Question de M. DOMEIZEL Claude (Alpes de Haute-Provence - SOC) publiée le 11/07/2002

M. Claude Domeizel attire l'attention du M. le Premier ministre sur le sommet mondial de la FAO qui s'est tenu du 10 au 13 juin dernier, à Rome, au cours duquel de nombreuses organisations non gouvernementales ont mis en cause l'inadéquation des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) avec les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, largement inspirée par un Français, René Cassin, prix Nobel de la paix. Cette déclaration fut complétée dans les années qui suivirent par deux pactes, l'un relatif aux droits civils et politiques, l'autre relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Mais, seul, un protocole relatif au acte sur les droits civils et politiques fut ratifié par les Nations unies donnant ainsi une valeur juridique à ces droits et permettant par exemple l'instauration de la Cour européenne des droits de l'homme ou aujourd'hui de la Cour pénale internationale devant lesquelles les citoyens peuvent faire respecter ces droits. Par contre, aucun protocole relatif au acte sur les droits économiques, sociaux et culturels n'est encore venu en débat à l'Assemblée générale des Nations unies, cette situation ayant pour conséquence un traitement discriminatoire de ces droits au regard des droits civils et politiques. Pourtant, lors de la Conférence mondiale sur les droits de l'homme qui s'est tenue à Vienne en 1993, les 171 Etats présents ont reconnu à l'unanimité que les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels étaient intimement liés, indissociables, indivisibles et interdépendants. A l'heure où les règles de l'OMC s'imposent, non seulement aux Etats adhérant à cette organisation mais à tous les citoyens du monde, il est inconcevable qu'aucun recours possible concernant les droits économiques sociaux et culturels ne puisse être opposé à ces règles dans le cas où elles constitueraient une violation de ces mêmes droits. Que penser des millions d'êtres humains victimes de la faim alors que nous savons que la production agricole mondiale permet de nourrir l'ensemble des habitants de la planète ? Que penser des millions de morts du sida en Afrique ou ailleurs alors que nous savons que les médicaments associés au traitement de type trithérapie existent et qu'ils n'y ont pas accès pour la seule raison qu'ils sont pauvres ? Aujourd'hui, face à la responsabilité ou à l'irresponsabilité de la communauté internationale dans de tels drames, il n'existe aucune institution devant lesquelles les victimes peuvent intenter un recours. Or, sans recours possible contre sa violation, le droit n'existe pas et en l'occurrence les droits de l'homme dont il est question. Ma question est la suivante : le Gouvernement français compte-t-il prendre des initiatives dans ce domaine ? Sur le plan intérieur, ne serait-il pas opportun de créer une commission de travail visant à préparer une révision constitutionnelle ayant pour but d'inscrire la Déclaration universelle des droits de l'homme en préambule de la Constitution française, permettant ainsi une ouverture à la jurisprudence pour les droits économiques sociaux et culturels dès lors qu'aucun de ces droits ne figure dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Sur le plan international, le Gouvernement serait-il prêt à entreprendre une démarche pour faire inscrire à l'ordre du jour de la prochaine Assemblée générale de l'ONU, le projet de texte existant d'un protocole relatif au pacte sur les droits économiques, sociaux et culturels ?

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Transmise au Ministère des affaires étrangères


Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 07/11/2002

Le sommet mondial de la FAO, qui s'est tenu à Rome du 10 au 13 juin 2002, a permis l'adoption par consensus par l'ensemble des Etats participants d'une déclaration solennelle. Ce texte constitue une véritable avancée, même s'il a pu être jugé insuffisant par certaines organisations non gouvernementales. Tout d'abord, cette déclaration réaffirme avec force les objectifs définis lors du premier Sommet mondial de l'alimentation, tenu à Rome en 1996, et en particulier le principal d'entre eux : réduire de moitié le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde d'ici à 2015. En proclamant la constitution d'une alliance pour atteindre cet objectif, la déclaration de 2002 donne une nouvelle impulsion à cette ardente obligation faite à la communauté internationale. Par ailleurs, cette déclaration comporte également une avancée significative en ce qui concerne la proclamation des droits économiques et sociaux des peuples les plus pauvres. En effet, l'article 10 de la déclaration invite le conseil de la FAO à établir, lors de sa prochaine session, en octobre de cette année, un groupe de travail intergouvernemental chargé d'élaborer dans un délai de deux ans " une série de directives volontaires visant à appuyer les efforts faits par les Etats membres pour concrétiser progressivement le droit à une alimentation suffisante dans le cadre de la sécurité alimentaire nationale ". Du point de vue du gouvernement français, ces dispositions, qui se situent dans la droite ligne des aspirations des associations impliquées dans la problématique du développement, sont de nature à promouvoir dans un avenir proche un véritable " code de conduite pour le droit à l'alimentation ". Le gouvernement français a tenu à associer les organisations non gouvernementales de notre pays à la préparation du " sommet mondial de l'alimentation, cinq ans après " et en particulier à la définition de ses positions dans les négociations qui ont débouché sur l'adoption de la déclaration du sommet. Cette préparation s'est faite pour une large part au niveau européen. Ainsi, la réflexion menée en France sur la notion de droit à l'alimentation constitue également une préoccupation essentielle pour nos voisins allemands. Le Gouvernement a pris l'engagement d'associer les organisations non gouvernementales à la démarche que propose la déclaration du sommet. Depuis le sommet de juin, plusieurs réunions se sont déjà tenues entre les représentants des différents ministères concernés et les organisations non gouvernementales pour réfléchir à la forme que prendra le groupe de travail qui doit se constituer et aux positions que la France y défendra. Cette concertation, appelée à se poursuivre, trouvera également son prolongement dans le cadre de l'Union européenne. L'actuelle présidence de l'Union, exercée par le Danemark, s'est engagée à en faire un des points forts de sa présidence.

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