Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 26/04/2001

Mme Marie-Claude Beaudeau appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur les conséquences graves du protocole adopté à Londres le 16 octobre 2000 modifiant la convention de Munich sur le brevet européen. Elle lui rappelle que, suivant ce protocole, les brevets européens déposés pour l'essentiel en langue anglaise seront opposables aux tiers sans traduction préalable dans la langue de chaque pays signataire. Elle lui fait remarquer que ce projet ne répond nullement aux besoins français, qu'il tourne le dos à la francophonie, crée une fracture linguistique sous la pression des Etats anglophones. Elle lui fait également remarquer qu'il entraînerait, s'il était approuvé par la France, une aggravation de la balance nationale et régionale des brevets, offrant également le marché européen du droit aux cabinets juridiques anglo-saxons et qu'il ne manquerait pas d'entraîner des risques juridiques et constitutionnels. Elle lui fait part de l'incompréhension et de la désapprobation de la plupart des créateurs de brevets, des industriels, des conseils en propriété industrielle libéraux gérant les deux tiers des brevets en France devant son intention de faire procéder, en cas de signature, à des traductions partielles financées sur fonds publics, sous la maîtrise d'ouvrage de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) pour pallier l'absence de celles des déposants étrangers. Elle lui fait observer que des pays étrangers comme l'Italie et l'Allemagne ont refusé de signer ce protocole favorable aux Etats-Unis, à l'Angleterre et au Japon qui déposent quatre à cinq fois plus de brevets que notre pays. Elle lui demande de lui faire connaître les mesures qu'il envisage pour refuser de signer le protocole de Londres, poursuivre le débat sur la question des traductions dans le cadre des discussions actuelles sur le projet de règlement de brevet communautaire, proposer des solutions nouvelles, réelles et efficaces au retard grave pour notre industrie en matière de dépôt de brevets français, ainsi que pour la défense de la langue française et de notre culture dans le domaine scientifique.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 24/05/2001

Réponse. - La compétition internationale dans laquelle les économies française et européenne sont engagées impose aujourd'hui à nos entreprises de recourir largement au brevet, outil essentiel de valorisation et de protection de l'innovation. Même si l'on constate que les dépôts de brevets en France connaissent un certain renouveau grâce à la politique de soutien à l'innovation que mène le Gouvernement, les entreprises françaises utilisent encore insuffisamment le système des brevets : seules 25 % d'entre elles déposent un brevet au cours de leur vie. En France, le Gouvernement a réduit de 50 % la principale taxe, dite taxe de recherche, ce qui fait du brevet français l'un des moins chers d'Europe. En revanche, le coût d'obtention du brevet européen reste très élevé, de trois à cinq fois plus cher qu'aux Etats-Unis ou au Japon. En effet, 40 % du coût du brevet européen est dû aux traductions exigées actuellement par chacun des Etats membres de l'Office européen des brevets (OEB) dans sa langue nationale. A l'initiative de la France, une conférence intergouvernementale a permis de préparer un projet d'accord sur les traductions des brevets européens. Pour les déposants (entreprises, chercheurs, parfois simples particuliers), ce projet d'accord limiterait considérablement le coût et la complexité d'un outil indispensable. Vis-à-vis de la langue française, il affirmerait la prééminence des trois langues de l'OEB, dont le français fait partie, avec l'anglais et l'allemand. Il a en revanche été critiqué sous certains aspects, notamment par les professionnels de la propriété industrielle. Le Gouvernement est conscient des préoccupations ainsi soulevées. Il entend donc ne signer l'accord que si l'intérêt général en est parfaitement établi et s'il suscite une large adhésion permettant d'envisager sereinement sa ratification. Le Gouvernement a donc décidé de poursuivre les consultations, en sollicitant toutes les parties intéressées : entreprises et chercheurs, inventeurs individuels, avocats, conseils en propriété industrielle, académies, parlementaires et élus, institutions natioanles, européennes et internationales en charge de la propriété industrielle, institutions en charge de la francophonie. L'objectif de cette consultation est d'évaluer l'intérêt du projet d'accord présenté à Londres et, le cas échéant, d'en préciser les modalités de mise en uvre. Dans cette perspective, une mission de concertation et de proposition a été confiée à M. Georges Vianes, conseiller maître à la Cour des comptes, sur le régime linguistique des brevets européens (www.industrie.gouv.fr/vianes/). Le Gouvernement a arrêté en 1998, à la suite du rapport Lombard sur la propriété industrielle, des objectifs ambitieux aux plans national et européen de développement d'une véritable culture de propriété industrielle. Les enjeux sont notamment d'inciter les inventeurs, entreprises et chercheurs à protéger leurs inventions, de favoriser le développement de la profession de conseil en propriété industrielle dont le concours est indispensable aux entreprises et aux laboratoires de recherche, de développer les formations à la propriété industrielle, notamment dans les écoles d'ingénieurs, et de favoriser l'utilisation du brevet comme outil de veille technologique. Au regard de ces priorités, la mission de M. Vianes devra faire apparaître clairement les arguments de toutes les parties concernées afin que la décision finale du Gouvernement soit correctement éclairée. Le Gouvernement s'appuiera sur les conclusions de cette mission pour arrêter sa position sur les traductions des brevets européens, au plus tard le 30 juin 2001.

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