Question de M. MAHÉAS Jacques (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 11/07/2002

M. Jacques Mahéas attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur les pouvoirs conférés au conseil de l'ordre des médecins. Le 18 septembre 2001, un pédiatre parisien a comparu devant le conseil régional de l'ordre des médecins, après avoir effectué un signalement pour abus sexuels au juge aux affaires familiales, au juge des enfants et au parquet. Cette convocation donnait suite à la plainte du père de l'enfant, dénonçant les modalités du signalement. Au-delà de ce cas particulier, ils est à craindre que ce type d'intervention solennelle de l'instance disciplinaire ait un effet dissuasif sur les médecins, qui pourraient renoncer à effectuer des signalements, alors même que le code pénal les exonère du secret médical et leur donne obligation d'agir en cas de constatation de sévices sur mineurs. Le code de déontologie médicale, dans son article 43, prévoit également que " le médecin doit être le défenseur de l'enfant lorsqu'il estime que l'intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage ". Pourtant, ce même code indique, dans son article 51, que " le médecin ne doit pas s'immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ", et cet article peut donc servir de fondement à des plaintes de la part de l'entourage d'un enfant victime. En conséquence, il lui demande s'il ne serait pas opportun de modifier le code de déontologie médicale, afin que, conformément au code pénal, il ne persiste aucune ambiguïté sur l'obligation qui doit être celle des médecins d'alerter les autorités judiciaires compétentes en cas de constatation de sévices sur mineurs.

- page 1559


Réponse du Ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées publiée le 17/10/2002

Les dispositions du code pénal protègent le secret professionnel dans l'intérêt des patients. L'article 226-13 du code pénal dispose ainsi que " la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état, soit par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende ". Toutefois, le respect du secret professionnel connaît des exceptions, prévues par la loi, notamment pour protéger les victimes de violences, en particulier lorsque celles-ci sont vulnérables. Le secret professionnel n'est pas applicable à celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles qui ont été infligées à un mineur de moins de quinze ans. De plus, la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a, par son article 89, ajouté à l'article 226-13 du code pénal un alinéa disposant que " aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée du fait du signalement de sévices par le médecin aux autorités compétentes dans des conditions prévues au présent article ". Cet article tend donc à protéger le médecin contre d'éventuelles sanctions disciplinaires qui résulteraient du simple fait de signaler des sévices qu'il aurait constatés sur un enfant. Il n'apporte toutefois pas d'immunité absolue au médecin qui effectue un signalement, puisqu'il est complété par un ajout à l'article 4124-6 du code de la santé publique : " Lorsque l'instance disciplinaire est informée de l'engagement, à la suite d'un tel signalement, de poursuites pénales pour violation du secret professionnel ou toute autre infraction commise à l'occasion de ce signalement, elle sursoit à statuer jusqu'à la décision définitive de la juridiction pénale. " En effet, si le signalement de sévices ne peut, en lui-même, être reproché au médecin, les conditions dans lesquelles il l'a fait peuvent relever de la procédure disciplinaire : par exemple en cas d'affirmation non vérifiée par l'auteur présumé, ou de remise d'un certificat à l'un des parents et non aux autorités mentionnées par le code pénal. Le sursis à statuer permet donc, dans ce cas, d'éviter toute contradiction dans l'interprétation des faits. Cette disposition législative s'applique d'elle-même, et ne nécessite par conséquent aucun complément réglementaire dans le code de déontologie médicale.

- page 2405

Page mise à jour le