Question de M. BÉTEILLE Laurent (Essonne - RPR) publiée le 08/03/2001

M. Laurent Béteille souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet d'accord concernant la réforme du brevet européen qui se met actuellement en place et constitue une réelle menace pour le statut de la langue française et pour la position de la France dans l'industrie et la recherche. Ce projet d'accord soumis à la signature de 19 pays - l'OEB (Office européen des brevets) - prévoit la suppression de la traduction dans les langues nationales et le dépôt du brevet dans une langue unique, allemand, anglais ou français. Si une telle réglementation voyait le jour, les brevets européens délivrés en anglais ou en allemand auraient force de loi en France, au même titre que les brevets français. Ce serait la première fois qu'un texte en langue étrangère aurait force de loi en France, ce qui constituerait un très grave précédent et menacerait l'existence de la langue française dans son propre pays d'origine. Par ailleurs, un tel abandon aurait de graves conséquences sur l'emploi ; des milliers de postes seraient supprimés non seulement chez les traducteurs, mais aussi au sein des cabinets de conseil à propriété industrielle, touchant aussi bien les ingénieurs, les juristes, les secrétaires que les sous-traitants. Devant la levée de boucliers des professionnels, un moratoire a été accordé jusqu'au 30 juin 2001, le secrétaire d'Etat à l'industrie proposant que la traduction en français soit effectuée sous maîtrise d'ouvrage de l'INPI (Institut national de la propriété industrielle). Ce projet ne résout rien des graves problèmes juridiques, sociaux et de financement signalés précédemment. Enfin, le coût du dépôt en France d'un brevet étant le plus bas de tous les pays européens, l'argument du coût ne saurait être invoqué. Dans ces conditions, il lui demande si le Gouvernement français est prêt à agir pour obtenir l'abandon de ce projet.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 03/05/2001

Réponse. - La compétition internationale dans laquelle les économies française et européenne sont engagées impose aujourd'hui à nos entreprises de recourir largement au brevet, outil essentiel de valorisation et de protection de l'innovation. Même si l'on constate que les dépôs de brevets en France connaissent un certain renouveau grâce à la politique de soutien à l'innovation que mène le Gouvernement, les entreprises françaises utilisent encore insuffisamment le système des brevets : seules 25 % d'entre elles déposent un brevet au cours de leur vie. En France, le Gouvernement a réduit de 50 % la principale taxe, dite taxe de recherche, ce qui fait du brevet français l'un des moins chers d'Europe. En revanche, le coût d'obtention du brevet européen reste très élevé, de trois à cinq fois plus cher qu'aux Etats-Unis ou au Japon. En effet, 40 % du coût du brevet européen sont dus aux traductions exigées actuellement par chacun des Etats membres de l'Office européen des brevets (OEB) dans la langue nationale. A l'initiative de la France, une conférence intergouvernementale a permis de préparer un projet d'accord sur les traductions des brevets européens. Pour les déposants (entreprises, chercheurs, parfois simples particuliers), ce projet d'accord limiterait considérablement le coût et la complexité d'un outil indispensable. Vis-à-vis de la langue française, il affirmerait la prééminence des trois langues de l'OEB, dont le français fait partie, avec l'anglais et l'allemand. Il a en revanche été critiqué sous certains aspects, notamment par les professionnels de la propriété industrielle. Le Gouvernement est conscient des préoccupations ainsi soulevées. Il entend donc ne signer l'accord que si l'intérêt général en est parfaitement établi et s'il suscite une large adhésion permettant d'envisager sereinement sa ratification. Le Gouvernement a donc décidé de poursuivre les consultations, en sollicitant toutes les parties intéressées : entreprises et chercheurs, inventeurs individuels, avocats, conseils en propriété industrielle, académies, parlementaires et élus, institutions nationales, européennes et internationales en charge de la propriété industrielle, institutions en charge de la francophonie. L'objectif de cette consultation est d'évaluer l'intérêt du projet d'accord présenté à Londres et, le cas échéant, d'en préciser les modalités de mise en uvre. Dans cette perspective, une mission de concertation et de proposition a été confiée à M. Georges Vianès, conseiller maître à la Cour des comptes, sur le régime linguistique des brevets européens (www.industrie.gouv.fr/vianes/). Le Gouvernement a arrêté en 1998, à la suite du rapport Lombard sur la propriété industrielle, des objectifs ambitieux aux plans national et européen de développement d'une véritable culture de propriété industrielle. Les enjeux sont notamment d'inciter les inventeurs, entreprises et chercheurs à protéger leurs inventions, de favoriser le développement de la profession de conseil en propriété industrielle dont le concours est indispensable aux entreprises et aux laboratoires de recherche, de développer les formations à la propriété industrielle, notamment dans les écoles d'ingénieurs, et de favoriser l'utilisation du brevet comme outil de veille technologique. Au regard de ces priorités, la mission de M. Vianès devra faire apparaître clairement les arguments de toutes les parties concernées afin que la décision finale du Gouvernement soit correctement éclairée. Le Gouvernement s'appuiera sur les conclusions de cette mission pour arrêter sa position sur les traductions des brevets européens, au plus tard le 30 juin 2001.

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