Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - RI) publiée le 18/01/2001

M. Serge Mathieu demande à Mme le ministre de la culture et de la communication si elle peut préciser, à l'intention de la représentation nationale, l'état actuel de mise en oeuvre, par le Conseil supérieur de la langue française, installé le 16 novembre 1999, des 39 engagements que la France avait prévu de souscrire lors de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires du Conseil de l'Europe.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 15/03/2001

Réponse. - En signant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en mai 1999, le Gouvernement a voulu marquer concrètement sa volonté de valoriser un patrimoine riche, diversifié et parfois menacé. Suivant les propositions du rapport Poignant, il s'engageait à mettre progressivement en uvre des mesures destinées à mieux prendre en compte les langues régionales, notamment dans les domaines de l'enseignement, des médias et de la culture. Le Conseil constitutionnel a estimé que certaines dispositions de la Charte étaient incompatibles avec la Constitution, mais qu'aucun des engagements que la France s'apprêtait à souscrire n'était contraire à la Constitution, la plupart d'entre eux consistant à reconnaître des pratiques déjà mises en uvre par la France en faveur des langues régionales. La décision du Conseil n'empêche donc pas, dans le cadre des principes constitutionnels, de reconnaître aux langues régionales toute leur place dans le patrimoine culturel de la Nation. C'est dans cet esprit que la politique du Gouvernement se poursuit et se développe depuis deux ans. Le champ qu'elle couvre dépasse en réalité le cadre strict des trente-neuf mesures retenues aux moment de la discussion de la Charte. La section 2 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire dispose notamment que le schéma de services collectifs culturels " détermine les actions à mettre en uvre pour assurer la promotion et la diffusion de la langue française, ainsi que la sauvegarde et la transmission des cultures et langues régionales ou minoritaires ". En application de la loi, le schéma de services culturels collectifs adopté par le comité départemental interministériel pour l'aménagement durable du territoire le 18 mai 2000 a intégré la problématique des langues et de la citoyenneté, qui fait apparaître les langues régionales comme un terrain où la prise en compte de la diversité culturelle et la reconnaissance de pratiques novatrices trouvent à s'appliquer de manière privilégiée. Sur proposition de la ministre de la culture et de la communication, le Premier ministre a souhaité que la délégation générale à la langue française (DGLF) voie ses missions élargies aux langues de France et que de nouveaux moyens soient mis à sa disposition pour mettre en uvre de nouvelles orientations. Cette politique s'est notamment traduite en 2000 par l'inscription de trois millions de francs de mesures nouvelles au budget du ministère de la culture et de la communication, dont deux de crédits déconcentrés, et privilégie plusieurs axes d'intervention, pour les directions régionales des affaires culturelles comme pour l'administration centrale : sauvegarde et valorisation du patrimoine linguistique oral ou écrit, aide à l'édition sur et dans les langues régionales, observation des pratiques linguistiques, soutien aux secteurs où la langue est un vecteur de création, comme le spectacle vivant, la chanson et l'audiovisuel. Une part importante des crédits centraux (450 000 francs) est consacrée à la mise en place du programme " Librairie des langues de France " destiné, en liaison avec le Centre national du livre, à soutenir auprès des bibliothèques l'achat d'ouvrages, et auprès des éditeurs la publication ou la traduction de lacunes éditoriales dans les langues concernées. Un effort particulier porte sur l'outre-mer avec le lancement en 2000 d'un plan d'action pluriannuel intitulé " Langues, pratiques et ressources linguistiques en Guyane " auquel participent également le secrétariat d'Etat à l'outre-mer et l'Institut de recherche pour le développement, ce plan, qui répond à une forte demande sociale, vise à enrichir notre connaissance encore lacunaire de la réalité sociolinguistique de la Guyane et à utiliser la recherche à des fins pratiques de formation et de mise au point d'outils pédagogiques. De la même manière, un soutien est apporté à l'édition de méthodes de langues et de matériel didactique à Wallis et Futuna. Parmi les actions dont la DGLF a directement pris l'initiative, on peut citer la réalisation d'un répertoire des organismes actifs dans le domaine des langues de France, dont le premier tirage est paru en août 2000, et, à paraître, un recueil de fiches de présentation des soixante-quinze langues recensées dans le rapport Cerquiglini, pour populariser auprès du grand public la patrimoine linguistique national. Par ailleurs, un observatoire des pratiques linguistiques a été mis en place à la DGLF, pour contribuer à une meilleure prise en compte des réalités langagières dans l'élaboration de politiques sociales, éducatives et culturelles. L'observatoire a consacré en 2000 la moitié de ses crédits, soit 350 000 francs, au financement d'études impliquant directement les langues régionales. L'Etat s'engage aussi dans la durée à travers plusieurs contrats de plan Etat-région. Ainsi en Bretagne, l'Office de la langue bretonne doit bénéficier d'un apport de 6 MF pour la période 2000-2006, et en Aquitaine une mesure spécifique de 7 MF est inscrite pour le développement du basque et de l'occitan. On voit que les mesures mises en place par le ministère de la culture et de la communication tendent à assurer la connaissance et la sauvegarde des langues régionales, mais aussi leur développement à venir et leur créativité. Dans les différents médias aussi, les engagements que la France s'apprêtait a souscrire sont largement remplis, et la place réservée aux langues régionales tend à augmenter. Ainsi, en 1999 France 3 a diffusé au total 324 heures d'émissions dans les principales langues régionales parlées sur le territoire métropolitain, contre 265 l'annéeprécédente. Il s'agit aussi bien de magazines, de rubriques ou documentaires que d'éditions quotidiennes d'informations, de séries humoristiques ou de bulletins météo... Cherchant à mieux connaître la population de leurs auditeurs, plusieurs stations de FR 3 lancent des enquêtes à caractère socio-linguistique. La DGLF a apporté son soutien financier à une étude sur les attentes des auditeurs en Corse en 1999. Une étude de même type va être réalisée pour le Pays Basque. Conformément à leur mission, les radios locales des régions à forte identité accordent à l'expression des langues régionales la place qui leur revient. Rendez-vous d'information, fictions, chroniques, reportages, chansons assurent la présence du bilinguisme à l'antenne. En matière d'enseignement, les dispositions de la loi nº 51-46 du 11 janvier 1951 (loi Deixonne), qui s'appliquaient initialement au basque, au breton, au catalan et à l'occitan, ont été successivement étendues au corse, au tahitien, au lifou, aux langues régionales d'Alsace et des pays mosellans et aux langues mélanésiennes. La loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 en étend l'application aux langues régionales en usage dans les départements d'outre-mer, et un CAPES de créole pourrait être créé en 2002. Dans l'ensemble, l'enseignement des langues régionales se développe et gagne en cohérence. Le nombre d'élèves et d'enseignants est en augmentation : à l'heure actuelle dans l'enseignement public, 6 260 maîtres dispensent un enseignement de langue régionale à 158 000 élèves du primaire et à 54 000 élèves du secondaire. D'autre part, pour le breton, le catalan, le corse, le gallo et l'occitan, le Centre national d'enseignement à distance (CNED) assure un enseignement préparant à l'épreuve du baccalauréat. Les écoles privées associatives Diwan (breton), Seaka (basque), Calandretas (occitan), Bresssolas (catalan) et ABCM (alsacien) assurent un enseignement qui se fonde sur des méthodes dites d'immersion dans la langue régionale. Elles sont actuellement soumises au même statut que les écoles privées confessionnelles sous contrat avec l'Etat, mais un protocole d'intégration au service public est proposé à Diwan. Pour accompagner les orientations définies par le ministre, les services de l'éducation nationale travaillent activement à l'élaboration des dispositions d'ordre réglementaire sur l'enseignement des langues régionales. Il convient de rappeler que le rapport annuel au Parlement sur l'application de la loi du 4 août 1994 relative à l'usage de la langue française contient des données détaillées sur les langues de France.

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