Question de M. ANDRÉ Pierre (Aisne - RPR) publiée le 28/11/2002

M. Pierre André attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'article L. 2213-3 du code général des collectivités territoriales qui donne au maire la faculté de réserver sur les voies publiques des emplacements de stationnement pour les véhicules de transport de fonds. Cet article, issu de la loi n° 2000-646 du 10 juillet 2000 pose le problème de la responsabilité de la collectivité au cas où l'occupation d'un emplacement réservé par un véhicule non autorisé aurait rendu possible ou aurait facilité l'attaque d'un véhicule blindé. En effet, les établissements financiers se montrent résolument réticents à accepter d'équiper à leurs frais ces emplacements de dispositifs techniques ad hoc. Et ce, malgré les dispositions du décret n° 2000-1234 du 18 décembre 2000 qui prévoit que les banques sont tenues de prendre en charge un certain nombre d'aménagements de sécurité, afin d'assurer l'intégrité des personnels et des biens transportés. De plus, la question de l'occupation des emplacements réservés par des véhicules non autorisés n'est nullement abordée dans la circulaire du 10 juin 2002 qui énumère un certain nombre de situations où, selon M. le ministre, la responsabilité de la collectivité territoriale ne saurait être engagée. Or, compte tenu de leurs moyens humains et matériels, les municipalités sont dans l'impossibilité de préserver la totale et permanente intégrité de ces stationnements réservés. En conséquence, il lui demande s'il entend prendre toutes les mesures nécessaires visant à garantir le total désengagement de la responsabilité des municipalités au cas où les mesures d'interdiction de stationnement sur les emplacements réservés ne seraient pas respectées par les usagers de la route.

- page 2850


Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 10/02/2005

La loi n° 2000-646 du 10 juillet 2000 relative à la sécurité du dépôt et de la collecte de fonds par les entreprises privées permet aux maires de réserver des places de stationnement aux véhicules de transports de fonds et de laisser à ceux-ci des couloirs réservés à la circulation. L'article 1er de la loi susvisée a en effet modifié l'article L. 2213-3 du code général des collectivités territoriales qui est désormais rédigé ainsi qu'il suit : " Le maire peut, par arrêté motivé : 1° Instituer, à titre permanent ou provisoire, pour les véhicules affectés à un service public et pour les besoins exclusifs de ce service et dans le cadre de leurs missions, pour les véhicules de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, des stationnements réservés sur les voies publiques de l'agglomération ; 2° Réserver des emplacements sur ces mêmes voies pour faciliter la circulation et le stationnement des transports publics de voyageurs et des taxis ainsi que des véhicules de transport de fonds, de bijoux ou de métaux précieux, dans le cadre de leur mission (...) ". A titre d'illustration, le maire peut donc dorénavant (il ne s'agit pas d'une obligation) prévoir des places de stationnement protégées près des banques afin de limiter au maximum la durée des transferts, ou autoriser la circulation et le stationnement des véhicules de transport de fonds (qu'ils soient blindés ou banalisés) dans les couloirs et les emplacements réservés afin notamment de permettre les manoeuvres autour des sas ou trappons prévus à l'article 3 du décret n° 2000-1234 du 18 décembre 2000. Il peut également réserver à ces véhicules des emplacements spécifiques au même titre que pour les véhicules de police ou de gendarmerie. S'agissant toutefois de l'application d'un pouvoir de police, il appartient aux maires d'apprécier, en fonction des circonstances locales, l'opportunité de faire usage de ces prérogatives. Cependant, dans l'hypothèse où un incident surviendrait (vol, agression, fusillade, etc.), notamment sur les sites répertoriés comme sensibles par les commissions départementales pour lesquels celles-ci auraient estimé nécessaire de prévoir le stationnement de véhicules de transport de fonds, la responsabilité administrative du maire et éventuellement de la commune pourrait être engagée dans la mesure où il serait établi que tous les moyens n'ont pas été mis en oeuvre pour parer à une telle éventualité. Il est en effet de jurisprudence constante que " le refus opposé par le maire de faire usage de ses pouvoirs de police est entaché d'illégalité dans le cas où, en raison de la gravité du péril résultant d'une situation particulièrement dangereuse pour le bon ordre, la sécurité ou la salubrité publiques, cette autorité, en n'ordonnant pas les mesures indispensables pour faire cesser ce péril grave, méconnaît ses obligations légales " (CE, 23 oct. 1959, Sieur Doublet). De même, la responsabilité pénale du maire ou de la commune serait-elle également susceptible d'être recherchée, sous les réserves exposées ci-après, sur le fondement des articles 223-1 et 223-2 du code pénal (délit de risques causés à autrui), 221-6 et 221-7 du code pénal (délit d'homicide involontaire), 222-19 et 222-20 du code pénal (délit de blessures involontaires). L'article 121-3 du code pénal dispose qu'il n'y a point de crime ou délit sans intention de le commettre sauf, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de sécurité prévue par la loi ou les règlements, c'est-à-dire s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions, de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Toute personne, et notamment le maire d'une commune, qui sans être la cause directe du dommage a permis ou contribué à créer la situation à l'origine de celui-ci ou qui n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter est pénalement responsable s'il est établi qu'elle a délibérément violé une obligation particulière de sécurité ou de prudence ou commis une faute caractérisée (Crim. 11 juin 2003 et Crim. 2 déc. 2003). Toutefois, dans l'hypothèse où un véhicule non autorisé occuperait l'emplacement réservé par une commune alors que cet emplacement fait l'objet d'une information claire, la responsabilité précédemment évoquée pèserait sur le conducteur de ce véhicule. Ce principe ne doit cependant pas exonérer les communes de la mise en oeuvre de tous moyens tels que la verbalisation ou la mise en fourrière pour éviter les stationnements de véhicules non autorisés sur ces emplacements réservés.

- page 396

Page mise à jour le