Question de M. de RICHEMONT Henri (Charente - RPR) publiée le 14/02/2002

M. Henri de Richemont appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les perspectives de réforme de l'aide juridictionnelle. En effet, le 18 décembre 2000, plus de 6 000 avocats, venus de tous les barreaux de France, défilaient à Paris pour manifester leur exaspération face à l'inertie des pouvoirs publics en matière juridictionnelle. Des promesses ont alors été faites, afin de tenir compte des conclusions du rapport Bouchet et de présenter un projet de loi pour l'automne 2001 portant sur la réforme de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit. Le silence du Gouvernement et son absence de prise en compte des préoccupations des avocats dont le souci est de défendre, au mieux, les intérêts de leurs clients ont conduit les avocats de l'Ordre à se mobiliser à nouveau au mois de janvier 2002. Ils ont ainsi montré leur mécontentement face à l'absence de prise en compte de leurs préoccupations par l'avant-projet de loi qui circule et leur inquiétude quant aux conséquences des mesures proposées. En effet, il serait envisagé d'étendre le recours à l'aide juridictionnelle ce qui privera de clientèle, donc de ressources, certains cabinets qui assurent la défense des particuliers, citoyens et résidants. De telles perspectives, si le montant de l'aide juridictionnelle n'est pas revalorisé, risquent donc, à terme, de signifier la fermeture de ces cabinets. Parallèlement, la faible rémunération en matière d'aide juridictionnelle et sa systématisation risquent d'entraîner une moindre qualité de la défense, ce à quoi s'oppose l'ensemble de la profession qui est soucieuse des garanties accordées aux droits des personnes. Par ailleurs, la seconde proposition faite dans le rapport Fouchet, qui vise à permettre le recours à des assurances pour permettre l'accès au droit est, elle aussi, préoccupante dans la mesure où elle risque d'entraîner une dépendance économique des avocats qui, à moyen terme, seront pris en tenaille entre l'Etat, au titre de l'aide juridictionnelle, et les compagnies d'assurance, au titre de l'assurance juridique proposée par celles-ci. Cette dépendance économique des avocats risque ainsi de réduire totalement leur marge de manoeuvre en les rendant tributaires de ces deux puissances. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer les orientations qu'elle entend proposer dans le cadre de son projet de loi visant à réformer l'aide juridictionnelle et améliorer l'accès au droit.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 02/05/2002

La garde des sceaux, ministre de la justice, assure l'honorable parlementaire de l'attention qu'elle porte aux préoccupations exprimées par les avocats qui oeuvrent dans le cadre de l'aide juridique afin de permettre aux citoyens un égal accès au droit et à la justice. Elle s'est engagée, aux termes du protocole d'accord signé le 18 décembre 2000 avec les organisations professionnelles représentant les avocats, sur des actions immédiates ainsi que sur la refonte du système de l'aide juridique. Cet accord a été respecté sur les deux points. En premier lieu, les engagements financiers sont réalisés : la gratuité de la copie des pièces pénales est entrée en vigueur dès 2001 et la rémunération de l'aide à l'intervention de l'avocat qui assiste le détenu au cours de la procédure disciplinaire en relation avec sa détention est prévue dans la loi de finances n° 2001-1275 pour 2002 du 28 décembre 2001. Cet accord a prévu, également au titre de l'aide juridictionnelle, une revalorisation importante des barèmes de rétribution des avocats dans les procédures les plus fréquemment couvertes par l'aide juridictionnelle ; pour 2001 et 2002, cette mesure représente un effort budgétaire de 53,36 millions d'euros (soit 350 millions de francs), ce qui représente 60 % de progression des crédits consacrés à l'aide juridictionnelle de 1997 à 2002 et une augmentation de la rétribution des avocats de 25 % en moyenne. En second lieu, la refonte de l'aide juridique a fait l'objet d'un projet de loi déposé le 20 février dernier sur le bureau du Sénat, à l'élaboration duquel ont été associées les organisations professionnelles représentant les avocats. En effet, à la suite du dépôt, le 10 mai 2001, du rapport de la commission de réforme de l'accès au droit et à la justice, présidée par M. Paul Bouchet, président d'ATD-Quart Monde, des réunions de travail ont été organisées avec la profession sur les propositions émises par la commission. La discussion a été ouverte dans le cadre de groupes de travail organisés au cours des mois de juin et juillet, autour de cinq thèmes : qualité et information, rémunération, simplifications administratives, questions institutionnelles et assurance de protection juridique. Chacun des partenaires devait déposer une contribution écrite afin que celle-ci soit intégrée aux travaux d'élaboration du projet législatif. Tant le délai de remise de certaines contributions que l'hétérogénéité des positions exprimées à l'issue des premières discussions ont empêché la chancellerie de finaliser le projet de loi dans de brefs délais. Ce projet de loi contient un grand nombre d'avancées pour nos concitoyens : il élargit la population éligible à l'aide juridictionnelle, afin de permettre à toutes les personnes dont les revenus sont insuffisants d'avoir accès à la justice ; il simplifie radicalement les procédures d'octroi de l'aide ; il s'engage dans une démarche de qualité des prestations de tous les intervenants ; enfin il améliore l'architecture institutionnelle pour permettre un réel accès au droit. S'agissant de la question de la rétribution des auxiliaires de justice, le projet de loi pose le principe de leur rémunération qui se substitue à la notion de rétribution. Cette modification n'est pas seulement symbolique ; elle marque une rupture avec le dispositif actuel et s'affirme comme le corollaire nécessaire à l'amélioration du système de l'aide juridictionnelle. La réforme du système actuel des unités de valeur relève, pour sa mise en oeuvre, du niveau réglementaire. Des discussions ont eu lieu de décembre 2001 à mars 2002 avec les représentants des instances et organisations représentant la profession d'avocat sur les modalités d'application du projet de loi. Toutefois, il faudra attendre l'adoption de celui-ci pour envisager définitivement ces mesures. S'agissant de l'assurance de protection juridique, celle-ci figure dans de nombreux types de contrat de protection proposés par les assureurs et ne constitue qu'un moyen parmi d'autres d'accéder à la justice. Il importe cependant que les rapports contractuels soient fondés sur la plus grande transparence ; en particulier les parties au contrat doivent être pleinement éclairées et les clauses librement négociées. Pour cela, l'assureur doit diffuser une information appropriée au souscripteur qui doit en toute hypothèse bénéficier du libre choix de son avocat. Enfin, il appartient aux compagnies d'assurance et aux barreaux, s'ils le jugent opportun, de déterminer en commun les règles présidant à leurs relations et, le cas échéant, de les consigner dans des chartes à l'instar de la démarche engagée en ce sens par le barreau de Paris.

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