Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - RI) publiée le 15/02/2001

M. Serge Mathieu appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les préoccupations des parents d'élèves quant au choix, par des enseignants, de romans pouvant prêter à diverses interprétations. Ceci a notamment été le cas pour des parents d'élèves qui, dans le cadre de la législation sur la protection des mineurs, ont déposé une plainte, le 24 novembre 2000, à l'encontre d'un professeur de lettres d'un collège d'Abbeville (Somme), qui a été interpellé puis placé en garde à vue pour avoir choisi d'étudier, avec des élèves d'une classe de troisième, le roman d'Agota Kristof Le Grand Cahier. L'affaire a ensuite été classée sans suite. Il lui demande les réflexions que lui inspire cette situation et s'il envisage de définir des règles s'appliquant notamment aux enseignants quant au choix de textes étudiés en classe, eu égard à l'âge des élèves concernés.

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 10/05/2001

Réponse. - Le programme de français de la classe de troisième n'impose aucune liste d' uvres mais définit des types de textes à faire lire (littérature pour la jeunesse, textes porteurs de références culturelles, textes documentaires). La lecture d'une uvre autobiographique, éventuellement romancée, et la manière dont le narratif et l'argumentatif y sont liés, est ainsi au programme de cette classe. Le Grand Cahier d'Agota Kristof peut donc être considéré comme correspondant à ce genre de texte. L'enseignement choisit en fonction de son projet pédagogique, de la maturité des élèves dont il a la charge et du contexte local, les ouvrages étudiés en classe et ceux dont il conseille la lecture. Ce choix est toujours délicat. En effet, la littérature regorge d' uvres par certains aspects très dérangeantes, ne serait-ce que les tragédies antiques ou les contes enfantins, non conformistes et abordant des thématiques susceptibles de choquer certains enfants ou leurs familles. Mais c'est bien là une des fonctions de la littérature que de mettre à distance les comportements humains, d'en favoriser l'analyse et déclencher, par le truchement de l'écriture et de l'émotion qu'elle provoque, la réflexion sur tous les aspects de l'humanité, y compris les plus noirs. L'horreur de la guerre et du totalitarisme, les dérives qu'ils peuvent entraîner, la déchéance de l'humain qu'ils engendrent sont bien au c ur de l' uvre d'Agota Kristof. Sans préjuger de la façon dont l'étude de cette uvre a été conduite par l'enseignant d'Abbeville ni du niveau d'abstraction que les élèves de sa classe pouvaient maîtriser, en tenant compte de certains passages très crus du Grand Cahier, cette affaire ne doit pas nous faire oublier que les enseignants ont pour mission d'installer chez leur élèves un goût autonome pour la lecture d' uvres qui donnent à penser et à s'émouvoir.

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