Question de M. JOLY Bernard (Haute-Saône - RDSE) publiée le 31/01/2003

Question posée en séance publique le 30/01/2003

M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà tout juste une semaine, la Commission agricole européenne confirmait son maintien du découplage des aides à la production. Elle se propose d'imposer un paiement unique par exploitation, qui remplacerait la plupart des aides attribuées sous organisation de marché.
La période de référence retenue porterait sur les trois dernières années et le critère financier serait celui des aides versées dans des secteurs définis par une liste limitative. De plus, ce versement unique serait subordonné à un certain nombre de contraintes fixées par des normes réglementaires relatives à l'environnement, à la sécurité des aliments, aux conditions sanitaires d'élevage et à l'entretien des terres.
Par ailleurs, les exploitations seraient soumises à un audit en fonction du montant des aides directes perçues ou du chiffre d'affaires.
Enfin, au-delà d'un seuil d'aide de 5 000 euros - ce qui n'est pas énorme -, la diminution des primes est prévue à partir de 2006.
Si cette modulation est différée jusqu'en 2006, il n'en est pas de même pour les autres mesures évoquées, et c'est bel et bien l'année 2004 qui figure dans les textes.
Le monde agricole s'étonne et s'insurge contre une réforme de la politique agricole comme, la PAC, à mi-parcours, contre une réforme renforcée par des propositions auxquelles les agriculteurs se sont montrés farouchement opposés. Ils ne voient que mépris dans l'attitude de la Commission et redoutent les conséquences désastreuses qu'auraient sur l'agriculture européenne de telles mesures si elles étaient mises en application.
La Commission agricole européenne fait fi de la validation par le Conseil européen de Bruxelles, les 24 et 25 octobre dernier, de la position des Quinze dans la négociation avec les dix pays candidats sur tous les sujets encore en suspens, dont l'agriculture fait partie.
Le Conseil européen a décidé, grâce à l'accord global entre la France et l'Allemagne, qu'aucune décision concernant la PAC ne serait prise avant 2006, si ce n'est pour mettre en oeuvre les décisions prises à Berlin au titre des rendez-vous à mi-parcours.
Ainsi, les agriculteurs se croyaient entendus pour trois raisons : la stabilisation du budget de la PAC acquise jusqu'en 2013, l'engagement que celle-ci ne sera pas transformée l'an prochain, et enfin la certitude que les aides seront doublement confortées.
Le monde agricole français, selon ses responsables syndicaux, est prêt à la mobilisation générale. Il souhaite savoir clairement ce que l'avenir leur réserve. Quelle a été, monsieur le Premier ministre, la position que le Gouvernement a défendue lors du Conseil « agriculture » qui s'est tenu avant-hier à Bruxelles, et qu'en est-il résulté ?

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Réponse du Premier ministre publiée le 31/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2003

M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je connais les préoccupations qui sont les vôtres, que ce soit pour les agriculteurs ou pour l'espace rural en général, y compris pour ses activités de diversification, comme le tourisme, pour lequel vous vous mobilisez avec beaucoup d'énergie.
M. René-Pierre Signé. Les touristes seront déçus, et ils ne seront pas les seuls !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je voudrais vous rassurer sur le dossier agricole (Ah ! sur les travées du groupe socialiste), que nous connaissons bien et sur lequel nous travaillons beaucoup. C'est un dossier au sujet duquel le Président de la République a pris des engagements, qu'il respectera et que nous respecterons en son nom.
M. Didier Boulaud. Ce sera bien la première fois !
M. René-Pierre Signé. Il n'a jamais menti ?
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Nous tiendrons les engagements définis à Berlin, les équations budgétaires et politiques de Berlin : tout Berlin, rien que Berlin ! C'est notre politique, et nous sommes engagés sur ce dispositif.
Lundi matin, au cours du Conseil « affaires générales », Dominique de Villepin a clairement défendu cette position. L'après-midi, lors du Conseil agricole, Hervé Gaymard a également défendu cette position.
Il est clair que nous nous opposons à ce découplage, dont nous voyons bien toutes les malices. Un certain nombre de membres de la Commission voudraient en effet proposer un tel découplage, mais nous n'en voulons pas, car l'agriculture doit rester une activité économique capable de créer des richesses.
M. Didier Boulaud. Les cochons sont dans le maïs ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Oh ! ne traitez pas les agriculteurs de cochons !
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas ce que j'ai dit ! J'ai dit : « Les cochons sont dans le maïs ! »
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Je vous demande d'avoir une certaine hauteur de vue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Ces réflexions schématiques ne sont pas à l'honneur de la Haute Assemblée, qui ne nous a pas habitués à ce genre d'attitude ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Sur le fond, ce qui nous paraît important, c'est de bien préparer nos amis agriculteurs à la nouvelle donne de l'agriculture après 2007, car il faut penser à l'avenir.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Il faut penser aux nouvelles données, car autant nous devons demander le respect des engagements de Berlin et nous opposer à la révision de la politique agricole commune à la mid-term review, comme on dit en bruxellois (Sourires), autant nous devons repenser l'organisation du soutien à l'agriculture. Nous devons faire en sorte à la fois de satisfaire à toutes les exigences de développement dans le monde et ne pas nous laisser accuser par les Américains qui, aujourd'hui, donnent plus à leur agriculture que l'Europe ne le fait pour ses agriculteurs. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
Clairement, invitons nos amis agriculteurs à travailler avec les pouvoirs publcis, comme le propose Hervé Gaymard, à ce que sera la politique agricole commune de l'après-2007, pour la bâtir ensemble. D'ici là, faisons en sorte que tous les engagements signés et confirmés, notamment ceux de Berlin, soient respectés.

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