Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - RPR) publiée le 04/07/2002

M. Michel Doublet attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation des avocats. En janvier 2001, les avocats faisaient part de leur exaspération face à l'inertie des pouvoirs publics en matière d'aide juridictionnelle. Le gouvernement Jospin avait alors annoncé qu'il présenterait un avant-projet de loi sur la réforme de l'aide juridictionnelle et de l'accès au droit ainsi que les décrets d'application au plus tard le 15 septembre 2001. Ne voyant rien venir, la conférence des bâtonniers décidait une nouvelle mobilisation en janvier 2002 et la chancellerie d'établir un avant-projet de loi sans projet de décret. Or, le constat dressé par les avocats est que ce texte présente des dispositions inacceptables, portant atteinte à leur indépendance, et qu'il ne fournit aucun élément sur les modalités de leur rémunération. C'est ainsi que, par exemple, les plafonds d'admission seraient fortement relevés, conduisant à une évolution en pourcentage des bénéficiaires de l'ordre de 40 %, contre 27 % actuellement. Si l'on ne peut que se réjouir de mesures visant à favoriser l'équité de l'accès au droit pour tous nos concitoyens, les avocats s'inquiètent de leur rémunération, aucun d'entre eux ne pouvant travailler à perte, compte tenu des charges que supportent par ailleurs les cabinets. En conséquence, il lui demande quelles mesures le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour garantir une défense convenable et une rémunération permettant aux avocats de vivre de leur activité.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 06/11/2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice, assure l'honorable parlementaire de l'intérêt qu'il porte au régime de l'aide juridictionnelle et à ses évolutions, au regard notamment de la rémunération des auxiliaires de justice qui oeuvrent dans ce cadre. S'agissant du régime de l'aide juridictionnelle, le Gouvernement n'envisage pas de le réformer sur la base du projet de loi qui avait été déposé sur le bureau du Sénat en février 2002 et qui n'a recueilli aucun consensus. En revanche, le Gouvernement entend apporter des améliorations notables grâce à des mesures adaptées remédiant aux dysfonctionnements constatés. La loi d'orientation et de programmation pour la justice a inscrit l'amélioration de la rémunération des auxiliaires de justice intervenant en matière d'aide juridictionnelle comme l'une des priorités de la présente législature. La situation actuelle marque pour la chancellerie un moment propice à la reprise des discussions sur l'avenir de ce régime. En effet, les admissions à l'aide juridictionnelle ne s'accroissent plus. Les statistiques montrent même qu'elles diminuent sensiblement depuis deux ans : après avoir atteint leur niveau le plus élevé en 1997 avec 709 606 admissions, le nombre des bénéficiaires est de 688 637 en 2002, soit une baisse d'environ 3 %. Ce mouvement, qui est à mettre en perspective avec l'accroissement des effectifs de la profession d'avocat, passés au cours de la même période de 32 997 à 38 140, soit une hausse de plus de 15 %, aboutit à une diminution globale de la charge de l'aide juridictionnelle sur cette profession. Dans un souci de cohérence et d'adaptation aux réalités de la durée des contentieux, les discussions ont été reprises par le ministère de la justice avec les représentants de la profession d'avocat en vue de réexaminer le barème de leur rétribution à l'aide juridictionnelle prévu par l'article 90 du décret du 19 décembre 1991. Des réunions de travail se sont tenues dès le mois de décembre, de telle sorte qu'un nouveau barème a pu être adopté et faire l'objet d'un décret publié au Journal officiel du 7 septembre 2003. Sont ainsi revalorisées des rubriques aussi importantes que les instances au fond devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce qui passeront de 20 à 26 unités de valeur, celles devant le tribunal d'instance et le juge de proximité qui sont portées à 16 unités de valeur ou encore l'assistance de l'accusé devant la cour d'assises ou des condamnés en matière d'application des peines. Dans cette perspective également, si l'article 65 de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre dernier a permis l'octroi de l'aide juridictionnelle, sans condition de ressources, aux victimes des crimes d'atteintes les plus graves, le décret qui vient d'être publié le 7 septembre 2003 a prévu une revalorisation très significative de la rétribution des avocats qui assistent les parties civiles dans les procédures criminelles, laquelle passe de 24 à 35 unités de valeur. Il s'agit d'un effort très substantiel qui est inscrit en année pleine pour 11,3 millions d'euros dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la justice. Par ailleurs, une revalorisation du montant même de l'unité de valeur, base de la rétribution des avocats, est proposée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004. Parallèlement à ces mesures, un groupe de travail va être chargé d'examiner les conditions de mise en oeuvre de l'honoraire de résultat dans le cadre de l'aide juridictionnelle. En outre, une circulaire destinée à simplifier l'instruction des dossiers de demande d'aide juridictionnelle et à harmoniser les pratiques en ce domaine est en cours de diffusion. Cette circulaire précise les conditions d'application de deux mesures dont le financement a été prévu en 2003 ; elles consistent à supprimer de l'appréciation au titre des ressources du demandeur, d'une part, l'évaluation forfaitaire de l'hébergement gratuit au titre des avantages en nature, d'autre part, la prise en compte des ressources des parents d'un mineur dans le cadre de procédures pénales, notamment en cas de conflit d'intérêt. Cette dernière mesure permettra la rétribution systématique des avocats désignés pour assister les mineurs en matière pénale. Enfin, le ministère de la justice entend encourager le développement de l'assurance de protection juridique, laquelle permettrait aux personnes exclues de l'admission à l'aide juridictionnelle, bien qu'ayant des ressources modestes, d'être assistées en cas de survenance d'un litige. C'est en ce sens que la chancellerie a lancé une réflexion sur l'amélioration du fonctionnement de cette assurance, sur l'extension de son champ d'application ainsi que sur les garanties de libre choix de l'avocat et d'indépendance fonctionnelle de celui-ci.

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