Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 03/05/2001

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les difficultés rencontrées par plusieurs millions de personnes en France exclues du système bancaire traditionnel. Il a pris acte de l'adoption par l'Assemblée nationale, le 25 avril dernier, d'une proposition de loi assurant la gratuité de la délivrance et du traitement des chèques. Mais il lui semble nécessaire de rappeler que le plus urgent est de restaurer le droit à un service bancaire de base de qualité pour tous, un service bancaire universel gratuit octroyant une gamme complète de prestations élémentaires quel que soit le montant des revenus de nos concitoyens (compte de dépôt, relevé bancaire ou postal, etc.). En outre, il estime que l'autre priorité est d'assurer une meilleure transparence du coût des services bancaires pour les clients et de leur donner le droit de recourir à la protection prévue par le code de la consommation en cas de litige. C'est pourquoi il lui demande ce que le Gouvernement compte entreprendre pour donner un écho favorable à ces deux priorités.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 16/05/2001

Réponse apportée en séance publique le 15/05/2001

M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes particulièrement chargé du droit des consommateurs, et je voudrais donc attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par plusieurs millions de personnes exclues du système bancaire traditionnel.
J'ai, bien sûr, pris acte de la décision récente du Gouvernement de mettre en place, conformément à la « loi Aubry », un service bancaire de base réservé aux exclus. Mais le nombre des personnes concernées est dérisoire et les modalités d'accès sont dissuasives pour cette catégorie de la population.
Par ailleurs, j'ai suivi avec intérêt l'examen et l'adoption par l'Assemblée nationale, le 25 avril dernier, d'une proposition de loi visant à assurer la gratuité de la délivrance et du traitement des chèques. Mais de telles dispositions sont-elles bien réalistes dans la perspective de l'ouverture du marché bancaire européen ?
Surtout, n'est-il pas plus urgent de restaurer le droit à un service bancaire de base de qualité pour tous, un service bancaire universel gratuit, octroyant une gamme complète de prestations élémentaires, qu'il s'agisse, par exemple, d'un compte de dépôt, de relevés bancaires ou postaux ou de la délivrance d'un certain nombre de titres de paiement gratuits et sécurisés, et ce quel que soit le montant des revenus des personnes et selon des modalités accessibles à tous ?
Enfin, j'estime qu'une autre priorité est d'assurer une meilleure transparence des coûts des services bancaires pour les clients et de donner le droit à ces derniers de recourir à la protection prévue par le code de la consommation en cas de litige. A quand une initiative du Gouvernement à ce sujet ?
Par conséquent, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous comptez entreprendre pour traduire dans les faits ces deux priorités et donner ainsi une suite concrète aux travaux de la commission Jolivet.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, vous avez raison : il convient de protéger les personnes en situation d'exclusion bancaire, et le Gouvernement, qui a fait en ce sens des propositions et accepté des amendements lors de l'examen de différents textes de loi, partage pleinement cette préoccupation.
Il l'a montré encore récemment, à l'occasion de la discussion du projet de loi portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier, dit MURCEF, examiné il y a quelques jours par l'Assemblée nationale et qui viendra prochainement devant la Haute Assemblée.
Afin d'aider les Français confrontés à des difficultés d'exclusion, le Gouvernement a pris plusieurs mesures majeures et il devrait les compléter prochainement par de nouvelles propositions.
Tout d'abord, le décret publié le 17 janvier dernier institue un service de base bancaire gratuit pour les exclus et définit le contenu des services bancaires de base pour les personnes en situation d'exclusion bancaire. Ces services comprennent notamment des moyens de paiement à distance - virements, prélèvements, carte de paiement à autorisation systématique.
Ensuite, afin de faciliter la sortie du dispositif d'interdiction d'émettre des chèques, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi MURCEF des mesures visant à aménager le régime des pénalités libératoires et des frais bancaires applicables aux chèques sans provision, afin de favoriser la régularisation de la situation des personnes faisant l'objet d'une interdiction d'émettre des chèques pour des sommes d'un montant limité.
Comme vous le savez, le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, qui sera promulgué prochainement et que j'ai défendu, au nom du Gouvernement, à la tribune de l'Assemblée nationale il y a quelques jours, a ramené de dix à quinze ans la durée maximale de cette interdiction, ce qui n'est pas mince. Cette nouvelle disposition facilitera grandement les sorties anticipées.
Il est un autre point que vous avez évoqué qui nous paraît important : la protection des sommes insaisissables.
Comme il s'y était engagé, le Gouvernement a repris très activement les travaux relatifs à la mise en oeuvre effective des dispositions sur l'insaisissabilité, de façon à assurer un « reste à vivre » alimentaire aux personnes saisies, travaux dont j'espère pouvoir présenter prochainement les résultats.
Il s'agit également de moderniser les relations entre les banques et leur client. Vous proposez, quant à vous, la mise en place d'un service bancaire gratuit universel, demande qui avait été formulée par une association de consommateurs.
Or le Gouvernement, ainsi qu'il l'avait déjà indiqué devant votre assemblée à l'occasion de l'examen du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, souhaite réserver ces services de base bancaires aux populations visées par la loi contre les exclusions. Notre problème, en effet, n'est pas tant de savoir si les chèques seront gratuits ou pas - les banques seraient tentées d'en reporter le coût sur d'autres produits - que de nous attacher à examiner l'ensemble de la tarification bancaire à travers les relations banque-client, le prix réel des services, le prix réel de l'ouverture des comptes, le prix réel des documents fournis par ailleurs. C'est donc, globalement, sur la tarification dans son ensemble plus que sur la gratuité des chèques que le Gouvernement entend faire porter son action, parce qu'il faut veiller à la transparence du coût des services bancaires pour les clients.
La modernisation de la relation entre les banques et leurs clients est un élément essentiel de notre action et le complément indispensable des mesures spécifiques destinées à traiter les difficultés particulières.
Le Gouvernement a introduit plusieurs dispositions en ce sens dans le projet de la loi MURCEF. Ces dispositions, qui ont vocation à s'inscrire à la fois dans le code monétaire et financier et dans le code de la consommation, auront pour effet d'améliorer très sensiblement, et pour l'ensemble de la clientèle bancaire, la transparence de cette relation commerciale et de rééquilibrer cette relation en faveur des clients.
Les dispositions proposées constitueront, pour l'ensemble de la clientèle bancaire, un progrès très notable, et ce dans trois directions : transparence et contractualisation systématique des services bancaires et de leur tarification ; protection contre les effets pernicieux des ventes forcées et des ventes à prime ; accès direct au juge et recours à un dispositif décentralisé de médiation rapide et gratuite.
Cet ensemble de mesures devrait permettre de défendre l'intérêt réel des clients des banques, mieux qu'une disposition qui apparaîtrait peut-être aujourd'hui comme une mesure phare, mais qui serait illusoire du fait des effets indirects qu'elle pourrait avoir sur les clients des banques.
Le Gouvernement s'engage donc résolument dans la voie de la défense réelle de l'ensemble des clients des banques, et notamment des plus défavorisés.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez rappelé, à juste titre, que le Gouvernement s'était attaqué à ce chantier complexe que représentent les relations entre les usagers du système bancaire et les banques. Je vous donne acte - je l'avais d'ailleurs déjà fait - de ce qu'un premier pas a été fait avec la mise en place du service bancaire de base pour les exclus. Mais je renouvelle mon interrogation à cet égard.
En effet, certains experts estiment l'exclusion bancaire à plusieurs millions de personnes ; peut-être est-ce un peu excessif. Monsieur le secrétaire d'Etat, combien de personnes seront-elles concernées par ce service bancaire de base ? On parle de quelques milliers. Si cette estimation était avérée, ce serait une grande déception pour ceux qui, comme moi - et je ne suis pas le seul -, militent pour le retour au service public bancaire, « retour » parce qu'il existait il y a une vingtaine d'années ; nous sommes, de ce point de vue, en régression.
D'autres mesures ont été prises ou sont proposées par le Gouvernement, notamment sur toutes les questions complexes d'interdiction bancaire. C'est un progrès très significatif que je veux saluer. De même, il est important qu'une part des revenus, notamment les allocations vitales, soit insaisissable et, dans ce domaine aussi, vous faites une avancée.
Je reviens maintenant sur deux sujets centraux.
Comme vous, je ne pense pas que décréter le chèque gratuit pour l'éternité soit une solution. Encore faut-il inciter les banques, y compris par un fonds de compensation, à admettre l'ensemble des citoyens ou plutôt des résidents à ces services de base.
Enfin, il y a un élément sur lequel vous ne m'avez pas répondu et qui est pourtant très important : envisagez-vous, comme cela avait été évoqué par le Gouvernement, de soumettre les banques au code de la consommation ?

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