Question de M. LARDEUX André (Maine-et-Loire - RPR) publiée le 24/01/2002

M. André Lardeux appelle l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale suite au débat sur la loi de démocratie de proximité au cours duquel son collègue, ministre de l'intérieur, a indiqué que les problèmes soulevés par l'application de la loi Falloux relèvent de sa compétence. Les commissions de sécurité exigent la mise aux normes des collèges. Pour les collèges publics, les travaux sont pris en charge par la collectivité. Pour les collèges privés, la loi Falloux limite le montant de la subvention. Or, le coût de ces travaux est très élevé. Aussi, en Maine-et-Loire, se sont-ils tournés vers le département. Le conseil général, à l'unanimité de ses membres (socialistes compris), a voté une aide. La délibération a été annulée par le tribunal administratif de Nantes et l'appel est en cours. Les familles considèrent cette situation comme inéquitable, ce qui semble justifié dans la mesure où ces établissements concourent au service public de l'éducation et où tous les jeunes de ce pays ont droit aux mêmes garanties de sécurité. Ce sentiment est accentué par le manque de logique qui permet de subventionner une entreprise privée ou un établissement social, même congréganiste. On objecte souvent que les établissements ont la possibilité de recourir à la garantie des emprunts, ce que ces collectivités font, ce qui ne fait que déplacer le problème. Aussi, il lui demande quelles sont les possibilités qu'il y a de mettre fin à cette situation et quelles initiatives il envisage de prendre ? Si la situation économique de l'organisme gestionnaire contraint à la mise en oeuvre de la garantie, que se passe-t-il si le montant des paiements est supérieur au plafond fixé par la loi ?

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 20/02/2002

Réponse apportée en séance publique le 19/02/2002

M. André Lardeux. Comme vous, monsieur le président, je regrette que M. le ministre de l'éducation nationale ne soit pas présent, mais cela me donne le plaisir de voir M. le secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Peut-être existe-t-il des vases communicants entre les anciens combattants et l'éducation nationale ? (Sourires.)
Je veux évoquer à nouveau les problèmes soulevés par l'application de la loi Falloux, c'est-à-dire l'article L. 151-4 du code de l'éducation.
Les établissements privés sous contrat concourent au service public de l'éducation, mais manquent de moyens, alors qu'ils sont soumis aux mêmes obligations que les établissements publics. Cela concerne notamment la sécurité. Les normes sont de plus en plus contraignantes, et, en tout état de cause, elles n'existaient pas lors du vote de la loi Falloux en 1850.
La commission de sécurité exige la mise aux normes des établissements, en particulier pour les collèges. Pour les collèges publics, les travaux sont pris en charge par les départements, comme il se doit, et plutôt bien depuis les lois de décentralisation ; mais, pour les collèges privés, la loi Falloux limite le montant de la subvention à 10 % du budget global de ces établissements. Or, le coût des travaux est très élevé, alors que les organismes de gestion ont déjà des difficultés à faire face aux dépenses courantes.
Aussi, comme ce fut le cas en Maine-et-Loire et dans d'autres départements, ces collèges se sont tout naturellement tournés ves les départements. En Maine-et-Loire, le conseil général, à l'unanimité de ses membres, groupe socialiste compris - cela prouve bien qu'il ne s'agit pas d'un débat opposant la droite et la gauche - a voté le principe d'une aide substantielle pour les seuls travaux de sécurité. La délibération a été annulée par le tribunal administratif de Nantes avec une célérité que je ne lui connaissais d'ailleurs pas, et l'appel est en cours. Les familles considèrent cette situation comme inéquitable, ce qui semble justifié dans la mesure où tous les jeunes de ce pays ont droit aux mêmes garanties de sécurité.
Ce sentiment est accentué par le manque de logique de notre législation, qui permet de subventionner une entreprise privée ou un établissement social même congréganiste.
Dans ces conditions, ne faut-il pas dépasser les vieilles oppositions ? N'est-il pas temps de repenser la laïcité à la lumière des attentes de la société du xxie siècle ? Aussi, j'aimerais savoir quelles initiatives M. le ministre de l'éducation nationale est prêt à prendre pour remédier à cette situation d'un autre âge. Je suis convaincu que le responsable de l'Etat qui débloquera ce problème fera oeuvre utile en permettant, dans des limites que la loi doit fixer, de mieux prendre en compte les attentes des familles. En effet, ces établissements n'ont rien d'élitiste quand on observe le niveau social moyen des élèves accueillis. De plus, cette aide aux travaux de sécurité n'entraînerait aucun accroissement d'un patrimoine privé puisqu'il s'agit d'intervenir sur des bâtiments existants et non de procéder à l'extension de surfaces déjà construites.
J'ajoute à ma question un élément sur lequel j'attends une réponse précise que les services du ministère de l'éducation nationale s'obstinent à ne pas donner. Sans doute vais-je m'entendre répondre que les organismes de gestion peuvent obtenir des garanties d'emprunt des collectivités locales, ce qui est exact. Mais si la situation financière de l'établissement le contraint à la mise en jeu de la garantie, les sommes versées dans ce cas par la collectivité doivent-elles être limitées aux 10 % fixés par la loi Falloux ? Que peut-on faire si leur montant excède les 10 % en question du fait du volume de l'emprunt garanti ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jacques Floch, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, sans doute avez-vous remarqué que, du fait de la douceur angevine, le sectarisme est absent du conseil général de Maine-et-Loire, ce dont je me félicite. (Sourires.)
La sécurité dans les établissements scolaires est évidemment une question d'intérêt majeur. Les établissements d'enseignement privés sont soumis aux mêmes normes de sécurité que les établissements publics. Les élèves, qu'ils soient scolarisés dans le secteur public ou dans le secteur privé, ont le même droit à bénéficier des conditions de sécurité maximales. Ainsi, toute ouverture d'un établissement privé est soumise au contrôle préalable des inspecteurs d'hygiène et de sécurité.
Les travaux de mise aux normes de sécurité des établissements scolaires, notamment des collèges publics et privés sous contrat, sont des opérations d'investissement qui doivent s'inscrire dans le cadre de la législation existante. Cette législation diffère selon qu'il s'agit de l'enseignement public ou de l'enseignement privé.
Dans l'enseignement public, c'est le département qui a la charge des collèges publics et, en conséquence, en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations et l'équipement, ainsi que le fonctionnement, à l'exception des dépenses pédagoqiques à la charge de l'Etat.
Quant aux collèges privés, ils sont fondés et entretenus par des particuliers ou des associations. Il appartient donc aux propriétaires privés de financer les travaux nécessaires à la mise aux normes de sécurité.
La législation permet aux collectivités locales d'intervenir sous différentes formes et sous certaines conditions.
Tout d'abord, le département a la faculté d'attribuer aux collèges privés des locaux et une subvention, sans que cette dernière puisse excéder le dixième des dépenses annuelles de l'établissement.
Cette participation financière autorisée peut être affectée, entre autres, à la réalisation d'investissements, notamment dans le domaine de la sécurité.
L'attribution d'une subvention ou d'un local est soumise à l'avis préalable du conseil académique de l'éducation nationale. Cet avis porte sur l'opportunité des subventions proposées.
Par ailleurs, l'Etat et les collectivités territoriales peuvent garantir les emprunts auxquels recourent les établissements d'enseignement privés.
Depuis 1964, l'Etat peut accorder sa garantie aux emprunts émis par des groupements ou associations à caractère national pour financer la construction, l'acquisition et l'aménagement de locaux d'enseignement utilisés par les établissements privés. Plus précisément, les travaux financés au moyen d'emprunts garantis par l'Etat doivent avoir pour objet soit l'extension, le premier équipement ou les grosses réparations de locaux d'enseignement existants, soit la construction et l'aménagement de nouveaux locaux d'enseignement. Les demandes de garantie de l'Etat sont soumises à l'instruction d'une commission interministérielle, et la garantie de l'Etat est accordée par arrêté du ministre chargé des finances.
Cette faculté de garantir les emprunts a été étendue en 1986, aux communes pour les écoles, aux départements pour les collèges et aux régions pour les lycées, au profit des groupements ou associations à caractère local. Depuis 1986, les collectivités territoriales peuvent donc garantir les emprunts contractés par les organismes de gestion, notamment pour le financement de travaux de mise aux normes de sécurité. Les garanties d'emprunts qui sont allouées peuvent couvrir tout ou partie des emprunts. Cette forme d'aide présente des avantages incontestables : elle est autorisée sans ambiguïté par la loi ; c'est une procédure simple, et elle n'implique aucun décaissement pour la collectivité locale.
Enfin - et je répondrai ainsi à votre question précise, monsieur le sénateur - en cas de défaillance de l'organisme gestionnaire de l'établissement privé pour rembourser le prêt, la collectivité territoriale qui a accordé la garantie doit rembourser à l'établissement emprunteur la partie de l'emprunt qui a été couverte par la garantie. En effet, la loi Falloux ne s'appliquant qu'aux subventions et non aux garanties d'emprunt, il n'y a pas lieu d'appliquer ici la règle du plafonnement au « dixième des dépenses annuelles de l'établissement ».
Il n'est pas envisagé, pour l'instant, de modifier la législation en vigueur.
M. le président. La loi Astier permet davantage, heureusement d'ailleurs !
M. André Lardeux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux. On peut effectivement citer la loi Astier pour l'enseignement technique, ou même la loi Rocard pour l'enseignement agricole. Il faudrait bien, d'ailleurs, que les trois ordres d'enseignement soient mis sur le même plan.
Le propos de M. le secrétaire d'Etat ne me satisfait guère, car il ne portait que sur la législation existante. Je note toutefois que, pour la première fois, une réponse précise est apportée quant à l'application des 10 % dans le cadre de la mise en jeu des garanties d'emprunt. Je ne sais pas s'il s'agit là d'une évolution de la position du ministère de l'éducation nationale. Mais, si tel est le cas, il faut aller encore plus loin. En effet, l'immobilisme et le refus de voir les problèmes ne peuvent résoudre les difficultés qui ne manqueront pas de se poser à nous. Nous n'échapperons donc pas à un grand débat sur l'éducation nationale et, au sein de ce dernier, à une discussion sur la place respective des différents ordres d'enseignement que sont l'enseignement public et l'enseignement associé au service public, c'est-à-dire l'enseignement privé sous contrat.

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