Question de M. LE GRAND Jean-François (Manche - RPR) publiée le 04/05/2001

M. Jean-François Le Grand attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences pour les pêcheurs de Basse-Normandie des mesures prises à l'échelle européenne dans le cadre du livre vert sur l'avenir de la politique commune des pêches et qui s'appliquent en dépit de la spécificité de l'économie régionale des activités de la pêche. Aussi, pour que ne soient pas réduits à néant les importants efforts déployés par l'ensemble des partenaires locaux, professionnels et décideurs ; pour assurer la pérennité des ressources naturelles et celle des activités économiques qui en dépendent ; pour favoriser la mise en oeuvre rationnelle de la politique commune des pêches ; pour finaliser les rapprochements des professionnels concernés et la collaboration entre scientifiques européens ; pour permettre de faire appliquer par tous les contraintes que les riverains imposent, il lui demande de tout mettre en oeuvre pour faire reconnaître la spécificité et l'identité de la mer de la Manche en créant à l'échelon européen une zone " Manche " indépendante de l'Atlantique et de la mer du Nord.

- page 1768


Réponse du ministère : Patrimoine publiée le 30/05/2001

Réponse apportée en séance publique le 29/05/2001

M. Jean-François Le Grand. Je voudrais tout d'abord remercier M. le ministre de l'agriculture et de la pêche d'avoir eu la courtoisie de me prévenir hier qu'il ne pourrait être présent pour répondre à ma question, qui porte sur la pêche en Manche.
La pêche concerne 2 250 pêcheurs en Basse-Normandie, embarqués sur plus de 600 navires armés, pour la grande majorité d'entre eux, à la « petite pêche ». Elle représente un chiffre d'affaires d'environ 525 millions de francs, pour plus de 50 000 tonnes de produits de la mer débarqués. Moins de 15 % de ces captures sont concernées par les mesures prises dans le cadre de la politique commune des pêches, la PCP, et l'essentiel du tonnage ne relève donc pas des quotas de pêche. Les principaux apports sont constitués par des espèces sédentaires, coquillages, crustacés ou mollusques.
Depuis plus de vingt ans, les partenaires locaux mettent en oeuvre une politique rationnelle d'adéquation des flottilles et des ressources pour une stratégie de gestion des espèces d'intérêt régional. Les différents contrats de plan Etat-région, d'ailleurs tous abondés par le département de la Manche, ont permis de mobiliser les scientifiques de l'Ifremer, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, en vue de l'identification et de la gestion des stocks, ainsi que des flottilles franco-britanniques, en collaboration avec les scientifiques d'outre-Manche.
Aujourd'hui, plus de la moitié des captures régionales font l'objet de permis de pêche spéciaux, et le comité régional des pêches gère plus de huit cents licences. Celles-ci, outre l'obligation de déclaration de capture, prévoient des mesures de limitation des efforts de pêche.
D'importants efforts initiatives visent à l'organisation de la cohabitation. Une conférence annuelle de Manche centrale réunit ainsi les organismes professionnels riverains, tant britanniques que français ou belges. La concertation entre professionnels des îles anglo-normandes et de France a permis d'aboutir à la constitution d'un comité consultatif de gestion de la baie de Granville, qui est déjà opérationnel et que j'ai reçu voilà quelques jours dans les locaux du conseil général de la Manche.
En dépit de la spécificité de l'économie régionale des activités de pêche et des efforts consentis par tous pour pérenniser cette activité, les mesures prises à l'échelle européenne s'appliquent sans discernement, et les mêmes ratios de réduction de la flottille sont imposés à des unités qui n'exploitent pas les espèces d'intérêt européen.
De plus, aucune mesure n'est actuellement applicable pour limiter un éventuel redéploiement de l'effort de capture de navires ayant épuisé leurs quotas de pêche dans leurs secteurs habituels d'activité. Rien ne les oblige à se plier aux règles instaurées localement pour limiter les prélèvements dans le milieu naturel.
Depuis plusieurs années, les professionnels, relayés par les responsables locaux, militent donc pour la reconnaissance de la spécificité des pêches dans la mer de la Manche. Ce comportement apparaît aujourd'hui précurseur, puisque le règlement IFOP - instrument financier d'orientation de la pêche - de décembre 1999 prévoit de favoriser les actions des professionnels en matière de gestion de la ressource.
Par ailleurs, le Livre vert sur l'avenir de la politique commune des pêches, présenté par la Commission européenne le 20 mars dernier, en instaurant de nouvelles mesures visant à permettre une exploitation durable des ressources, met l'accent sur l'amélioration de la « gouvernance » dans le cadre de la politique commune des pêches. Il prévoit la création de comités consultatifs de gestion - je viens de vous indiquer, monsieur le secrétaire d'Etat, que celui de la baie de Granville était opérationnel - qui permettront aux acteurs d'être impliqués dans le processus décisionnel. Dans la transparence et le respect de l'intérêt communautaire, la décentralisation en matière de gestion peut donc être envisagée.
En conséquence, pour que ne soient pas réduits à néant les importants efforts déployés par l'ensemble des partenaires locaux, professionnels ou décideurs, pour assurer la pérennité des ressources naturelles et celle des activités économiques qui en dépendent, pour favoriser la mise en oeuvre rationnelle de la politique commune des pêches, pour entériner le rapprochement des professionnels concernés et la collaboration entre scientifiques européens, pour permettre d'appliquer à tous les contraintes que les riverains eux-mêmes s'imposent, je demande à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche de faire reconnaître la spécificité et l'identité de la mer de la Manche, en créant, à l'échelon européen, une zone « Manche » indépendante de l'Atlantique et de la mer du Nord.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle. Monsieur le sénateur, je vous renouvelle les excuses de M. Jean Glavany, qui préside ce matin une table ronde avec les professionnels des produits carnés et qui m'a chargé de vous apporter la réponse suivante.
La publication, à la fin mars 2001, du Livre vert de la Commission européenne sur l'avenir de la politique commune des pêches constitue le point de départ officiel de la réflexion qui doit aboutir, à la fin de l'année 2002, à la réforme de celle-ci.
Dans l'optique de ce vaste débat qui couvre tous les aspects de la politique commune des pêches, une meilleure prise en compte des spécificités régionales des pêcheries doit être recherchée.
En effet, les zones de pêche communautaires présentent des caractéristiques différentes en termes de ressources comme de pratiques de pêche. Aussi le développement et la mise en oeuvre de la politique commune des pêches doivent-ils se faire à l'échelon d'action le plus approprié, à partir de concertations approfondies avec l'ensemble des professionnels concernés : des règles plus simples, moins uniformes doivent être mises en place, au travers d'une plus grande concertation et d'un recours accru à la subsidiarité.
Les pêcheries de la Manche ont trouvé, grâce notamment aux efforts des professionnels, un équilibre qu'il s'agit de maintenir. C'est avec cet objectif que la France préconise, au plan communautaire, la mise sous TAC, totaux admissibles de captures, et quotas de nouvelles espèces de la Manche, telles que le bar, le rouget ou certains céphalopodes.
C'est également dans ce dessein que les autorités françaises soutiennent les initiatives visant à favoriser la concertation transnationale et le rapprochement entre les professions et les institutions communautaires.
D'une façon générale, le ministre de l'agriculture et de la pêche, M. Jean Glavany, est déterminé à faire en sorte que la réforme de la politique commune des pêches intègre mieux que par le passé la dimension régionale, tout en maintenant les conditions d'une non-discrimination entre pêcheurs communautaires.
M. Jean-François Le Grand. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Le Grand.
M. Jean-François Le Grand. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, de cette réponse qui est un encouragement, en tout cas une indication de la bonne direction prise par le Gouvernement.
Au-delà des bonnes intentions, j'aimerais cependant qu'un calendrier soit fixé et que des engagement soient pris quant à la mise en oeuvre rapide de ces nouvelles directives.
J'ai noté avec beaucoup d'intérêt les propos qu'a tenus M. Glavany à propos de la spécifité régionale, des actions qui sont appropriées, de la concertation qui doit être largement développée. Comme je me suis permis très brièvement de le rappeler, c'est ce que nous pratiquons depuis vingt ans, et ce conjointement avec nos amis riverains, à savoir les Britanniques, les Belges et, bien évidemment, les pêcheurs de la Manche et tout particulièrement de Basse-Normandie.
Faute de l'instauration soit de TAC, soit de mesures appropriées dans une zone centrale « Manche », ce sont demain les espèces les plus fragiles, coquillages, mollusques, crustacés qui seront l'objet d'un véritable pillage.
Je ne citerai pas de noms, pour ne pas nous brouiller avec nos amis et partenaires européens, mais les flottilles de pêche de pays un peu plus au sud, au-delà des Pyrénées, viennent dans nos eaux et, comme elles ne sont pas tenues de respecter les accords locaux, risquent de compléter leurs efforts de pêche en Manche, au détriment de la gestion rationnelle de cette ressource.
C'est la raison pour laquelle je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous procédions au plus vite à la mise en oeuvre de cette zone spécifique « Manche ». La déclaration de Bruxelles du mois de mars 2001 nous y autorise. Je souhaite que notre gouvernement fasse le nécessaire pour que nos pêcheurs puissent être véritablement protégés et respectés.

- page 2366

Page mise à jour le