Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - RI) publiée le 19/09/2002

M. Serge Mathieu demande à M. le garde des sceaux, ministre de la justice, les perspectives de son action ministérielle à l'égard d'un récent arrêt du Conseil d'Etat, annulant une recommandation de la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) qui avait mis en garde contre des pratiques bancaires prenant en compte la nationalité dans l'octroi d'un crédit et excluant systématiquement certaines catégories d'étrangers " qualifiés de statistiquement risqués " (Union fédérale des consommateurs. Que Choisir n° 300, février 2002).

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 28/11/2002

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que, par délibérations du 8 juillet 1980 et du 5 juillet 1988, la CNIL s'est prononcée sur la méthode de calcul statistique dite du score (credit scoring), qui constitue pour les établissements de crédit un instrument d'aide à la décision leur permettant d'évaluer, en considération d'une pluralité de paramètres, les risques liés à l'octroi d'un prêt. L'arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 30 octobre 2001 a annulé une nouvelle délibération de la CNIL en date du 22 décembre 1998, par laquelle celle-ci, à la suite de contrôles effectués dans différents établissements de crédit, modifiait sa recommandation du 5 juillet 1988, par l'insertion de deux alinéas additionnels, en décidant notamment que la nationalité du demandeur ne peut constituer une variable entrant en ligne de compte dans le calcul automatisé de l'appréciation du risque du crédit, qu'elle soit considérée sous la forme " Français, ressortissant CEE, autres " ou a fortiori enregistrée en tant que telle. Le Conseil d'Etat a en effet estimé que la nationalité constituait en l'espèce, au regard de la finalité du traitement, une donnée pertinente, adéquate et non excessive, ce, conformément à l'article 5 de la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé de données à caractère personnel signée à Strasbourg le 28 janvier 1981, et étant observé que la mise en oeuvre d'un tel critère n'entraîne pas le rejet d'une demande sans examen individuel de celle-ci. Le juge administratif a par ailleurs estimé qu'une telle donnée ne pouvait être qualifiée de discrimination, ni au sens de l'article 6 du traité CE, devenu, après modification, l'article 12 CE, ni au sens des articles 225-1 et 225-2 du code pénal. Sur ce dernier point, les conclusions du commissaire du Gouvernement soulignent l'absence de volonté discriminatoire tenant au fait que les établissements de crédit contrôlés n'utilisent pas la nationalité précise du candidat au prêt comme variable du score et qu'ils ne s'intéressent à la nationalité qu'eu égard à sa corrélation avec d'éventuelles difficultés ultérieures de recouvrement. Il apparaît au total que l'annulation résultant de l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 octobre 2001 n'a pas pour effet de créer un vide juridique ou de nuire à l'effectivité des textes, dans la mesure où elle ne fait pas obstacle à l'application au credit scoring des garanties édictées par la CNIL en cette matière antérieurement à sa recommandation du 22 décembre 1998, conformément à la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Toutefois, en réponse aux préoccupations de l'honorable parlementaire, il doit être souligné que le projet de loi relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel et modifiant la loi susvisée, actuellement soumis au Parlement, dotera la CNIL d'instruments de contrôle plus poussés à l'égard des traitements relevant de la mise en oeuvre de la technique du score.

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