Question de M. LEGENDRE Jacques (Nord - RPR) publiée le 02/08/2001

M. Jacques Legendre rappelle à Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité que le Conseil européen de Laecken, en décembre 2001, doit adopter des indicateurs communs de pauvreté et d'exclusion sociale, afin de permettre une comparaison des résultats atteints par les Etats membres dans le cadre de la mise en oeuvre des plans d'action nationaux sur l'inclusion sociale. Il se trouve que le programme des Nations unies pour le développement humain (PNUD) publie chaque année un rapport concernant le développement humain sur la planète. Ce rapport contient notamment un indicateur de la pauvreté humaine. Pour les pays développés, ce dernier est dénommé IPH2 et se calcule en fonction de quatre critères (la durée de vie, la connaissance, la pauvreté économique et l'exclusion). Il lui demande si la France envisage de proposer au Conseil européen de Laecken de retenir l'IPH2 pour mesurer la pauvreté en Europe, ce qui pourrait permettre de retenir les mêmes indicateurs de mesure de la pauvreté pour tous les pays du monde en vue de lutter efficacement conte ce fléau aux côtés de l'ONU.

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 20/12/2001

La définition en décembre 2001 par le Conseil européen de Laeken de la liste des indicateurs communs de l'Union européenne en matière de pauvreté et d'exclusion marquera l'aboutissement d'un processus communautaire de détermination d'indicateurs structurels de cohésion sociale et de rapprochement des indicateurs nationaux fournis avec les plans nationaux. L'approche retenue à la suite du sommet de Lisbonne de mars 2000, qui a lancé la stratégie européenne pour l'inclusion sociale, consiste à mesurer la pauvreté et l'exclusion dans toutes leurs dimensions et selon les objectifs européens agréés au Conseil emploi et politique sociale du 17 octobre 2000. D'une part, le comité de la protection sociale, en particulier le sous-groupe indicateurs, s'est appliqué à déterminer une batterie d'indicateurs structurels de cohésion sociale communs à tous les Etats membres. D'autre part, la présentation d'indicateurs adossés au plan français d'action contre la pauvreté et l'exclusion sociale s'inscrit dans le cadre de la méthode ouverte de coordination par laquelle l'Union européenne ambitionne de parvenir à un ensemble d'indicateurs nationaux comparables susceptibles d'apprécier les résultats des politiques et la situation des sociétés européennes. Dans son rapport annuel sur le développement humain, le PNUD s'appuie sur l'indicateur de pauvreté humaine IPH-2 appliqué à certains pays de l'OCDE. Cet indicateur synthétique est élaboré à partir de quatre critères illustrant respectivement les dimensions de la longévité, de l'instruction, de la pauvreté et de l'exclusion professionnelle : 1. La probabilité, à la naissance, de ne pas atteindre 60 ans ; 2. Le pourcentage d'adultes ayant des difficultés à comprendre un texte suivi ; 3. Le pourcentage de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté ; 4. Le taux de chômage de longue durée. La largeur et la précision du champ couvert par les indicateurs structurels et nationaux précités rejoignent l'approche multi-dimensionnelle du PNUD, sans pour autant réduire cette complexité sociale à un indicateur composite de développement humain dont le sens est très variable selon les spécificités nationales à l'échelle de l'Union européenne et a fortiori dans le monde. En effet, les aspects de la pauvreté et de l'exclusion sociale qui sont constitutifs de l'IPH-2 se retrouvent largement dans les indicateurs structurels de cohésion sociale et dans la liste des indicateurs de suivi et d'évaluation du plan français d'action contre la pauvreté et l'exclusion sociale, transmis à la Commission européenne en juin 2001. Parmi les indicateurs structurels de cohésion sociale figurent le taux de chômage de longue durée et la part de la population vivant dans des ménages dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. La fixation de ce seuil, en pourcentage du niveau de vie médian du ménage, constitue d'ailleurs en enjeu majeur des négociations d'harmonisation statistique en Europe. Aux deux autres dimensions de l'IPH-2 répondent des indicateurs de suivi et d'évaluation du plan français d'action contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Il s'agit tout d'abord de l'espérance de vie à 40 ans par catégorie socio-professionnelle et par genre et ensuite du pourcentage de jeunes éprouvant des difficultés de lecture telles qu'elles sont mesurées lors de la journée d'appel et de préparation à la défense. Par rapport à l'IPH-2, l'approche retenue diffère en ce sens que la France s'est attachée à mesurer particulièrement la pauvreté et l'exclusion, ce qui implique une déclinaison selon les types de situations ou les groupes sociaux, là où le développement humain se rapporte plutôt à l'ensemble d'une population nationale dans une perspective comparative. Par exemple, la probabilité à la naissance de ne pas atteindre 60 ans n'a pas la même portée que l'espérance de vie à 40 ans : la première caractérise la longévité de la population dans son ensemble (puisqu'il est impossible de décliner l'indicateur notamment par catégorie sociale) tandis que la seconde permet d'apprécier l'impact de la première moitié de la vie sur la longévité. Tout en intégrant les aspects auxquels est attentif le PNUD, la France a porté son accent sur une appréhension plurielle des phénomènes de pauvreté et d'exclusion au moyen d'un panel complet d'indicateurs (163), notamment en termes de conditions de vie des ménages. Elle favorise en outre le développement d'une capacité de mesure statistique pour des situations encore insuffisamment connues telles que les handicaps, incapacités et dépendance et les conditions d'existence des personnes sans domicile fixe. Elle a également veillé à enrichir certains indicateurs de résultats pour tenir compte des transferts sociaux - c'est le cas pour la pauvreté au sens monétaire - et d'en éclairer d'autres par des indicateurs complémentaires qui sont indispensables à une interprétation correcte des premiers, notamment la part du chômage non indemnisé qui apparaît comme un facteur majeur dans l'évolution du nombre d'allocataires de minima sociaux. En tout état de cause, un indicateur composite n'autorise pas une telle appréhension des phénomènes socio-économiques dans un domaine aussi multi-dimensionnel que la pauvreté et l'exclusion. La France veille à ce que l'ensemble de leurs aspects soit couvert par des indicateurs précis. Dans ce contexte, le processus de Lisbonne qui participe de la construction de l'Europe sociale et l'approche par le développement humain dans le monde qui est celle du PNUD répondent à deux orientations complémentaires mais distinctes dans leur champ comme par leur finalité.

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