Question de M. LECLERC Dominique (Indre-et-Loire - RPR) publiée le 26/01/2001

Question posée en séance publique le 25/01/2001

M. Dominique Leclerc. Ma question s'adresse à Mme le garde des sceaux.
Le Gouvernement s'enorgueillit des réformes qu'il a réalisées dans le domaine de la justice.
Comme Mme le garde des sceaux, j'ai assisté, la semaine dernière, aux audiences
solennelles de rentrée des juridictions de mon département. Alors que j'étais dans
l'Indre-et-Loire, elle était, elle, à Morlaix, qui, soit dit en passant, n'était pas vraiment l'endroit
où on l'attendait ! J'en veux pour preuve les centaines de magistrats qui manifestaient place
Vendôme. Il n'empêche : comme moi à Tours, elle a dû être frappée par ces audiences
désertées par les magistrats qui entendaient ainsi exprimer leur découragement.
Ainsi, après les avocats et les greffiers, c'est au tour des magistrats d'être en grève. Que lui
reprochent-ils ? Tout simplement d'avoir lancé des réformes sans avoir, au préalable, estimé
leurs conséquences financières, sans avoir dégagé les moyens humains et matériels
nécessaires à leur application.
Là encore, on me rétorquera que ce Gouvernement a créé plus de postes que tous les
gouvernements précédents, les gouvernements Juppé, Balladur,...
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Dominique Leclerc. ... et donc que les difficultés actuelles, comme toutes les autres,
nous sont imputables.
M. René-Pierre Signé. C'est vrai !
M. Dominique Leclerc. Moyennant quoi j'évoquerai la conjoncture de l'époque, les difficultés
inhérentes aux années 1990-1995,...
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Dominique Leclerc. ... les contraintes liées aux critères de convergence - Maastricht
oblige !
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Dominique Leclerc. Sincèrement, ce n'est pas sérieux. Surtout, sachez-le, ce n'est pas
du tout ce que les Français attendent aujourd'hui. Cela ne les intéresse plus. (Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Devant une telle autosatisfaction, je ne peux m'empêcher de m'interroger : pourquoi, dans ces
conditions, n'avoir toujours pas nommé le nouveau directeur des affaires criminelles et des
grâces,...
M. Henri de Richemont. Eh oui, pourquoi ?
M. Dominique Leclerc. ... le dernier en poste ayant soudainement été remercié après deux
années d'activité ?
Par ailleurs, ce que vous oublierez de me dire, c'est que plusieurs réformes, tant en matière
pénale qu'en matière civile, ont été adoptées en 2000, mais seront appliquées en 2001 et que
ces réformes, comme celle sur la présomption d'innocence ou celle sur l'appel des décisions
des cours d'assises, se traduiront par une aggravation de la charge de travail des magistrats
et des fonctionnaires.
M. Christian Demuynck. Eh oui !
M. Dominique Leclerc. Alors, de grâce, assumez votre bilan !
Les magistrats, dont il a été admis que le dévouement et la disponibilité sont sans limite,
méritent mieux que d'être les boucs émissaires de réformes faites à crédit.
Ne les rendez pas responsables de l'insuffisance manifeste de moyens humains et
budgétaires, qui ne permet en aucun cas de faire face à un fonctionnement normal de la
justice dans le respect des textes et des justiciables, non plus que des lenteurs et des
dysfonctionnements de la justice, qui ne sont que le fait de l'absence de réflexion et de
réalisme de votre majorité.
Aussi ma question sera-t-elle simple : quels moyens entendez-vous vous donner pour mettre
un terme à cette situation explosive ? (Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)

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Réponse du ministère : Relations avec le Parlement publiée le 26/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 25/01/2001

M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur,
je vous prie, tout d'abord, d'excuser l'absence de ma collègue, Mme Marylise Lebranchu,
retenue actuellement par la Commission consultative des droits de l'homme, qui tient sa
session annuelle.
Vous connaissez le budget de la justice, monsieur le sénateur. Est-ce à vous que je dois
rappeler que, depuis trois ans, pour faire face à la montée des contentieux, mais aussi pour
assumer les réformes qui ont été votées par le Parlement 729 postes de magistrat ont été
créés entre 1998 et 2001, soit autant que sous tous les gouvernements depuis 1981 ?
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Hilaire Flandre. Pour quel résultat ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Pour la moitié, ces 729
postes sont affectés aux réformes en cours, l'autre moitié constituant un renfort pour les
juridictions.
M. Hilaire Flandre. Tu parles !
M. Alain Gournac. Et pourquoi ne sont-ils pas contents, alors ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Cela veut donc dire
qu'il y a eu multiplication par trois du rythme d'arrivée des magistrats dans les différentes
juridictions. (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Mais pourquoi donc ne sont-ils pas contents ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est d'autant plus
méritoire qu'il faut du temps pour former les magistrats, plusieurs années, vous le savez. De
ce point de vue-là, je peux vous dire que l'Ecole nationale de la magistrature de Bordeaux a
vu ses contingents annuels augmenter de 30 %, ce qui veut dire que nous aurons 600
magistrats de plus dans les prochaines années.
M. Alain Gournac. Des promesses !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Pour ce qui est des
greffiers, monsieur le sénateur, dois-je encore rappeler que le gouvernement précédent, celui
de M. Juppé... (Exclamations sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste.)
M. Alain Gournac. Toujours lui, alors !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En oui, madame,
messieurs les sénateurs, M. Toubon était alors ministre de la justice.
M. René-Pierre Signé. Le ministre de l'hélicoptère dans l'Himalaya !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Donc, sachez que
l'Ecole des greffes est restée vide, faute de concours. C'était en 1997 et aucun concours
n'avait été organisé !
M. Alain Gournac. C'étaient les années Mitterrand !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En conséquence,
aucun greffier n'est sorti de cette école en 1998 du fait de l'imprévoyance du précédent
gouvernement, un gouvernement de droite.
M. Alain Gournac. Et les précédents, qu'ont-ils fait ?
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. En trois ans, nous
avons pourvu 270 postes de greffier. Nous en nommerons 400 cette année et 500 en 2002.
M. Henri de Richemont. Tout va bien !
M. Jean-Pierre Schosteck. Pourtant, les magistrats sont dans la rue.
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Voilà les chiffres, voilà
la réalité !
Par ailleurs, 600 postes d'éducateur ont été mis en place en trois ans.
Mme Nelly Olin. Pas dans le Val-d'Oise !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Les effectifs ont
augmenté de 30 %, pour les éducateurs, sur le terrain, ainsi que pour les personnels
pénitentiaires. Et le recrutement va s'amplifier.
M. Henri de Richemont. En somme, tout va bien !
M. Alain Gournac. Eh oui, tout va bien !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs
les sénateurs, un effort sans précédent est fait actuellement, vous le savez, pour la justice.
(Exclamations sur les travées du RPR.) Oui, j'insiste, madame, messieurs : un effort sans
précédent !
Il faut du temps pour former des magistrats. Admettez que nous payons aujourd'hui, en ce
domaine, l'impéritie et l'imprévoyance des gouvernements précédents ! (Exclamations sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste. -
Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. Quelle imprévoyance !
M. Henri de Richemont. C'est facile !
M. Alain Gournac. Il fallait retarder l'entrée en application de la loi !
M. Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le Parlement. C'est la réalité et il faut
la dire aux Français. Dorénavant, et sur ces nouvelles bases, la justice aura effectivement les
moyens de fonctionner. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen. - Exclamations sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. Georges Gruillot. C'est sans doute pour cela que les magistrats sont dans la rue !
M. Pierre Fauchon. Et la « rançon » ?
M. Alain Gournac. Oui, et la « rançon » ?
M. Pierre Fauchon. Pour défendre les magistrats, vous les laissez se faire insulter ?
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

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