourrait prendre dans le financement de cette subvention. Concernant l'emploi, il faut rappeler que la difficulté des entreprises de la région frontalière à trouver et à conserver des salariés qualifiés, du fait de l'attractivité du niveau des rémunérations en Suisse, est un phénomène qui existait avant les accords signés avec la Suisse. En effet, l'état actuel du droit n'empêche pas les entreprises suisses d'employer des travailleurs frontaliers et les changements apportés par l'accord à la situation des frontaliers seront principalement une simplification des procédures, une égalité de traitement avec les travailleurs suisses, une meilleure couverture sociale, et la possibilité de s'établir en Suisse. La libre circulation des travailleurs instaurée par l'accord bénéficiera à l'ensemble des demandeurs d'emploi français, et non seulement à ceux habitant dans la zone frontalière. La Suisse ayant un taux de chômage inférieur à 2 %, tandis que le taux de chômage français s'établit à un peu plus de 8 %, la mise en oeuvre de l'accord devrait en premier lieu contribuer à la baisse du chômage dans notre pays. Par ailleurs, le dynamisme démographique de la région frontalière devrait permettre d'amortir d'éventuelles tensions du marché du travail pour certaines professions. Pour ces raisons, les sept accords UE-Suisse, signés à Luxembourg le 21 juin 1999, auront un impact globalement positif pour la France et les départements frontaliers. La mise en oeuvre et l'impact des accords sur les territoires frontaliers français fera par ailleurs l'objet d'un suivi attentif de la part des ministères compétents, en étroite liaison avec les préfectures et les collectivités territoriales concernées, de manière que les mesures nécessaires soient prises pour corriger d'éventuels déséquilibres. Le comité régional franco-genevois a, à cet effet, décidé de mettre en place un observatoire statistique dont les rapports seront examinés par un groupe de travail ad hoc composé d'élus locaux et de représentants de l'Etat. Des initiatives locales d'accompagnement des accords ont également été prises par les collectivités locales. L'Etat envisagera avec les collectivités locales d'éventuelles mesures correctives supplémentaires dans la mesure où celles-ci s'avéreraient nécessaires au vu des évolutions constatées.

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