Question de M. HYEST Jean-Jacques (Seine-et-Marne - UMP) publiée le 04/12/2002

M. Jean-Jacques Hyest appelle l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur les difficultés rencontrées par la commune de Bagneaux-sur-Loing dans le cadre de l'aménagement d'un terrain communal à bâtir. En effet, le maire de cette commune envisage de construire un certain nombre de pavillons (31) et de logements (10) à l'initiative de l'OPIHLM. Dans le cadre de la révision du PLU finalisé en 2001 et approuvé en janvier 2002, la commune s'était donné les moyens de favoriser la construction de ces nouveaux logements et avait fait l'acquisition foncière des terrains nécessaires. Or, le plan d'occupation des sols valant PLU approuvé par la commune avec l'avis favorable des services de l'Etat, dont celui de la navigation du Loing, se voit remis en cause aujourd'hui par le préfet. La DDE ayant émis un avis défavorable au permis de construire de l'OPIHLM indiquant que le " terrain est situé en zone d'aléas forts, telle qu'elle ressort de la carte des aléas établis en 2001 dans l'élaboration du Plan de prévention des risques d'inondations du Loing ". La carte des aléas servant de base pour l'établissement du Plan de prévention des risques d'inondations dont l'étude débutera peut-être en 2003 n'a aucune valeur réglementaire et n'a pas été mise à enquête publique, seul le PLU s'impose, mais elle a pour conséquence de maintenir la commune et les propriétaires de foncier dans une insécurité juridique totale. Le maire de cette commune ayant maintenu son projet d'aménagement, le préfet lui demande de retirer son arrêté de permis de construire, en vertu du " principe de précaution ", alors que la commune de Bagneaux-sur-Loing n'a subi jusqu'à présent aucune inondation, étant protégée par le canal du Loing. La première remarque portera sur le fait que lors de l'acceptation du PLU qui a amené la commune à se porter acquéreur de certains terrains, le Plan de prévention des risques d'inondations existait déjà et à ce moment-là aucune opposition n'avait été faite au plan d'aménagement. La seconde remarque tient au fait que, à force de vouloir tout protéger et tout anticiper sur les risques éventuels, on assiste à une superposition de textes et réglementations divers qui, dans certains cas, sont contradictoires. On oublie souvent en calquant un schéma sur un autre que, par exemple, la vallée du Loing ne sera jamais celle de l'Ouvèze et nos forêts n'ont rien de commun avec les maquis de Haute-Corse. La réglementation devrait être appliquée de façon objective et s'adapter au contexte local. M. Jean-Jacques Hyest souhaiterait donc savoir si une étude, dont les éléments n'ont aucune valeur juridique, peut être opposée à un document d'urbanisme approuvé et opposable aux tiers. Cette situation ne manquerait pas, sans solution, de susciter de graves difficultés contentieuses.

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Réponse du Ministère de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer publiée le 15/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2003

M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, je vais citer dans ma question un exemple concret, mais celle-ci pourrait s'appliquer à d'autres cas. Vous l'avez bien compris, j'attends une réponse juridique au sujet des autorisations de construire.
La commune de Bagneaux-sur-Loing souhaite aménager un terrain à bâtir. Le maire de cette commune, qui est aussi le président de l'office local d'HLM, avait ainsi prévu la construction de trente et un pavillons et de dix logements.
A la suite de la révision du plan local d'urbanisme, PLU finalisé en 2001 et approuvé en janvier 2002, la commune s'était donné les moyens de favoriser la construction de ces nouveaux logements et avait fait l'acquisition foncière des terrains nécessaires, au prix du terrain à bâtir, bien sûr, compte tenu du certificat d'urbanisme délivré.
Or le plan d'occupation des sols valant PLU, approuvé par la commune avec l'avis favorable des services de l'Etat - dont celui de la navigation du Loing - se voit remis en cause aujourd'hui par le préfet, la DDE ayant émis un avis défavorable au permis de construire de l'OPHLM au prétexte que le « terrain est situé en zone d'aléas forts, telle qu'elle ressort de la carte des aléas établie en 2001 dans l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondations du Loing ».
La carte des aléas servant de base pour l'établissement d'un PPRI, un plan de prévention des risques d'inondations, dont l'étude débutera peut-être en 2003, n'a aucune valeur réglementaire et n'a pas été mise à enquête publique - seul le PLU s'impose - mais elle a pour conséquence de maintenir la commune et les propriétaires de foncier dans une insécurité juridique totale, avec les conséquences que cela peut avoir, notamment pour ceux qui ont vendu, en particulier les notaires, puisque les certificats d'urbanisme n'ont plus aucune valeur.
Le maire de la commune ayant maintenu son projet d'aménagement, le préfet lui demande de retirer son arrêté de permis de construire, en vertu du « principe de précaution » - c'est extraordinaire ! -, alors que la commune de Bagneaux-sur-Loing n'a subi jusqu'à présent aucune inondation, car elle est protégée par le canal du Loing.
Monsieur le ministre, je passe devant le terrain concerné chaque jour depuis quarante ans : je n'ai jamais vu une goutte d'eau ! Même en 1910, ce terrain n'a pas été inondé. Il est vrai que des travaux énormes ont été réalisés sur le Loing pour éviter les inondations. Cela n'a pas empêché un jeune fonctionnaire du service de la navigation de m'expliquer qu'il s'agissait d'une rivière « torrentielle » ! Je ne le savais pas : depuis le XIIe siècle, il n'en a jamais été fait mention.
Dans ces conditions, ma première remarque portera sur le fait que, lors de l'acceptation du PLU qui a amené la commune à se porter acquéreur de certains terrains, le plan de prévention des risques d'inondations existait déjà, et que, à ce moment-là, aucune opposition n'avait été faite au plan d'aménagement.
Ma seconde remarque tient au fait que, à force de vouloir tout protéger et tout anticiper sur les risques éventuels, on assiste à une superposition de textes et réglementations divers qui, dans certains cas, sont contradictoires. Or la réglementation devrait être appliquée de façon objective et s'adapter au contexte local.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaiterais savoir si une étude dont les éléments n'ont aucune valeur juridique peut être opposée à un document d'urbanisme approuvé et opposable aux tiers. Cette situation ne manquerait pas, si elle n'était pas réglée, de susciter de graves difficultés contentieuses et d'entraîner des conséquences économiques très graves. En effet, à côté de ce terrain, est située une immense usine de verrerie, Corning France. Interdira-t-on demain l'extension des ateliers de cette entreprise, extension qui serait pourtant nécessaire à sa modernisation ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. Monsieur le sénateur, c'est certainement à votre jeunesse que vous devez de ne pas avoir connu la présence d'eau sur les terrains concernés...
M. Jean-Jacques Hyest. J'ai consulté les archives !
M. Gilles de Robien, ministre. En tout cas, dans la Somme, certains terrains n'ont jamais vu une goutte d'eau depuis des décennies. Or, selon les archives, au XVIe siècle, des crues terribles ont fait monter de dix ou douze pieds - soit environ trente centimètres par pied - le niveau de l'eau en une nuit. Depuis ce temps-là, aucune crue n'a été déplorée ; puis, en 2000, 2001 et 2002, les nappes phréatiques ont atteint un niveau tel qu'ont été rendus inconstructibles un certain nombre de terrains.
Le problème est cependant réel, et je comprends votre question.
Dans le cas de la commune de Bagneaux-sur-Loing, l'élaboration d'un plan de prévision des risques d'inondations a été prescrite le 3 août 2001, mais elle n'est pas aujourd'hui terminée. Cependant, une carte des secteurs inondables a été adressée à la commune le 6 décembre 2001. Or la mise en oeuvre du plan d'occupation des sols de cette commune était déjà très avancée, puisque le conseil municipal l'a approuvé le 17 janvier 2002. Dans ces conditions, il est compréhensible que le POS n'ait pas pu intégrer cette carte des aléas.
Nous nous trouvons donc dans la situation d'un risque connu et bien réel mais qui n'est, à ce jour, pas encore traduit dans les documents d'urbanisme. Dans un tel cas, il me semble que les pouvoirs publics ne peuvent ignorer ce risque. L'article R. 111-2 du code de l'urbanisme prévoit, en effet, qu'un permis peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de prescriptions spéciales si le projet présente un risque du point de vue de la sécurité publique.
Dans une telle situation, il convient d'examiner au cas par cas les projets et d'en tirer les conclusions. Dans cet esprit, j'ai demandé à mes services d'étudier attentivement le cas des deux opérations dont vous faites état.
Celle qui concerne la construction d'une dizaine de logements individuels semble pouvoir être autorisée, sous réserve de quelques modifications du projet que l'office d'HLM serait prêt à accepter, notamment en ce qui concerne le niveau des planchers habitables, pour échapper aux inondations.
L'autre opération, plus compliquée, est située dans une zone non urbanisée et dans le champ d'expansion des crues. Elles pose beaucoup plus de problèmes et a fait l'objet, dès l'origine, d'un avis défavorable des différents services de l'Etat. Une issue analogue à celle qui a été proposée pour la première opération paraît difficilement envisageable dans une telle zone située à l'extérieur de l'urbanisation existante.
J'ai demandé à mes services de se tenir tout particulièrement à la disposition de la commune et de lui apporter toute l'assistance nécessaire pour résoudre les difficultés auxquelles elle est aujourd'hui confrontée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, dans la vallée du Loing, il est arrivé que des décisions contradictoires soient rendues à quinze jours d'intervalle. Ainsi, à Souppes-sur-Loing, un jour, on accorde un permis, puis, quinze jours plus tard, on le refuse sur un terrain pourtant contigu. N'y a-t-il pas là une source d'incertitude dans l'attribution des cotes ?
Monsieur le ministre, je vous rappelle aussi qu'un ouvrage extrêmement important sépare la commune de Bagneaux-sur-Loing du fleuve : il s'agit du canal du Loing, qui représente tout de même un obstacle considérable ! Or, depuis sa construction, sous Colbert, la commune de Bagneaux n'a jamais connu aucune inondation. Les archives en témoignent ! Je suis maire d'une commune voisine, qui est exactement dans le même cas : il n'y a jamais eu d'inondation.
Quoi qu'il en soit, un PPRI, ce n'est pas seulement le fruit d'un calcul fait par ordinateur ! Il faut étudier concrètement la situation sur le terrain. Au demeurant, si le canal du Loing n'était pas véritablement un obstacle, une digue, je serais alors très inquiet, monsieur le ministre, parce que toutes les habitations qui sont situées au-delà du canal, et qui sont extrêmement nombreuses dans cette vallée, seraient alors soumises au risque d'inondation.
Je souhaite en tout cas que le dialogue soit renforcé avec les communes, car les services imposent trop souvent aux collectivités, sans débat, des mesures qui ne sont pas comprises et qui peuvent avoir des conséquences économiques dramatiques, notamment pour les collectivités qui ont acheté des terrains au prix du terrain à bâtir.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Je vais essayer de rassurer M. Hyest : je vais donner des consignes précises aux services afin qu'ils dialoguent avec les communes pour trouver des solutions techniques aux deux projets qu'il a cités. Le premier semble facile à réaliser, le second un peu plus compliqué, mais tout le monde doit travailler ensemble pour trouver une solution.

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