Question de M. SIDO Bruno (Haute-Marne - RPR) publiée le 08/11/2001

M. Bruno Sido appelle l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'industrie sur la mise en application de la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs. Celle-ci, dans son article 4 prévoit, d'une part, que des travaux devront être menés simultanément pour conduire entre autres une " étude sur les possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ". Laboratoires souterrains figurant au pluriel, il devrait y en avoir au moins deux. Or, à ce jour, un seul est en fonctionnement. D'autre part, à l'article 4 toujours, il est précisé que : " A l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la promulgation de ladite loi, ce qui nous amène à décembre 2006, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d'évaluation sur ces recherches, accompagné d'un projet de loi autorisant le cas échéant la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, et fixant le régime des servitudes et des sujétions afférentes à ce centre ". Or, M. le secrétaire d'Etat n'est pas sans savoir qu'à ce jour ces travaux n'ont toujours pas démarré et que les recherches ne commenceront pas, en tout état de cause, avant 2003 voire 2004. Son constat est donc le suivant : ce texte de loi n'est actuellement pas respecté (un seul laboratoire est en fonctionnement) ; ce texte de loi est inapplicable ; le retard considérable pris dans les recherches rend impossible la remise d'un rapport sur des travaux qui n'auront commencé que trois ans plus tôt et impensable l'élaboration d'un nouveau dispositif légal en 2006 dans ce domaine encore mal exploré. Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte prendre afin de remédier à cette situation.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 19/12/2001

Réponse apportée en séance publique le 18/12/2001

M. Bruno Sido. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ma question concerne la mise en application de la loi Bataille du 30 décembre 1991, relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs issus de l'usine de retraitement de la COGEMA, au cap de la Hague.
Cette loi dispose, en son article 4, que trois axes de recherche doivent être poursuivis : l'axe 1 concerne la séparation-transmutation des éléments radioactifs ; l'axe 2 a trait à l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans des couches géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ; l'axe 3 concerne le conditionnement et l'entreposage de longue durée en surface.
Si les recherches sur l'axe 3 semblent avancer, il n'en est pas de même, me semble-t-il, pour les axes 1 et 2.
Pour ce qui est de l'axe 1, depuis 1991, les recherches concernant la séparation progressent puisque les chimistes savent aujourd'hui séparer les trois actinides mineurs que sont le neptunium, l'américium et le curium.
Cependant, du fait des décisions prises par le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, les recherches sur la transmutation ne progressent pas. En effet, la centrale surgénératrice de 1 200 mégawatts, dite Superphénix, est en cours de démantèlement.
La remise aux normes - sismiques, en particulier - de la vétuste centrale Phénix, à Cadarache, qui coûtera 1 milliard de francs, n'est toujours pas terminée et l'on prévoit sa remise en route, pour quatre ans, en juin 2002, après les élections, bien entendu.
Les recherches concernées par l'axe 2, sur lequel porte ma question, ne progressent pas ou progressent peu : d'une part, le premier laboratoire, qui sera situé, dans le département de la Meuse, en couche argileuse profonde, dans le callovo-oxfordien, à cinq cents mètres de profondeur, n'est toujours pas en activité. Il le sera au plus tôt en 2004.
Par ailleurs, la loi Bataille disposant qu'il faut au moins deux laboratoires, le second site n'est toujours pas trouvé.
Je précise qu'il s'agit bien de poursuivre des recherches en couche géologique profonde, et non pas en sub-surface, et que le comité interministériel du 2 février 1998 avait bien confirmé la nécessité de travailler sur deux sites, l'un argileux, l'autre granitique.
Je relève également que le rapport remis au Gouvernement en juin 2000 par la mission collégiale de concertation Granite dresse un constat d'échec, puisque les concertations nécessaires pour trouver un nouveau site d'implantation n'ont pas pu être engagées.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'Etat, votre collègue M. Pierret a rappelé encore très récemment - c'était le 6 novembre 2000, devant une commission du Sénat - « l'absolue nécessité de la construction de ce deuxième laboratoire souterrain ».
Je souhaiterais donc savoir quelles mesures vous entendez prendre pour concrétiser toutes ces déclarations d'intention. De plus, ces dispositions doivent être non seulement concrètes mais également rapides, puisque la loi Bataille a prévu une deuxième étape législative à l'issue de l'étape de recherche, dont l'échéance est fixée à 2006.
Un rapport global d'évaluation de ces recherches devra être adressé par le Gouvernement au Parlement, assorti d'un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, de type B et C.
Mon constat est donc le suivant : la loi n'est pas applicable - les délais sont trop courts, l'échéance est en 2006 - et non appliquée, car trop peu de recherches sont menées sur la transmutation et un seul site est retenu pour l'instant.
Pensez-vous que l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, et le CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, seront en mesure, par le biais de la CNE, la Commission nationale d'évaluation, de fournir au Gouvernement et au Parlement un rapport suffisamment circonstancié pour que l'exécutif puisse proposer au Parlement un projet de loi concernant ces déchets, ou pensez-vous que les recherches devront être poursuivies en tenant compte des résultats obtenus par la recherche sur ces trois axes ?
Par ailleurs, à titre subsidiaire, croyez-vous que la loi soit le bon outil pour définir et préciser les programmes de recherche à intervenir ? Convenons que cela constitue une grande première, pour le plus grand étonnement des chercheurs !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Patriat, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation. Monsieur le sénateur, je vais répondre à la place de mon collègue et ami Christian Pierret à la question éminemment sensible que vous avez posée. Le Gouvernement y travaille, croyez-le !
En ce qui concerne l'axe 2 de la loi du 30 décembre 1991, le Gouvernement a décidé, fin 1998, l'installation d'un premier laboratoire de recherche scientifique en Meuse - Haute-Marne sur un site argileux. La construction de ce laboratoire est en cours et certaines expérimentations ont déjà pu débuter dans le cadre du creusement des puits d'accès au futur laboratoire.
Quant au second laboratoire prévu par la loi - puisque celle-ci utilise le pluriel - il me semble utile de revenir sur l'apport de la mission de concertation dite « Granite ».
Les missionnaires, MM. Boisson, Huet et Mingasson ont rendu leur rapport le 27 juillet 2000 aux ministres chargés de l'environnement, de la recherche et de l'industrie. Ce rapport fait apparaître que les conditions d'acceptabilité locale ne sont pas réunies pour que l'ANDRA puisse être autorisée par le Gouvernement à effectuer des travaux de reconnaissance géologique sur un ou plusieurs sites, en vue d'établir des dossiers de demande d'installation d'un laboratoire de recherche.
Dans cette optique, l'ANDRA poursuit des études visant à la caractérisation des massifs granitiques français afin, en quelque sorte, de « dégrossir » les concepts de stockage les plus adaptés à cette géologie. Ces études, pour l'instant sur le papier, s'appuieront également sur les travaux réalisés par l'ANDRA dans des laboratoires de recherche à l'étranger, en coopération avec ses homologues.
En conclusion, le Gouvernement entend que soit recueilli le maximum de données sur deux sites différents afin que, dans le respect des dispositions de loi, un choix soit offert au législateur en 2006. Le respect de cette échéance pour les trois voies de recherche est un objectif fort du Gouvernement, qui l'a signalé tant à l'ANDRA qu'au CEA dans leur nouveau contrat pluriannuel avec l'Etat.
A cinq ans de l'échéance fixée par la loi, il apparaît que les résultats obtenus pour chacun des sites géologiques étudiés n'auront pas le même degré d'avancement compte tenu du décalage dans la construction des laboratoires souterrains. C'est pourquoi il conviendra, sans repousser l'échéance fixée par la loi pour l'examen parlementaire, que le rapport remis au Parlement fasse apparaître clairement les acquis comme les domaines encore insuffisamment explorés. Le Parlement appréciera alors s'il est ou non justifié de poursuivre les recherches dans certaines directions précises. Mais l'objectif et la motivation du Gouvernement, je le répète, restent d'appliquer la loi, et donc d'apporter au Parlement le maximum de résultats d'ici à la fin de l'année 2006.
Les chercheurs ne peuvent s'étonner, dans un domaine aussi sensible, qu'il soit demandé au politique de prendre des décisions, puisque c'est à lui qu'il revient, après s'être informé auprès des scientifiques, de prendre la décision finale.
M. Bruno Sido. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Sido.
M. Bruno Sido. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, mais permettez-moi d'attirer votre attention sur deux points.
Premièrement, la loi Bataille, votée en 1991, disposait que la restitution aurait dû être faite en 2006. Le temps a passé, et le délai nécessaire à la recherche dans le site choisi pour l'instant sera très bref. Et, pour ce qui est du second site, les recherches n'ont pas démarré, puisqu'il n'a pas été retenu. Par conséquent, je n'imagine pas que le Gouvernement puisse, en 2006, présenter au Parlement un rapport circonstancié permettant d'apporter des solutions concrètes et précises à ce problème. J'ai toutefois bien noté qu'il avait l'intention de respecter la loi.
Deuxièmement, pour l'instant, toute la pression psychologique repose sur les épaules d'une seule population, sur un seul site. De la sorte, ceux qui voient le laboratoire se construire - il n'est toujours pas construit, il le sera en 2004 - supportent difficilement cette situation. Par conséquent, je demande au Gouvernement de choisir le plus rapidement possible un site en couche géologique granitique afin que ce ne soient pas toujours les mêmes qui portent ce fardeau sur leurs épaules.

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