Question de M. BILLARD Joël (Eure-et-Loir - RI) publiée le 31/01/2002

M. Joël Billard appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des avocats. Ceux-ci faisaient part, il y a un an, de leur exaspération face à l'inertie des pouvoirs publics, en matière d'aide juridictionnelle. Le Gouvernement avait alors annoncé qu'il allait présenter un avant-projet de loi sur la réforme de l'aide juridictionnelle et de l'accès aux droits ainsi que les décrets d'application, avant septembre 2001 au plus tard. Sans fait nouveau, la conférence des bâtonniers décidait une nouvelle mobilisation et le ministère de la justice établissait un avant-projet de loi sans projet de décret. Or le constat dressé par les avocats est que ce texte présente des dispositions absolument inacceptables, portant atteinte à leur indépendance - en outre, il ne fournit aucun élément sur les modalités de leur rémunération. De plus, dans le rapport Bouchet, relatif à la situation de l'aide juridictionnelle, il est fait référence aux compagnies d'assurance " protection juridique " afin de permettre parmi d'autres moyens, l'accès au droit. Les avocats craignent, que, à moyen terme, les particuliers soient incités par l'Etat à souscrire des contrats d'assurances et que ces compagnies d'assurances exigent une limitation du montant de la rémunération des avocats. Il en résulterait que, à moyen terme, 80 % des avocats seraient dépendants de l'Etat ou des compagnies d'assurances. En conséquence, il lui demande donc de bien vouloir lui indiquer les intentions du Gouvernement en la matière.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/05/2002

La garde des sceaux, ministre de la justice, assure l'honorable parlementaire de l'attention qu'elle porte aux préoccupations exprimées par les avocats qui oeuvrent dans le cadre de l'aide juridique afin de permettre aux citoyens un égal accès au droit et à la justice. Elle s'est engagée, aux termes du protocole d'accord signé le 18 décembre 2000 avec les organisations professionnelles représentant les avocats, sur des actions immédiates ainsi que sur la refonte du système de l'aide juridique. Cet accord a été respecté sur les deux points. En premier lieu, les engagements financiers sont réalisés : la gratuité de la copie des pièces pénales est entrée en vigueur dès 2001 et la rémunération de l'aide à l'intervention de l'avocat qui assiste le détenu au cours de la procédure disciplinaire en relation avec sa détention est prévue dans la loi de finances n° 2001-1275 pour 2002 du 28 décembre 2001. Cet accord a prévu, également au titre de l'aide juridictionnelle, une revalorisation importante des barèmes de rétribution des avocats dans les procédures les plus fréquemment couvertes par l'aide juridictionnelle ; pour 2001 et 2002, cette mesure représente un effort budgétaire de 53,36 millions d'euros (soit 350 millions de francs), ce qui représente 60 % de progression des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle de 1997 à 2002 et une augmentation de la rétribution des avocats de 25 % en moyenne. En second lieu, la refonte de l'aide juridique a fait l'objet d'un projet de loi déposé le 20 février dernier sur le bureau du Sénat, à l'élaboration duquel ont été associées les organisations professionnelles représentant les avocats. En effet, à la suite du dépôt, le 10 mai 2001, du rapport de la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice, présidée par M. Paul Bouchet, président d'ATD-Quart Monde, des réunions de travail ont été organisées avec la profession sur les propositions émises par la commission. La discussion a été ouverte dans le cadre de groupes de travail organisés au cours des mois de juin et juillet, autour de cinq thèmes : qualité et information, rémunération, simplifications administratives, questions institutionnelles et assurance de protection juridique. Chacun des partenaires devait déposer une contribution écrite afin que celle-ci soit intégrée aux travaux d'élaboration du projet législatif. Tant le délai de remise de certaines contributions que l'hétérogénéité des positions exprimées à l'issue des premières discussions ont empêché la chancellerie de finaliser le projet de loi dans de brefs délais. Ce projet de loi contient un grand nombre d'avancées pour nos concitoyens : il élargit la population éligible à l'aide juridictionnelle, afin de permettre à toutes les personnes dont les revenus sont insuffisants d'avoir accès à la justice ; il simplifie radicalement les procédures d'octroi de l'aide ; il s'engage dans une démarche de qualité des prestations de tous les intervenants ; enfin il améliore l'architecture institutionnelle pour permettre un réel accès au droit. S'agissant de la question de la rétribution des auxiliaires de justice, le projet de loi pose le principe de leur rémunération qui se substitue à la notion de rétribution. Cette modification n'est pas seulement symbolique ; elle marque une rupture avec le dispositif actuel et s'affirme comme le corollaire nécessaire à l'amélioration du système de l'aide juridictionnelle. La réforme du système actuel des unités de valeur relève, pour sa mise en oeuvre, du niveau réglementaire. Des discussions ont eu lieu de décembre 2001 à mars 2002 avec les représentants des instances et organisations représentant la profession d'avocat sur les modalités d'application du projet de loi. Toutefois, il faudra attendre l'adoption de celui-ci pour envisager définitivement ces mesures. S'agissant de l'assurance de protection juridique, celle-ci figure dans de nombreux types de contrat de protection proposés par les assureurs et ne constitue qu'un moyen parmi d'autres d'accéder à la justice. Il importe cependant que les rapports contractuels soient fondés sur la plus grande transparence ; en particulier les parties au contrat doivent être pleinement éclairées et les clauses librement négociées. Pour cela, l'assureur doit diffuser une information appropriée au souscripteur qui doit en toute hypothèse bénéficier du libre choix de son avocat. Enfin, il appartient aux compagnies d'assurance et aux barreaux, s'ils le jugent opportun, de déterminer en commun les règles présidant à leurs relations et, le cas échéant, de les consigner dans des chartes à l'instar de la démarche engagée en ce sens par le barreau de Paris.

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