Question de M. DUPONT Jean-Léonce (Calvados - UC) publiée le 20/02/2003

M. Jean-Léonce Dupont attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les craintes manifestées par la profession conchylicole devant l'évolution en cours des normes sanitaires européennes applicables aux coquillages. En effet, l'évolution rapide de la réglementation sanitaire depuis l'épisode de la " crise de la vache folle " s'inspire très largement du principe de précaution et s'appuie sur les préconisations des réseaux de laboratoires de référence. Pour les coquillages, cela se traduit par un renforcement des tests et un abaissement exagéré des seuils autorisant la mise en marché des produits ou l'exploitation des zones de production. Ces nouvelles dispositions conduiraient, à très court terme, à la disparition de milliers d'entreprises conchylicoles familiales et artisanales, éléments essentiels du tissu économique littoral, au profit d'une hypothétique conchyliculture de type industriel impliquant une baisse de qualité gustative des produits sans garantir pour autant au consommateur une meilleure sécurité alimentaire, déjà très satisfaisante dans le contexte général des autres denrées alimentaires. Il lui demande s'il compte s'opposer à cette dérive sanitaire qui pourrait conduire à plus ou moins long terme à l'interdiction pure et simple de consommation des huîtres, des moules et des autres coquillages à l'état vivant. Il lui demande également quelles mesures il compte prendre pour rassurer la filière conchylicole et défendre la consommation traditionnelle des coquillages.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 24/07/2003

Le secteur conchylicole est totalement dépendant des pollutions environnementales des eaux littorales, en particulier par des germes d'origine fécale provenant des rejets humains et animaux. Les coquillages filtreurs, du fait de leur mode alimentaire, accumulent les particules microbiennes en suspension dans l'eau de mer et peuvent ainsi servir de relais à certaines maladies infectieuses lors de la consommation de coquillages, en particulier lors des épidémies de gastro-entérites virales affectant la population en période hivernale. En raison des difficultés techniques de l'analyse en routine de plusieurs germes différents, le contrôle de la contamination microbienne des eaux et des coquillages ne se fait pas directement par la recherche de chaque type de virus et de bactérie mais par celle d'une bactérie fécale indicatrice baptisée Escherichia colii. Plusieurs épisodes de santé publique dus à des coquillages, détectés ces hivers derniers ont amené la Commission européenne à donner mandat au laboratoire communautaire de référence (LCR) de Weymouth au Royaume-Uni pour faire des propositions visant à mieux garantir la sécurité du consommateur. Le LCR a fait une proposition que la Commission soumet actuellement aux Etats membres sous la forme d'un projet de règlement aux termes duquel un virus parasite des bactéries fécales, le bactériophage, serait adopté comme nouvel indicateur spécifique pour évaluer la qualité de la purification des coquillages, opération de décontamination obligatoire lorsque les eaux de production sont classées B. Le recours, par la suite, à ce nouvel indicateur pour le classement des zones conchylicoles est très vraisemblable. Cette proposition de la Commission n'est pas sans poser de question, même si cet indicateur présente un intérêt par sa plus grande résistance dans l'eau de mer que Escherichia colii, ce qui le rapproche des virus pathogènes pour le consommateur. En particulier, la communauté scientifique française s'interroge sur le gain espéré en termes de qualité sanitaire des coquillages face aux coûts attendus en matière de purification des coquillages. En effet, pour répondre aux nouvelles normes, les centres de purification devraient allonger la durée actuelle des opérations, qui est de l'ordre de 24 à 48 heures, jusqu'à 5 à 7 jours, et ce en chauffant l'eau de mer utilisée à 20o C pendant la période hivernale. Ceci nécessiterait une augmentation considérable des capacités des bassins de purification, des systèmes et des coûts de maîtrise de la température et de la qualité des eaux, avec un risque mal évalué de mortalité des coquillages due au choc thermique. Les autorités françaises sont opposées à ce projet et sont déjà intervenues directement auprès de la Commission européenne en ce sens. Des dossiers de fond scientifiques et technico-économiques sont en cours de constitution pour être envoyés à la Commission européenne à l'appui de cette position.

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