Question de M. MUZEAU Roland (Hauts-de-Seine - CRC) publiée le 10/01/2001

M. Roland Muzeau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les conséquences économiques et sociales qu'entraînerait la suppression du centre de recherche d'Atofina à Levallois. Depuis la fusion l'an dernier des groupes TotalFina et Elf donnant naissance à un des cinq plus grands groupes mondiaux dans le domaine du pétrole et de la chimie, restructurations et plans sociaux se sont succédé. Sur les 1 500 postes de recherche, un sur trois est menacé de suppression ou de transfert. L'émotion des cadres, techniciens, employés et ouvriers est d'autant plus vive que les suppressions et délocalisations interviennent dans un contexte de plusieurs années d'excellents résultats financiers et de perspectives de commandes excellentes. Et pourtant, Atofina prévoit de fermer à Levallois son centre de recherche appliquée qui occupe 240 personnes recherchant, à partir des produits chimiques existants, des applications socialement utiles, notamment dans le domaine de la protection de notre environnement, tels que les substituts aux composants attaquant la couche d'ozone, les moyens de traiter les eaux polluées, la neutralisation des rejets produits par l'industrie papetière. Outre son utilité reconnue, ce centre n'est en aucune façon en doublon avec les autres centres issus de la fusion - Feluy en Belgique et La Porte aux Etats-Unis - et personne ne conteste son intérêt stratégique lié à sa position en région parisienne (c'est le seul centre de recherche de la région dans ce domaine), à sa proximité avec le siège social, à sa bonne desserte et aux synergies existantes avec la communauté scientifique d'Ile-de-France (la troisième mondiale). Le maintien sur le site ou dans un secteur proche de La Défense comporte beaucoup plus d'atouts que la délocalisation et la dispersion, comme le démontre le résultat de l'audit réalisé à la demande de l'intersyndicale. S'agissant, dans le cadre de la production d'énergie, de recherche ayant des implications sur l'environnement, le Gouvernement ne peut se désintéresser des effets négatifs d'une OPA (offre publique d'achat) dont il a accepté le principe. Aussi lui demande-t-il ce qu'il pense de la fermeture du centre de Levallois et quelles sont les interventions qu'il compte entreprendre pour maintenir les emplois et les activités de recherche dans la région.

- page 35


Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 31/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2001

M. Roland Muzeau. Lors de son audition par la commission de la production et des
échanges de l'Assemblée nationale, M. Desmarest, président-directeur général, déclarait
s'engager à ce que soit poursuivi l'effort de recherche, au sein de chacune des composantes
du groupe TotalFinaElf, dans le domaine de la recherche appliquée.
Il se faisait ainsi l'écho des inquiétudes exprimées après la succession de restructurations et
de plans sociaux engagés par un des cinq plus grands groupes mondiaux dans le domaine
du pétrole et de la chimie, né de la fusion des groupes TotalFina et Elf.
La vive émotion des cadres, techniciens, employés et ouvriers s'explique par l'ampleur des
restructurations : un tiers des 1 500 postes de recherche chez Atofina en France sont
menacés de suppression ou de transfert.
Cette émotion s'explique aussi par le fait que suppressions de postes et délocalisations
interviennent après plusieurs années d'excellents résultats financiers et alors que les
perspectives de commandes sont, elles aussi, excellentes.
Or, malgré l'engagement de son P-DG, Atofina prévoit de fermer, à Levallois, son centre de
recherche appliquée qui occupe 240 personnes recherchant, à partir des produits chimiques
existants, des applications socialement utiles, notamment dans le domaine de la protection
de notre environnement, tels que les substituts aux composants attaquant la couche d'ozone,
les moyens de traiter les eaux polluées ou encore la neutralisation des rejets produits par
l'industrie papetière.
Le centre d'applications de Levallois détient également des compétences reconnues par
agrément dans des domaines sensibles comme l'analyse de traces et l'écotoxicologie.
Outre son utilité reconnue, ce centre n'est en aucune façon en doublon avec les autres
centres issus de la fusion - Feluy, en Belgique, et La Porte, aux USA - et personne ne
conteste son intérêt stratégique lié à sa position en région parisienne - c'est le seul centre de
recherche de la région dans ce domaine - à la proximité du siège social, à une bonne
desserte et aux synergies qui existent avec la communauté scientifique d'Ile-de-France, la
troisième mondiale, je le rappelle.
Le maintien, sur le site ou dans un secteur proche de la Défense, comporte beaucoup plus
d'atouts que la délocalisation et la dispersion, comme le démontre le résultat de l'audit réalisé
à la demande du comité central d'entreprise.
En tout état de cause, ce plan de restructuration constitue un affaiblissement du potentiel de
recherche chimique du groupe et du pays, qui fait craindre un affaiblissement industriel par la
suite et qui fait douter de la volonté de remédier aux dégâts écologiques provoqués,
notamment, par les appétits financiers des grands groupes.
S'agissant, dans le cadre de la production d'énergie, de recherches ayant des implications
aussi fortes sur la protection de notre environnement, le Gouvernement ne peut se
désintéresser des effets négatifs d'une OPA - offre publique d'achat - dont il a accepté le
principe.
Que pensez-vous de la fermeture du centre d'application de Levallois et quelles interventions
avez-vous menées ou envisagez-vous d'entreprendre pour maintenir les emplois et les
activités de recherche dans la région et poursuivre une politique ambitieuse de protection de
l'environnement ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le
groupe TotalFinaElf a fait connaître, en mars dernier, la stratégie qu'il comptait mettre en
oeuvre pour son pôle chimie - la société Atofina - qui représentait, en 1999, 23 % d'un chiffre
d'affaires global de 75 milliards d'euros. Cette stratégie vise à développer la chimie à vocation
mondiale par une croissance fondée sur les points forts de l'entreprise en termes d'activités et
de recherche. Pour mettre en place cette stratégie, une nouvelle organisation générale de la
branche chimie a été décidée par le groupe en octobre 2000. Tel est l'environnement général
dans lequel s'inscrit le projet de suppression du centre de recherche de Levallois, sur laquelle
vous appelez l'attention du Gouvernement et en particulier de Christian Pierret, secrétaire
d'Etat à l'industrie.
En ce qui concerne la recherche, qui représente plus de 1 700 personnes, le groupe a
souhaité rassembler, d'une part, ses activités de recherche-développement pétrochimiques
et, d'autre part, les équipes « procédé, synthèse produits et applications » travaillant sur les
mêmes grands types d'activité afin d'améliorer les interactions entre ces équipes.
Le projet du groupe qui en résulte en matière de localisation des compétences par site verrait
donc le renforcement des sites de Serquigny, dans l'Eure, de Lacq, dans les
Pyrénées-Atlantiques, de Carling, dans la Moselle, de Feluy, en Belgique, et de
Pierre-Bénite, dans le Rhône, pour ce qui concerne la chimie des peroxydes, des halogénés
et de leurs applications dans les produits tels que le papier, le textile et le cuir.
Ce projet du groupe conduirait effectivement à transférer l'essentiel des activités du centre
d'applications de Levallois, qui fermerait, à Pierre-Bénite, dans la région Rhône-Alpes, dont
l'accessibilité et l'environnement intellectuel dans le domaine de la chimie ne peuvent être
niés.
Même si ce transfert conduit à la création d'un pôle de compétence regroupant les forces et
les savoir-faire d'Atofina dans un domaine assez vaste pour bénéficier d'une meilleure
interactivité et, partant, mieux assurer la performance du groupe et de ses sites industriels
français face à la concurrence étrangère, il n'en reste pas moins que Atofina ne peut
s'exonérer de ses responsabilités, en premier lieu à l'égard de ses salariés.
C'est pourquoi il paraît indispensable à Christian Pierret que le dialogue social au sein de
l'entreprise se tienne sur ce projet de façon particulièrementapprofondie, afin que les
meilleures solutions puissent être mises en place. Comme vous le soulignez, l'organisation
future de la recherche du groupe doit permettre de maintenir en France des compétences
fortes sur les différentes activités, notamment dans le domaine de l'environnement.
Soyez assuré, monsieur le sénateur, que nous serons particulièrement vigilants sur ce point.
De même, avec notre collègue Elisabeth Guigou, nous serons très attentifs à ce que les
mesures d'accompagnement pour les personnels du centre d'applications de Levallois, si
elles se révélaient inévitables, soient particulièrement étudiées de façon à éviter tout
licenciement.
M. Roland Muzeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je note avec satisfaction votre souci de
veiller à ce qu'un dialogue social s'instaure au sein de cette entreprise. Cependant, je doute
qu'un tel dialogue soit possible. En effet, ni les responsables syndicaux ni les salariés venus
des vingt centres du groupe pour une journée de solidarité n'ont été satisfaits par les
réponses que M. Desmarest leur a apportées.
Je crains fort que, en l'occurrence, nous ne soyons face à une logique financière de type
libéral, et non à un projet industriel très cohérent. Au bout du compte, l'emploi sera mis à
mal.
Malgré les doutes que je viens d'exprimer, je souhaite, comme vous, que des réponses soient
apportées à ce problème.

- page 427

Page mise à jour le