Question de M. MORTEMOUSQUE Dominique (Dordogne - UMP) publiée le 20/03/2003

M. Dominique Mortemousque appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales sur les mesures qu'il envisage de prendre en faveur du développement rural. Dans une question orale du 17 décembre 2002, il s'était permis d'insister sur la nécessaire réorganisation des services publics en milieu rural dont le démantèlement lancinant risque de se traduire par un véritable abandon de nos communes et cantons ruraux. Le Gouvernement préparant actuellement un projet de loi afin de revitaliser l'espace rural, il souhaite savoir si l'attente exprimée en vue d'obtenir des services publics de qualité pour tous est bien envisagée et sous quelle forme, et s'il est tenu compte dans ce projet des services marchands. Il est en effet utile que l'ensemble des acteurs du monde rural soit soutenu dans une démarche active ; à cet égard, l'exemple de l'agriculture française, seconde exportatrice agro-alimentaire mondiale, a démontré durant ces quarante dernières années, une efficacité, une solidarité entre différentes dimensions d'exploitations et un ancrage territorial pérenne. C'est dire l'importance de sa place dans un schéma attractif et participatif de développement rural.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 30/04/2003

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2003

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 215, à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre, lors de la séance de questions orales du 17 décembre dernier, j'avais interrogé le Gouvernement sur la réorganisation des services publics en milieu rural, question lancinante, car leur démantèlement risque de se traduire par l'abandon de nos communes rurales.

Je crois devoir rappeler que, dans le premier mois qui a suivi sa prise de fonctions, M. le Premier ministre avait souhaité que les parlementaires soient associés aux assises régionales des libertés locales dont les travaux ont constitué une nouvelle étape dans la décentralisation.

En Dordogne, lors de ces assises, le thème du service public en milieu rural a constitué la première priorité pour l'ensemble des élus. Un projet d'aménagement du territoire donnant des perspectives à chaque commune permettrait en effet à celles-ci d'offrir un avenir attractif à l'ensemble de leur administrés.

C'est la raison pour laquelle j'avais présenté quatre suggestions au Gouvernement : dresser l'inventaire des services publics dans chaque département ; faire le point sur les nouvelles technologies, que ce soit la téléphonie mobile ou la couverture par le réseau ADSL ; organiser les moyens d'agir afin que les établissements publics soient soumis à une seule autorité locale ; prévoir une évaluation annuelle de la réorganisation des services publics afin, le cas échéant, d'adapter le dispositif.

A ces questions, il m'avait été répondu en trois points.

D'abord, le Gouvernement affirmait sa volonté de tendre à un égal accès au service public pour chaque Français sur l'ensemble du territoire.

Ensuite, il préconisait la mise en place d'un nouveau contrat qui soit « gagnant-gagnant » et qui s'appuie sur les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Enfin, il insistait sur la nécessité d'engager une démarche cohérente fondée sur un schéma d'organisation territoriale des services publics.

Je constate, monsieur le ministre, que, depuis ma dernière intervention, les choses ont évolué. A cet égard, je tiens particulièrement à remercier le Gouvernement d'avoir respecté ses engagements dans un contexte difficile.

Indépendamment de l'annonce, le 19 mars dernier, par M. le président du Sénat de son intention d'organiser un débat au Sénat d'ici à l'été prochain sur les services publics, M. Delevoye a fait part du lancement d'une expérimentation sur l'offre de services publics dans trois départements.

Le département de la Dordogne a été retenu, et je voudrais vous en remercier.

Les modalités de mise en place de l'expérimentation sont en cours d'élaboration. Sur le terrain, je serai particulièrement attentif au bon déroulement des opérations, et j'espère que l'expérimentation se traduira par l'adoption de mesures concrètes.

Dans la suite logique de mon intervention du 17 décembre dernier sur la réorganisation des services publics en milieu rural en vue d'assurer des services modernes et de qualité à tous, j'interroge aujourd'hui le Gouvernement sur le développement économique des territoires ruraux.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, l'agriculture française, qui assure à notre pays la place de second exportateur agroalimentaire mondial, accomplit depuis près d'un demi-siècle un parcours intéressant, alliant performance, solidarité territoriale et solidarité humaine.

En tant que parlementaire et agriculteur, je souhaite insister sur ces trois termes.

S'agissant de la performance, il est important de rappeler que les paysans ont été les pionniers de la construction européenne. A cet égard, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, car l'action que vous avez menée depuis un an a permis de rétablir la crédibilité de la France au sein de l'Europe et d'ouvrir des perspectives à la profession.

J'en viens à l'aspect territorial. On a su mettre en place un système qui nous permet aujourd'hui de disposer d'un territoire attractif, dont l'intérêt est d'ailleurs reconnu à l'échelon européen, puisque nombre de ressortissants des pays voisins, et notamment des retraités, cherchent à acquérir des terrains chez nous. Ils y trouvent en effet, dans une campagne que l'on peut souvent comparer à un jardin, des équipements et des services, bref, une vie que l'on ne trouve plus dans d'autres territoires européens.

Le troisième aspect est humain. Un système équilibré a été mis en place : chacun y avait sa place, et il doit être remarqué qu'en matière de fiscalité et de charges des solutions différentes ont été trouvées pour les zones de montagne et les zones défavorisées, les zones dites de plaine relevant de systèmes moins dérogatoires.

Ce point doit être évoqué, car, hélas ! des critiques ont parfois été formulées à l'encontre du monde paysan, ne serait-ce que par votre prédécesseur, monsieur le ministre, et l'organisateur agricole que j'ai été pendant trente ans l'a mal vécu.

L'efficacité de notre système a été le résultat d'une ambition et d'un esprit de conquête. Chacun, je le répète, y avait sa place. Pour quelle raison ne procéderait-on pas de même aujourd'hui pour l'ensemble des métiers dans nos zones rurales en déclin afin d'assurer la revitalisation globale de nos services marchands ?

Les agriculteurs s'interrogent sur leur avenir, et les membres de diverses professions, comme les médecins, reconnaissent que les perspectives en milieu rural ne sont pas toujours encourageantes. Ne serait-il pas utile d'envisager une approche différente ?

Pour sortir de la logique du fatalisme, une nouvelle fois le Gouvernement tient son engagement : il travaille actuellement à un projet de loi sur l'avenir de nos campagnes.

Le texte préparatoire, qui se veut ambitieux et dont l'examen en première lecture devrait être programmé d'ici à l'été, comporte six grands volets : les mesures prises en faveur des territoires ruraux isolés ; la promotion du partenariat avec, notamment, la mise en place d'une organisation du travail plus stable pour les travailleurs saisonniers ; la reconnaissance accrue de la pluriactivité ; l'encouragement à la diversité dans les activités, notamment pour le tourisme ; un contexte fiscal plus favorable afin de faciliter la transmission des exploitations agricoles et de favoriser l'installation de jeunes agriculteurs, et, enfin, l'amélioration de la compétitivité dans la filière bois.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Dominique Mortemousque. Je souhaite, monsieur le ministre, que, dans l'optique de la revalorisation de nos services marchands, vous nous apportiez plus de précisions sur les orientations de ce texte de loi.

Mon collègue Roger Besse, rapporteur spécial du budget de l'aménagement du territoire, avait souligné dans son dernier rapport budgétaire l'insuffisance des dépenses fiscales dans les zones rurales.

Le Gouvernement envisage-t-il de déployer des moyens comparables à ceux qui ont été accordés aux zones franches urbaines et de favoriser la redynamisation urbaine afin de soutenir la création d'emplois ?

Par ailleurs, envisage-t-il de réformer le zonage en faveur des zones rurales, par exemple la réintégragion des bourgs-centres dans des zones de revitalisation rurale ?

Le rapport parlementaire Perrin-Gaillard sur l'insuffisance du développement économique rural avait souligné que 20 % de nos communes classées en zones de revitalisation rurale présentaient des espaces remarquables - parc, réserves, etc. - inexploités. Quels moyens humains et financiers seront-ils mis en oeuvre pour apporter à ces territoires ruraux une plus-value économique et une richesse renforçant le potentiel de maintien des emplois ?

Enfin, dans une logique de territorialisation, le système de zonages, qui, en l'état, est trop abstrait, va-t-il évoluer pour tendre vers des projets de territoire garantissant la nécessaire complémentarité entre développement économique et préservation de l'espace rural ?

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez comment les ambitions du Gouvernement, exprimées, dans leurs grandes lignes, dans l'avant-projet de loi sur le développement rural, se traduiront concrètement en vue de contribuer à la mise en place de services marchands de qualité, représentant un vivier d'emplois nouveaux et conservant aux territoires ruraux leur attractivité.

Je puis vous assurer que les maires et les élus sont tous soucieux d'apporter leur contribution à la mise en oeuvre de ce processus, très attendu dans nos communes rurales. Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le ministre, car, j'en suis convaincu, elle constituera un message fort pour l'ensemble des Périgourdins.

M. le président. Je rappelle que chaque orateur dispose de trois minutes pour poser sa question, temps de parole que je vous invite à l'avenir, mon cher collègue, à respecter !

La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, comme vous le soulignez - et vous le savez mieux que quiconque -, notre politique rurale n'a de sens que si elle est sous-tendue par une activité agricole vigoureuse. Sans paysans actifs, il n'y aura pas de campagne dynamique. Les agriculteurs doivent demeurer le « coeur battant » de nos campagnes, même si, bien évidemment, nous devons également tenir compte des autres activités créatrices de richesses dans le monde rural et favoriser leur développement.

Le projet de loi en faveur du monde rural se fonde, d'abord, sur le constat de la diversité croissante de ce monde et des problèmes auxquels il est confronté. « La France se nomme diversité », écrivait Fernand Braudel, et votre beau département de la Dordogne l'illustre parfaitement : tous les vingt ou trente kilomètres, un paysage cède la place à un autre.

La réalité de nos territoires ruraux est d'ailleurs plus diverse que les Français eux-mêmes ne l'imaginent souvent. Qu'y a-t-il de commun entre les zones agricoles périurbaines dynamiques, mais dont les terres sont « bousculées » et soumises à la pression croissante de l'urbanisme, commercial notamment, et les communes qui continuent de connaître un déclin important ? Bien peu de choses en vérité, sinon parfois un sentiment d'abandon et de délaissement !

Favoriser les initiatives et les partenariats, simplifier les procédures pour développer l'activité économique des territoires ruraux, préserver les espaces sensibles à enjeux spécifiques, aménager les territoires ruraux pour renforcer leur attractivité, faire évoluer l'organisation de l'Etat et doter notre pays des outils d'observation et d'évaluation du monde rural, tels sont les principaux objectifs qui me guident dans la préparation de ce projet de loi.

Dans cette perspective générale, les réflexions en faveur des partenariats, de la pluriactivité, de la diversification et de la transmission des exploitations viseront directement à conforter la place de l'agriculture dans le milieu rural.

Ce projet de loi a un autre objectif : favoriser, au nom de l'égalité des chances, l'accès de tous aux services en milieu rural. L'offre de services est un élément déterminant de l'attractivité et de l'animation des territoires, pour les entreprises comme pour les populations. Il convient donc d'améliorer leur accessibilité et leur qualité.

J'avais déjà souligné mes orientations en la matière, dans le cadre de ma communication en conseil des ministres du 20 novembre 2002 sur la politique en faveur du développement du monde rural, en rappelant que le développement économique des territoires ruraux repose sur la création d'activités nouvelles, lesquelles supposent elles-mêmes un accès à des services de qualité.

Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire ou CIADT, du 13 décembre 2002 a intégré cette volonté en décidant, dans son volet consacré aux orientations de la politique rurale, l'engagement en matière de services publics et de services de proximité d'une série de démarches par les différents ministères concernés, notamment par le ministère chargé des affaires rurales, en liaison, bien évidemment, avec le ministère chargé de l'aménagement du territoire.

Les travaux et réflexions qui ont été engagés par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, et au sein de mon ministère dans l'optique de la préparation du projet de loi en faveur du monde rural visent à mettre en oeuvre ces orientations.

Dans le cadre de ce projet de loi, le régime juridique des maisons de services publics, les MSP, fixé par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations devrait évoluer, de façon notamment à mieux combiner, au sein de ces maisons, les services publics et les services privés, dans le respect des règles de la concurrence. Les MSP pourraient ainsi accueillir plus aisément des services privés.

En outre, également en application du CIADT du 13 décembre 2002, la conclusion d'un accord-cadre national sera recherchée pour favoriser la concertation locale, la coordination entre les acteurs concernés et la transparence quant à la nécessaire modernisation des services.

Les modalités de fonctionnement des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services publics pourraient aussi évoluer, en vue d'une meilleure adaptation aux contextes locaux.

De ce point de vue, les expérimentations sont extrêmement importantes. Vous avez vous-même souligné, monsieur le sénateur, que votre département avait été retenu par M. Jean-Paul Delevoye dans cette perspective. Cela me semble satisfaisant, tant il est clair que c'est grâce à une expérimentation tendant, d'une part, à la réorganisation des services de l'Etat dans les départements et, d'autre part, à un partenariat avec les collectivités décentralisées et les chambres consulaires que l'on arrivera à rendre un meilleur service au public.

Pour conclure, monsieur le sénateur, je voudrais vous donner quelques éléments d'information sur le calendrier de l'élaboration de ce projet de loi, ainsi que sur les grands principes qui la régissent.

Premièrement, il s'agira d'un texte interministériel. Certes, le ministère de l'agriculture joue le rôle de chef de file, mais nous travaillons, bien évidemment, avec l'ensemble des ministres concernés, notamment avec M. Jean-Paul Delevoye au titre de l'aménagement du territoire.

Deuxièmement, les mesures que nous prendrons ne seront pas toutes d'ordre législatif ; beaucoup d'entre elles seront d'ordre réglementaire ou relèveront de la politique gouvernementale et n'impliqueront donc pas l'adoption d'une loi. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a décidé la tenue, à la fin du mois d'août, d'un comité interministériel d'aménagement du territoire rural. A cette occasion seront présentés le projet de loi en faveur du monde rural, d'une part, et l'ensemble des mesures concernant ce dernier, d'autre part.

Troisièmement, je voudrais souligner, sans prétendre être exhaustif, que, au regard des concertations auxquelles j'ai déjà procédé, trois grands sujets apparaissent.

Le premier, que vous avez longuement développé, monsieur le sénateur, concerne les services publics et les services au public dans les territoires ruraux.

Le deuxième grand sujet est celui de l'attractivité économique des territoires ruraux. A cet égard, se posent bien évidemment la question des infrastructures, s'agissant notamment des infrastructures numériques, que traite M. Jean-Paul Delevoye, mais également la question fiscale, celle des zones de rénovation rurale et de leur avenir, celle enfin des aides à projet, tous thèmes sur lesquels nous travaillons.

Le troisième et dernier sujet a trait à la question foncière. Je suis frappé de constater à quel point l'utilisation du foncier et les conflits d'usage sont désormais des problèmes criants dans nombre de nos territoires.

Quoi qu'il en soit, ne doutez pas, monsieur le sénateur, que l'ensemble de ces sujets, et beaucoup d'autres encore puisque, comme je l'ai dit, je n'ai pas été exhaustif, seront abordés à l'occasion du très important comité interministériel d'aménagement du territoire rural que j'ai évoqué. Celui-ci sera suivi d'un débat parlementaire, qui se déroulera à l'automne prochain afin que la loi en faveur du monde rural puisse êre adoptée avant la fin de l'année.

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous communiquer, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque. Je vous invite à être bref, mon cher collègue, car nous ne devons pas abuser du temps des ministres qui nous font l'honneur de leur présence.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier de la qualité de vos réponses.

Par ailleurs, monsieur le président, je vous promets de ne jamais oublier, à l'avenir, que mon temps de parole est limité à trois minutes ! (Sourires.)

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