Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - RI) publiée le 12/10/2001

Question posée en séance publique le 11/10/2001

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la santé.
En 1984, la gauche déclenchait la « guerre scolaire ». (Exclamations sur les travées socialistes.) Aujourd'hui, dix-sept ans plus tard, le Gouvernement voudrait-il déclencher la « guerre sanitaire » qu'il ne s'y prendrait pas autrement. (M. Signé s'exclame.) L'analogie entre ces deux situations est frappante : vous opposez, en ne les traitant pas avec équité, secteur public et secteur privé.
M. Kouchner ne semble d'ailleurs pas trop aimer l'hôpital privé,...
M. René-Pierre Signé. Oh !
M. Jean-Claude Carle. ... non plus que certains praticiens libéraux ; je ne reprendrai pas les termes dont il a qualifié les dentistes !
C'est à l'asphyxie lente et programmée de la médecine libérale que nous assistons. Et si telle n'est pas l'intention du Gouvernement, c'est pourtant bien à cela que nous risquons d'aboutir : l'hospitalisation privée ne serait alors plus qu'une force d'appoint de l'hospitalisation dans le secteur public.
Les enveloppes annuelles allouées par le Gouvernement à l'hospitalisation privée sont particulièrement faibles depuis plusieurs années. Aujourd'hui, plus de la moitié des 1 300 établissements privés sont dans une situation financière très difficile. Cette situation préoccupante est encore aggravée par la réduction du temps de travail, qui pèse très fortement sur les coûts du secteur privé, où elle s'applique depuis le 1er janvier 2000.
M. René-Pierre Signé. Rien ne lui plaît ! Rien ne lui va !
M. Jean-Claude Carle. En outre, le Gouvernement vient d'annoncer la création de 45 000 postes supplémentaires dans les hôpitaux publics pour faire face aux conséquences du passage aux 35 heures. Les établissements privés redoutent une fuite massive de leur personnel, en particulier des infirmières et des aides-soignantes qui, du fait de cette situation financière très difficile, sont payées 15 % à 20 % de moins que dans le secteur public.
Si la France bénéficie de l'un des systèmes de santé les plus performants au monde, elle le doit à la complémentarité stimulante entre secteur public et secteur privé. L'hospitalisation privée représente 40 % du total des établissements de santé et seulement 12 % des dépenses hospitalières ; elle prend en charge chaque année 30 % des patients, pour un coût inférieur. Dans mon département, 65 % des interventions chirurgicales se font dans le secteur privé.
M. René-Pierre Signé. Et lui, il dépasse son temps de parole !
M. Jean-Claude Carle. Madame la secrétaire d'Etat, il n'y a pas d'avenir pour l'hôpital public sans avenir pour l'hôpital privé. Les deux concourent à la même mission sanitaire auprès de nos concitoyens. C'est à l'ensemble de notre système de soins que vous êtes en train de porter atteinte. Les Français sont attachés à la liberté de choix, garante de la qualité des soins.
M. René-Pierre Signé. C'est un libéral mauvais teint !
M. Jean-Claude Carle. Ma question, madame la secrétaire d'Etat, est très simple : alles-vous prendre des mesures d'urgence en faveur d'une plus grande équité entre l'hôpital public et l'hôpital privé ? Allez-vous proposer l'enveloppe de rééquilibrage qui s'impose et que l'on peut estimer à 6 milliards de francs ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Logement publiée le 12/10/2001

Réponse apportée en séance publique le 11/10/2001

Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Bernard Kouchner, retenu en province par une réunion importante.
Le Gouvernement est conscient de la situation de l'hospitalisation privée. Ce secteur joue effectivement un rôle important dans la réponse aux besoins de la population, et la diversité croissante des missions qui lui sont confiées en tant qu'établissement de santé privé par les agence régionales de l'hospitalisation, en application d'ailleurs des schémas régionaux d'organisation sanitaire, le montre très clairement.
L'extension à ces établissements de la prise en charge de l'urgence est particulièrement symbolique, non seulement de l'implication de ces établissements dans la prise en charge sanitaire de nos concitoyens au quotidien, mais aussi de la reconnaissance de leur complémentarité par rapport au secteur public.
Dans ces circonstances, l'action du Gouvernement vise à prendre en compte la situation effective, sur un plan économique, des établissements de santé privés : un fonds de modernisation pour les cliniques privées a été mis en place et accompagne des opérations de modernisation de ce secteur. La dotation de ce fonds a été portée à 150 millions de francs en 2001 et sera maintenue à ce niveau pour 2002.
Par ailleurs, pour la première fois, le taux d'augmentation pour 2001 de l'objectif quantifié national, le fameux OQN, a été fixé à un niveau équivalent à celui des établissements publics, soit une progression de 3,3 %, ce qui montre bien, monsieur le sénateur, la complémentarité effective des secteurs public et privé, et l'attachement du Gouvernement à traiter ces derniers de façon égale.
Sur cette base, un accord a été signé le 4 avril dernier avec les fédérations de cliniques privées, accord qui détermine les taux de progression pour 2001 des tarifs de ce secteur. Il intègre une enveloppe de 600 millions de francs pour les augmentations générales, soit une hausse moyenne des tarifs de 2,30 %, et une autre enveloppe de 600 millions de francs pour des augmentations plus ciblées, ce qui va porter l'augmentation totale à près de 4 %. L'accord prend en compte le financement des augmentations de salaire des différentes catégories de personnels des établissements de santé privés et s'inscrit dans un cadre pluriannuel visant à assurer la cohérence entre les rémunérations des différents services des secteurs de l'offre hospitalière. Il n'est évidemment pas souhaitable qu'il y ait de grandes distorsions sociales entre les condition sociales des infirmières, des salariés et des médecins dans les différents secteurs. C'est donc tout l'objet de cet accord de permettre progressivement une harmonisation.
Cet accord vise donc à renforcer la complémentarité entre les secteurs public et privé. Il met en place le financement des activités d'urgence dans les établissements privés nouvellement autorisés - une centaine environ - en application des schémas régionaux d'organisation sanitaire.
Pour 2002, le taux de progression de l'OQN a été fixé à 3,5 %, confirmant la volonté du Gouvernement de poursuivre l'effort en faveur de ce secteur. De plus, comme vous le savez, le Gouvernement a annoncé au cours de l'été un certain nombre de mesures visant à renforcer les moyens des services d'obstétrique. S'agissant des cliniques privées, il a été décidé de créer un forfait naissance destiné à rémunérer la prise en charge des nouveau-nés au sein des établissements. Son montant initial sera de 660 francs et sera porté en trois ans à 1 320 francs.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement pense que la complémentarité entre le secteur public et le secteur privé est tout à fait importante pour notre service de santé. Je dois d'ailleurs dire que, à Toulouse, nous avons observé la mobilisation conjointe des établissements publics et privés qui ont su, dans des circonstances exceptionnelles, montrer une même compétence et une même solidarité à l'égard de nos concitoyens.

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