Question de M. LAURET Edmond (La Réunion - RPR) publiée le 14/06/2001

M. Edmond Lauret attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences financières, familiales et professionnelles que doivent supporter les parents d'un enfant mineur de moins de 15 ans lorsque celui-ci est victime de viol ou d'infractions sexuelles. En effet, si l'article 706-3 du nouveau code de procédure permet l'indemnisation intégrale du préjudice subi en cas de viol ou d'agression sexuelle, la loi ne prévoit à l'heure actuelle que l'indemnisation des atteintes à la personne. Les dommages matériels et financiers ne peuvent donc pas être indemnisés sans modification de la loi. Dans le cas d'une personne majeure, celle-ci peut en effet être dédommagée des frais directement mais lorsqu'il s'agit d'enfant mineur, les frais, perte d'emploi si la situation l'exige, déménagement, d'un ou des parents ne sont pas pris en compte ni par la CIVI ni par le fonds de garantie, lequel statue arbitrairement sur des normes qui sont les suivantes (source Fonds de Garantie 28 mars 2001) : indemnité moyenne pour une tentative de viol en 1999 : 31 136 francs ; idem en 2000 : 30 458 francs ; viol en 1999 : 84 860 francs ; viol en 2000 : 87 138 francs. Ces sommes sont très inférieures aux dédommagements attribués pour des accidents de circulation alors que les conséquences sont énormes voire irréparables. Ces sommes, toutes symboliques et bloquées au nom de l'enfant jusqu'à sa majorité, laissent les parents seuls tenus d'assumer les " dégâts " et leurs conséquences. La famille subit les dommages sans pouvoir être indemnisée. Cette situation est inacceptable d'autant que la situation d'un enfant lourdement agressé nécessite dans tous les cas une assistance et vigilance de tous les instants qui modifient complètement les règles habituelles de la famille. Les dommages et intérêts attribués lors des jugements en cour d'assises, quand le violeur est reconnu coupable, sont symboliques et ne concernent pas les véritables dommages. Il lui demande quelles mesures elle compte mettre en place pour que les dépenses des parents d'enfant mineur soient intégralement remboursées.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 06/09/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'indemnisation des préjudices subis par les victimes mineures d'agressions sexuelles est conforme aux exigences de la solidarité nationale. En effet, ce sont les commissions d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi) qui statuent sur les demandes d'indemnisation des préjudices résultant d'infractions sexuelles. L'indemnité allouée aux victimes est calculée suivant les règles du droit commun de la responsabilité civile et les Civi tranchent le litige conformément aux règles de droit commun. Il convient de rappeler que les Civi sont des juridictions disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation, et que les parties ont la possibilité de faire appel de leurs décisions. Celles-ci s'imposent au fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'infractions (FGTI), qui ne fixe donc pas lui-même les indemnités versées aux victimes. Concernant l'indemnisation des dommages matériels, la jurisprudence exclut du champ d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale les dommages matériels (détérioration de vêtements, d'objets personnels, etc.) que ce soit pour les victimes mineures ou majeures. Cependant, il convient de rappeler que l'indemnisation du préjudice moral est prise en compte et qu'il appartient à la victime particulièrement traumatisée sur un plan psychologique d'en rapporter la preuve afin d'obtenir la prise en charge de soins thérapeutiques spécifiques. Concernant les parents de victimes mineures, la jurisprudence considère que l'angoisse et les souffrances qu'ils ont pu endurer constituent un préjudice qui résulte d'une atteinte directe à leur personne et qui doit être indemnisé au titre du préjudice moral. Les parents d'enfants victimes d'agressions sexuelles sont donc susceptibles d'obtenir une indemnisation pour leur compte devant la Civi. Enfin, le code civil dispose que les pères et mères qui exercent en commun l'autorité parentale ont l'administration et la jouissance des biens de leur enfant. L'indemnité versée à la victime mineure est donc gérée par ses parents sous le régime de l'administration légale pure et simple. Les fonds n'ont donc pas à être placés sur un compte bloqué et leur utilisation n'a pas à être contrôlée par le juge des tutelles. Cependant, il arrive que l'auteur de l'agression sexuelle soit l'un deux parents. Dans ce cas de figure, il est fréquent que cet agresseur soit déchu de l'autorité parentale par la décision pénale. Dans la mesure, où un seul des deux parents est titulaire de l'autorité parentale, le régime de gestion des biens de l'enfant est alors celui de l'administration légale sous contrôle judiciaire, c'est-à-dire que le père ou la mère, titulaire de l'autorité parentale, doit demander l'autorisation du juge des tutelles pour faire les actes de gestion les plus importants.

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Erratum : JO du 27/09/2001 p.3139

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