Question de M. DEMERLIAT Jean-Pierre (Haute-Vienne - SOC) publiée le 15/11/2001

M. Jean-Pierre Demerliat attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur certaines conséquences de l'application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbains, notamment dans les petites communes, en matière d'urbanisme. Si, sur le fond, il ne fait aucun doute que les dispositions nouvelles simplifient des procédures parfois très lourdes, dans la pratique leur mise en oeuvre soulève parfois des difficultés. En particulier, l'instauration d'une participation pour voies nouvelles et réseaux inquiète bon nombre de maires de petites communes. D'une part, il n'est pas possible de dissocier le financement des réseaux de celui de la voirie. Dans beaucoup de communes, seule une extension des réseaux serait nécessaire pour permettre des constructions nouvelles. D'autre part, les communes devront assurer le préfinancement de ces voies et réseaux, qui sont nécessaires pour obtenir les autorisations de construire. Cela risque fort de pénaliser lourdement les budgets, déjà modestes, des petites communes et cela pourrait, à moyen terme, bloquer leur développement. Il souhaiterait donc savoir quels aménagements pourraient être apportés pour que les nouvelles dispositions de cette loi permettent un développement harmonieux des zones rurales.

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Transmise au ministère : Logement


Réponse du ministère : Logement publiée le 20/02/2002

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2002

M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, du 13 décembre 2000, a profondément rénové le code de l'urbanisme, afin de promouvoir sur l'ensemble du territoire un développement durable et cohérent. Elle apporte des réponses aux évolutions de ces dernières années et à certains problèmes qui en sont résulté.
Si, sur le fond, il ne fait aucun doute que les dispositions nouvelles simplifient des procédures qui étaient parfois très lourdes, dans la pratique, il arrive que les choses soient plus compliquées que nous ne le pensions lorsque nous avons voté ce texte.
Ainsi, l'instauration éventuelle par le conseil municipal de la participation pour le financement des voies nouvelles et de leurs réseaux, qui remplace l'ancien système de participation au financement de services publics industriels et commerciaux, n'est pas sans induire des difficultés qui n'ont pas été identifiées au moment de l'élaboration du texte.
Avant la loi SRU, le certificat d'urbanisme et le permis de construire ne pouvaient être attribués à un pétitionnaire que si celui-ci s'engageait à prendre à sa charge l'ensemble des frais d'extension des réseaux divers.
Maintenant, la participation du premier constructeur n'est due qu'au prorata du nombre de ses terrains viabilisés, la collectivité faisant en quelque sorte l'avance du reste du financement, y compris pour des terrains qui ne seront jamais construits, voire jamais constructibles, ne serait-ce que pour des raisons physiques : étangs, bois, etc.
Théoriquement, cette mesure introduit une amélioration importante, mais, dans la pratique, sa mise en oeuvre est parfois délicate, plus particulièrement dans les petites communes rurales. En effet, lorsqu'une commune envisage une importante opération d'urbanisation comprenant de nombreuses constructions, elle ne devrait avoir aucun problème pour récupérer la participation auprès des propriétaires. Mais les choses se compliquent lorsqu'une petite commune souhaite autoriser des constructions à la limite et en continuité d'un bourg ou d'un hameau.
Les projets de construction, qui concernent le plus souvent des maisons individuelles, se font au coup par coup. Dans ce cas, madame la secrétaire d'Etat, l'extension des voies et réseaux viabilisera aussi, de fait, plusieurs parcelles voisines, qui deviendront ainsi constructibles.
Mais, comme je viens de le dire, l'expérience montre que, dans les petites communes rurales, les constructions nouvelles s'échelonnent dans le temps, l'une après l'autre. En outre, les propriétaires, souvent des exploitants agricoles de ces parcelles nouvellement viabilisées, ne souhaitent pas toujours les destiner immédiatement à la construction, préférant les conserver dans le périmètre de leurs exploitations.
Dès lors, la participation demandée au premier constructeur est loin de correspondre à la totalité des investissements exposés par la collectivité. Souvent même, l'investissement à la charge de la commune ne sera pas compensé par les avantages financiers que celle-ci retirera d'une ou deux constructions nouvelles.
De plus, dans de nombreux cas, seule une extension des réseaux serait nécessaire pour permettre des constructions nouvelles. Or, d'après les nouveaux textes, il n'est pas permis de dissocier voirie et réseaux dans la demande de participation adressée au pétitionnaire. Les communes sont donc obligées de faire effectuer des travaux qui sont loin d'être indispensables dans leur totalité. Par conséquent, d'une part, elles financent un investissement superflu ; d'autre part, elles demanderont aux constructeurs une participation à des travaux qui n'ajouteront rien à la viabilité du terrain, ce qui ne participe pas d'une très saine économie.
Madame la secrétaire d'Etat, tels sont les problèmes auxquels sont confrontées nombre de communes, en particulier les petites communes rurales. Bien évidemment, je ne vous demande pas de leur trouver une solution aujourd'hui même, puisqu'il faudra nécessairement les étudier avant de tenter de les régler par voie réglementaire ou législative. Mais votre engagement et celui du Gouvernement d'examiner et de résoudre ces difficultés dans un délai relativement court seraient de nature à rassurer l'élu rural que je suis et, bien évidemment, l'ensemble des élus ruraux de notre pays.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est délicate parce que les habitudes changent. Il est donc nécessaire de bien s'expliquer sur les termes de la loi et sur sa mise en oeuvre.
Tout d'abord, je vous rappelle que si, par le passé, certaines collectivités locales mettaient à la charge du premier propriétaire bénéficiaire le coût de l'aménagement d'un réseau d'électricité ou d'eau, c'était totalement illégal. Du reste, chaque fois que l'un des propriétaires intentait une action contre le maire, celui-ci était systématiquement condamné, car, aux termes de la loi, les communes ne pouvaient demander une participation qu'au prorata des terrains concernés par l'aménagement. C'est d'ailleurs ce qui nous a conduits à clarifier les termes de la loi. A cette fin, nous avons utilisé une méthode qui existe en Alsace-Lorraine et qui semble donner entière satisfaction. Il ne paraît donc pas difficile de l'étendre à l'ensemble du territoire. Il importe néanmoins de bien s'expliquer sur la méthode retenue afin que les difficultés que vous dénoncez ne se retrouvent pas dans les faits.
Le principe est de permettre à chacune des communes de prévoir, par une délibération du conseil municipal, quels seront les aménagements en matière de voirie, de réseaux et d'assainissement rendant constructibles un ou plusieurs terrains. Avant de délivrer le permis de construire, le conseil municipal délibère pour préciser l'ensemble des mécanismes qui permettront une insertion normale de la nouvelle construction dans le village concerné. Ce système s'inspire des procédures des zones d'aménagement concerté, ou ZAC, et des programmes d'aménagement d'ensemble, ou PAE, qui existent en zones urbaines. Après avoir déterminé les aménagements, la commune demande à chaque propriétaire une contribution calculée au prorata desdits aménagements. Les propriétaires qui le souhaite peuvent apporter leur contribution dès le début de l'opération. Sinon, ils ne seront sollicités qu'au moment du permis de construire ou de la réalisation de l'aménagement.
Peut-être pourriez-vous craindre, monsieur le sénateur, d'avoir à financer d'emblée l'ensemble des aménagements envisagés, même s'ils ne sont pas tous nécessaires immédiatement, par exemple s'il s'agit simplement d'une maison ou d'une réalisation. La loi ne prévoit pas l'obligation de réaliser l'intégralité des travaux tout de suite. Vous pouvez simplement élaborer un plan de financement qui englobe l'ensemble des aménagements de voirie et d'assainissement. D'ailleurs, les problèmes d'assainissement imposent souvent une réfection de la voirie. En fait, c'est comme pour les droits à construire dans les zones d'aménagement concerté : l'ensemble des travaux doit être achevé lorsque la commune a touché toutes les participations, mais rien ne l'empêche de prévoir une participation sur un équipement d'ensemble pour financer les réseaux d'eau et d'électricité.
Par conséquent, les communes ne sont pas obligées de préfinancer des équipements de voirie et de réseaux sur-dimensionnés, qui ne seraient pas indispensables au démarrage de la première opération.
Je vous rappelle par ailleurs, monsieur le sénateur, que les collectivités peuvent bénéficier de nombreuses subventions, notamment du fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE, et du fonds d'amortissement des charges d'électrification, le FACE, qui permet d'apporter une aide pour l'ensemble des réseaux.
Cette méthode présente l'immense avantage de remettre la procédure dans un cadre légal, puisque le législateur ne pouvait pas imposer au premier propriétaire des charges supérieures à ce qu'il était légitime de lui demander. En outre, elle place les communes rurales en situation de pouvoir véritablement prendre en compte les aménagements nécessaires, car vous conviendrez que leur développement doit s'effectuer conformément à la qualité attendue en termes à la fois de dessertes, d'assainissement et de réseaux.
Les directions départementales de l'équipement doivent s'attacher à rendre plus clair aux yeux des élus locaux le mécanisme que je vous ai décrit. Ce sera le premier effort à accomplir.
Enfin, je me tiens à votre disposition, monsieur le sénateur, si, en dépit de ces explications, vous éprouviez des difficultés à mettre en oeuvre un aménagement durable dans un certain nombre de communes.
M. le président. C'est bigrement compliqué, et Mme le secrétaire d'Etat vient de nous faire une démonstration éclatante de sa technicité ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Demerliat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. A l'évidence, la loi SRU constitue une avancée par rapport au dispositif antérieur. Toutefois, dans les petites communes rurales, s'agissant des travaux nécessaires à la viabilisation d'un terrain - terrain qui avait souvent au préalable une vocation agricole et qui devient constructible -, certains propriétaires bénéficient d'un effet d'aubaine, car le paysan qui possède un terrain au milieu du plateau de Millevaches aura peu d'occasions de le transformer en terrain à construire et d'alimenter ainsi son compte au Crédit agricole ! Il n'empêche que la commune fait l'avance des fonds. Elle sert, en quelque sorte, de banquier à des personnes qui ont déjà bénéficié d'un effet d'aubaine.
Cette loi représente, certes, une avancée, mais il faudra en évaluer les conséquences dans quelque temps. Il n'y a aucune honte, bien au contraire, à modifier un texte, soit par voie réglementaire, soit par voie législative.
Les grandes communes ou les communes moyennes ne rencontrent pas ces problèmes. Mais les petites communes doivent nécessairement augmenter leur population en périphérie du bourg, du village ou du hameau. Cette loi permet de réduire le mitage, mais, là, il s'agit d'accroître la zone habitée en périphérie de bourg.
Je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées, madame la secrétaire d'Etat. Je prendrai contact avec vos services dès que des difficultés apparaîtront dans les communes de mon département. Mais il faudra que nous reparlions de ces problèmes dans quelques mois - j'espère que ce sera avec vous - à la prochaine rentrée parlementaire.

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