Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE) publiée le 21/12/2000

M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer sur la gravité de la stricte application de l'Atlas des risques majeurs à la Martinique par la direction départementale de l'équipement. Ce document est opposé systématiquement aux demandes de permis de construire depuis juillet 1999 sans pour cela qu'il n'y ait eu au préalable concertation ni consultation des élus locaux et de la population. De plus, l'Atlas des risques majeurs a été réalisé de manière unilatérale par l'administration et les conditions d'élaboration sont des plus imprécises, puisqu'il a été établi sur la base d'images satellitaires à l'échelle du 1/25 000, sans vérification sur le terrain ni sondages systématiques des sols. L'ensemble de la Martinique est mis devant le fait accompli, une grande partie du territoire devenant inconstructible sans explication. Certaines communes dans le Nord voient 80 % de leur territoire devenus inconstructibles. Il souligne que les conséquences économiques et sociales de l'application aveugle de ce document sont loin d'avoir été mesurées : 1º disparition du patrimoine foncier d'un pourcentage important de propriétés ; risque d'augmentation sensible des candidats à l'autoconstruction qui, s'exonérant de permis de construire, dérogeront par la même occasion aux autres dispositions réglementaires en particulier des plans d'occupation des sols ; 2º gel économique de certaines communes ; 3º dépréciation d'un site par sa vulnérabilité entraînant une dépréciation économique ; en revanche, risque de spéculation foncière sur les terrains plats et réservés actuellement à l'agriculture ; 4º conséquences néfastes pour les tranches de population les plus défavorisées. Les conséquences politiques sont également très importantes : 1º discrédit des élus politiques qui à aucun moment n'ont pu faire entendre leur voix dans cette affaire ; 2º risque de corruption de l'administration (des exemples d'autorisations contradictoires et illogiques faites par certains services de la DDE ont déjà été recensés) ; 3º risque de conflit entre les élus politiques et l'administration chargée du traitement des demandes pour le compte des mairies, pouvant faire augmenter de manière dangereuse la sismicité politique de la région. C'est la raison pour laquelle il lui demande, d'une part, de lui préciser la valeur de l'opposabilité juridique de l'Atlas des risques majeurs au regard de celle du PPR (plan de prévention des risques) inexistant actuellement en Martinique, et, d'autre part, s'il ne serait pas nécessaire de mettre en oeuvre une évaluation globale du droit l'aménagement du territoire applicable en Martinique, aucunement comparable aux régions métropolitaines, afin que soient précisées les normes géotechniques pour l'habitat comme c'est le cas en Californie et au Japon.

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Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 05/04/2001

Réponse. - Le département de la Martinique est soumis, dans son ensemble, à un grand nombre d'aléas naturels (cyclones, séismes, risques volcaniques, glissements de terrain, marées de tempête et inondations). Ces aléas se combinant avec l'accroissement démographique qu'a connu l'île depuis les années 1960 ont induit une forte élévation du niveau des risques liés à ces aléas dans les secteurs de résidence ou d'actiité de la population. La loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs prévoit dans son article 21 que " le citoyen a le droit à l'information sur les risques qu'il encourt en certains points du territoire et sur les mesures de sauvegarde pour s'en protéger ". Le décret d'application du 11 octobre 1990 concernant cet article précise le contenu et la forme des informations à porter à connaissance. C'est ainsi qu'à la Martinique, le préfet a établi un dossier départemental des risques majeurs, ayant servi de base à la réalisation de dossiers communaux synthétiques dont la partie cartographique (atlas communaux des risques naturels) a été réalisée sur la base d'une campagne satellitaire et de travaux de terrain par le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) de 1996 à 1998. Ces atlas, portés à connaissance des élus et du public au premier semestre 1999, identifient dans chaque commune les zones exposées aux différents risques naturels et la nature de l'aléa (fort, moyen ou faible). Ils servent à la fois pour l'information préventive et pour l'affichage des risques, obligation incombant à l'Etat. Dès lors, l'existence d'un risque naturel pouvant affecter une parcelle constructible ne peut être méconnue des acteurs de l'aménagement et de l'urbanisme, et l'Etat, en particulier, ne peut ignorer les risques identifiés dans ces documents élaborés sous sa responsabilité. C'est pourquoi, en application des principes de précaution (constant dans la jurisprudence des tribunaux administratifs) et des règles de sécurité publique (définies au sein des règles générales d'urbanisme à l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme), les services de l'Etat ont tenu compte des éléments contenus dans ces atlas pour toutes les autorisations liées au droit du sol. Cet article du code de l'urbanisme fait partie du règlement national d'urbanisme, qui accorde habilitation à ce titre au pouvoir réglementaire, indépendamment des règles adoptées à travers les plans d'occupation des sols. Les services de l'Etat ont ainsi préconisé aux maires de refuser les demandes d'urbanisme en zone d'aléa fort. Ils assortissent par ailleurs leurs propositions d'accord, en zone d'aléa moyen, à la production d'une étude particulière précisant l'aptitude de la parcelle à recevoir une construction. Cette démarche a été validée sur le plan juridique par le tribunal administratif dans un avis du 22 février 2000. Les arrêts antérieurs du conseil d'Etat des 3 novembre 1989, Sanz-Samena, et 5 février 1990, société civile immobilière " Les terrasses de l'estuaire ", avaient déjà affirmé le caractère obligatoire de la délivrance d'un certificat d'urbanisme négatif lorsqu'un refus de permis de construire était légal au regard du règlement national d'urbanisme et, d'autre part, l'engagement de la responsabilité de l'administration dès lors qu'un risque connu par un rapport circonstancié d'un ingénieur subdivisionnaire de l'Etat n'était pas pris en compte par le préfet. Cette démarche générale de précaution n'est cependant mise en uvre, avec discernement au regard de chaque situation particulière, qu'à titre transitoire, en attendant l'établissement de plans de prévention multirisques couvrant l'ensemble du territoire de la Martinique. Cette opération est une priorité de l'Etat. Aussi a-t-il été décidé en 2000 de réduire de moitié la durée prévue pour leur réalisation et de la ramener ainsi de dix à cinq ans. Dans cette esprit, le préfet a d'ores et déjà lancé l'élaboration, en concertation avec les maires, de plans de prévention multirisques, qui permettront : l'élaboration d'une cartographie visant à concilier, dans le respect de la réglementation, les aléas connus et les enjeux de développement définis dans les plans d'occupation des sols ; l'établissement d'une réglementation adaptée à chaque nature d'aléa ; l'étude des mesures possibles à mettre en uvre pour la protection des populations résidant dans les zones soumises à des aléas forts. Le règlement de ces plans de prévention permettra ainsi de définir en terme d'aménagement du territoire des règles d'occupation des sols appropriées, en fonction des aléas et des enjeux de développement, selon les secteurs géographiques. Il permettra également de préciser les conditions d'application des règles de construction existantes, paracycloniques et parasismiques en particulier, dans les secteurs les plus exposés.

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