Question de M. TESTON Michel (Ardèche - SOC) publiée le 12/04/2001

M. Michel Teston appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les préoccupations exprimées par plusieurs associations d'aide au tiers-monde au sujet de l'existence dans le code pénal d'un délit pour " offense à chef d'Etat étranger ", pour lequel la peine encourue est d'un an de prison et de 300 000 francs d'amende. En effet, un éditeur et un auteur français ont comparu récemment devant la justice, à la demande de trois chefs d'Etat africains, qui estiment avoir été gravement mise en cause dans un ouvrage intitulé Noir silence, qui arrêtera la Françafrique. Si l'instauration d'un délit de diffamation revêt des motivations parfaitement justifiées, il apparaît que la notion d'" offense à un chef d'Etat étranger " semble pour le moins obsolète au regard de la nouvelle donne internationale. Il apparaît clairement que cette disposition juridique, adoptée en 1881, pose aujourd'hui des difficultés indéniables en matière de libre expression et de dénonciation de certaines pratiques gouvernementales, notamment dans les pays non démocratiques. Aussi, il lui demande quelle est sa position dans ce dossier, et s'il ne conviendrait pas de modifier notre législation à ce sujet.

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Transmise au ministère : Justice


Réponse du ministère : Justice publiée le 26/07/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il n'est pas actuellement envisagé d'abroger les dispositions de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprimant l'offense envers les chefs d'Etat étrangers. Cette disposition a été récemment modifiée par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a supprimé la peine d'un an d'emprisonnement auparavant encourue. Par ailleurs, si une jurisprudence ancienne a considéré que les personnes poursuivies du chef de ce délit ne pouvaient juridiquement, comme en matière de diffamation, invoquer l'exceptio veritatis à titre de moyen de défense, il demeure que les tribunaux jugent l'infraction non constituée si les propos contestés ne consistent pas en un abus du droit de libre expression. Ce délit de presse doit en effet être interprété au regard des dispositions constitutionnelles et conventionnelles qui garantissent la liberté d'expression dans une société démocratique. Il convient enfin d'indiquer d'une part que la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 25 avril 2001 frappé d'appel, a estimé que les dispositions de l'article 36 de la loi précitée étaient incompatibles avec les principes d'égalité des armes et de liberté d'expression tels qu'énoncés par les articles 6 et 10 de la convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, que la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête contestant l'article 36 précité, ne s'est pas encore prononcée à ce jour.

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