Question de M. GIROD Paul (Aisne - RDSE) publiée le 29/03/2001

M. Paul Girod appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur l'intérêt et l'importance du jugement du tribunal administratif de Strasbourg (19 janvier 2001), précisant qu'un maire a le droit de réglementer la circulation des poids lourds sur les routes nationales traversant la commune, s'il n'existe pas de décret particulier transférant cette compétence au préfet. Cette reconnaissance du rôle éminent des maires pouvant être controversée, il lui demande de lui préciser la nature, les perspectives et les échéances de son action ministérielle tendant à clarifier la réglementation à cet égard (La lettre du maire. - nº 1247. - 27 février 2001).

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Réponse du ministère : Équipement publiée le 23/08/2001

Le jugement rendu par le tribunal administratif de Strasbourg, le 19 janvier 2001, annulant le refus du maire de la commune d'Urbès, dans le département du Haut-Rhin, d'interdire, en traverse de sa commune, la circulation des poids-lourds sur la route nationale 66, a été présenté par les médias comme une innovation. Or, cette décision ne doit en aucun cas être interprétée, même implicitement, comme invitant le maire à prendre un arrêté d'interdiction du transit des poids-lourds sur sa commune. Le tribunal a simplement censuré l'erreur juridique commise par le maire qui s'est cru lié par un avis négatif du préfet. Le maire a ainsi méconnu sa propre compétence qui lui permettait de passer outre à un tel avis négatif. Le maire devait examiner, lui-même, l'ensemble des éléments d'appréciation en sa possession pour prendre sa propre décision. La motivation retenue par le maire revenait donc à considérer que le préfet était compétent à sa place. la censure était inéluctable. Il n'eût été possible d'y échapper que si le maire avait convaincu le tribunal que, même sans avis préfectoral, il aurait certainement pris une décision identique. La possibilité, pour un maire, de réglementer la circulation des poids-lourds sur sa commune ne constitue aucunement une mesure nouvelle. Elle résulte de la mise en oeuvre des pouvoirs de police de la circulation qu'il tient de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, limité, sur les routes à grande circulation, par la nécéssité de recueillir l'avis " simple " du préfet, en vertu de l'article R. 411-8 du code de la route. Comme toute mesure de police, les dispositions prises par le maire dans ce domaine doivent, d'une part, procéder de considérations ayant trait à la nécéssité d'assurer la sûreté et la sécurité publiques aussi bien que la tranquilité publique, et, d'autre part, respecter la " règle de l'économie des moyens " c'est-à-dire être justifiées tant par l'importance du but à atteindre que par l'impossibilité dans laquelle s'est trouvée l'autorité municipale d'adopter une solution moins rigoureuse. D'une façon générale, les avantages procurés aux populations doivent largement excéder les inconvénients ressentis par les catégories d'usagers mises en cause. De plus, elles ne doivent pas porter une atteinte intolérable à des libertés ou à des droits (commerce, circulation, riveraineté...), mais satisfaire aux exigences de la desserte intra-urbaine et offrir un itinéraire correct de contournement. A cet égard, le fait que cet itinéraire comporte l'utilisation obligatoire d'un tronçon d'autoroute à péage est sans influence sur la légalité des arrêtés (Conseil d'Etat, sieur Coing, 1er février 1978). Enfin, elles ne doivent pas présenter un caractère général et absolu, ce qui implique des discriminations catégorielles. Toutefois, les inconvénients d'une multiplication anarchique de la circulation des poids-lourds en traverse d'agglomération ne doivent pas être sous-estimés. C'est la raison pour laquelle les services du ministre de l'équipement, des transports et du logement ont adressé, le 2 mai 2001, une note d'information aux préfets à ce sujet. Cette note les invite à exercer le contrôle de légalité le plus strict sur les arrêtés municipaux pris dans ce domaine en leur rappelant qu'il leur revient, lorsqu'ils sont alertés en ce qui concerne les routes à grande circulation par la demande, obligatoire, d'avis du maire, de déférer au tribunal administratif les décisions dont la légalité ne leur paraît pas avérée. Il y est conseillé en outre aux préfets, dans l'hypothèse où l'arrêté municipal serait de nature à avoir de graves inconvénients, et notamment de paralyser l'exercice de la liberté d'aller et venir, d'accompagner leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté municipal de conclusions à fin de sursis à exécution de la décision contestée. Si l'interdiction de circulation porte significativement atteinte à l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, la décision est prononcée dans les 48 heures de la saisine par le président du tribunal administratif ou le conseiller qu'il délègue à cet effet. L'impossibilité de circuler, pour les transporteurs, si elle résulte de l'absence d'itinéraire de déviation acceptable, paraît de nature à justifier la mise en oeuvre d'un tel sursis. De l'exposé qui précède, il ressort que la liberté des autorités de police, notamment municipales sur les routes à grande circulation à l'intérieur des agglomérations, est largement étendue. Comme toute liberté, celle-ci ne s'exerce pas sans un contrôle étroit de légalité, les préfets disposant de tous les moyens juridiques nécessaires et suffisants pour en faire contrôler la validité par les juridictions compétentes.

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