Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 09/04/2003

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche sur l'inquiétude des associations de parents d'élèves, des enseignants et des élus, face aux mesures de réductions drastiques des effectifs des personnels d'encadrement de l'éducation nationale. Les conséquences de ces mesures sont tout particulièrement dramatiques, par exemple, dans les établissements du 1er degré qui perdent de nombreux postes alloués au soutien psychologique des élèves en difficulté. L'accueil des enfants de deux ans dans les écoles maternelles est, lui aussi, gravement remis en cause. Or, d'ores et déjà, le baby-boom des années 2000 se fait ressentir dans ces établissements. Plus de 35 000 enfants supplémentaires sont attendus à la rentrée 2003, pour seulement 1 000 postes créés. Selon une enquête menée à l'université de Nantes : " l'impact d'une rentrée à l'école à 2 ans est plus faible qu'on ne l'imaginait, c'est surtout le milieu social qui joue sur les résultats ". Le principe de la scolarisation, à cet âge, ne peut donc pas être remis en cause pour des raisons d'ordre médical. C'est, au contraire, un facteur d'intégration pour les enfants dont les familles ne peuvent assumer les frais de garde demandés par les crèches municipales, haltes-garderies ou autres assistantes maternelles. Dans le département de l'Hérault, notamment, où le PIB par habitant est l'un des plus faibles de la France métropolitaine, malgré une croissance démographique galopante, la scolarisation des enfants de 2 ans est une bulle d'oxygène financière pour les familles en difficulté. Et pourtant, des suppressions de postes ont été annoncées dans les écoles maternelles. Ces mesures remettent en cause directement la personnalisation et donc la qualité de l'accueil des tout-petits à l'école et réduit, ainsi, leurs conditions de réussite, à l'avenir. Elles pérennisent une prise en charge des enfants en bas âge à deux vitesses, au détriment des enfants issus des familles les plus modestes. Au moment même où la Cour des comptes rend son rapport sur la gestion du système éducatif et préconise de concentrer les efforts du ministère sur l'amélioration de la gestion des ressources humaines, il lui demande, outre l'annonce de la réalisation prochaine d'une étude sur la scolarisation des enfants de 2 ans annoncée récemment, quelles mesures concrètes il compte prendre pour annuler ces décisions et redéployer les moyens à sa disposition pour assurer aux enfants en bas âge un égal accès à une scolarisation de qualité sur l'ensemble du territoire français.

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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement scolaire publiée le 30/04/2003

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2003

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 235, adressée à M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire et concerne l'inquiétude des associations de parents d'élèves, des enseignants et des élus face aux mesures de réduction drastique des effectifs des personnels d'encadrement de l'éducation nationale.

Les conséquences de ces décisions sont particulièrement graves quand elles s'appliquent au premier degré, qui est la base de l'école publique. Or, que constate-t-on ? De nombreux postes alloués au soutien psychologique des élèves en difficulté ne sont pas remplacés. Des postes d'emplois-jeunes ou d'aides éducateurs ne sont pas renouvelés. Enfin, le Gouvernement s'attaque à ce qui fait légitimement l'orgueil de la France : son école maternelle, facteur irremplaçable de socialisation des enfants et d'égalité des chances.

Au détour de propos alambiqués durant tout l'hiver, puis en fonction des décisions annoncées tout récemment par les inspecteurs d'académie, nous apprenons non seulement que l'extension de la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans serait stoppée, mais encore qu'elle pourrait être interrompue là où elle existe depuis quinze à vingt ans ; c'est le cas dans la commune dont je suis le maire, monsieur le ministre, et, je vous le dis sans périphrase, c'est inacceptable.

Depuis, la colère gronde chez les personnels, les parents et les maires, qui ont accompli un effort budgétaire important pour l'école.

A ce motif s'ajoutent l'inquiétude des personnels quant à leur régime de pension et l'incompréhension devant l'annonce des mesures de transferts à la région de certaines catégories de personnels du deuxième degré, sans que la moindre concertation ait eu lieu.

Une telle politique de désengagement de l'Etat va frapper plus durement encore un département comme l'Hérault, où le produit intérieur brut par habitant est le plus faible du territoire métropolitain et où la croissance démographique galopante, en raison de l'attraction du sud, oblige les communes à multiplier les équipements, notamment les écoles, les crèches et les haltes-garderies.

Les familles aux revenus modestes feront les frais de ce choix du Gouvernement, monsieur le ministre, faute de moyens financiers pour faire garder leurs enfants et en raison d'une pénurie constante d'assistantes maternelles qualifiées. Ne vous étonnez pas s'il y a des réactions !

Au moment où l'on voit, à la rentrée des vacances de Pâques, se multiplier les mouvements de grève à l'éducation nationale, il serait judicieux pour le Gouvernement de dégager les postes nécessaires à l'accueil des trente-cinq mille enfants supplémentaires qui, en raison du mini baby boom de l'an 2000, atteignent l'âge de deux ans à la rentrée 2003.

S'il y a des économies à réaliser - et il y en a - et s'il faut alléger l'impôt sur le revenu - pourquoi pas ? -, faut-il que cela se fasse au détriment de l'école publique, socle de la République ? Vous connaissant bien, monsieur le ministre, je ne crois pas que vous le pensiez.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur Delfau, vous évoquez bien des problèmes au détour d'une question qui porte essentiellement sur la préscolarisation à deux ans et sur les moyens qui sont affectés aux écoles de votre département.

En ce qui concerne tout d'abord la préscolarisation à deux ans, permettez-moi de me répéter, car j'ai déjà répondu au Sénat sur cette question. Il ne faut pas aborder cette question avec des a priori idéologiques et pédagogiques. Il existe d'ailleurs des idéologies différentes puisque, dans nombre de pays d'Europe, la loi interdit la scolarisation des enfants avant l'âge de quatre ans.

Il ne faut pas non plus traiter cette question en se focalisant sur les moyens.

Actuellement, 35 % des enfants de moins de trois ans sont scolarisés, avec des écarts très importants d'un département à l'autre. Les effets d'une telle politique sont-ils perceptibles ? On a souvent affirmé que la préscolarisation favorisait la réussite à l'école élémentaire. Vous savez bien, monsieur Delfau - vous êtes, comme moi, un universitaire -, que l'impact de la préscolarisation à deux ans sur le taux de redoublement des enfants au CP est quasi nul. En fait, c'est le diplôme de la mère et le milieu social qui influent le plus sur les chances de réussite : plus la mère est diplômée, plus les chances d'accès au CE 2 sans redoublement sont élevées.

La préscolarisation à deux ans réduit-elle les inégalités sociales ? En réalité, ce sont les enfants de cadres, d'une part, et les élèves étrangers ou issus de l'immigration, d'autre part, qui bénéficient le plus des effets positifs d'une entrée précoce en maternelle. En revanche, l'effet est nul pour les enfants d'employés ou d'ouvriers. Je ne polémique pas : je rappelle simplement les faits !

Devons-nous pour autant poursuivre la préscolarisation à deux ans ? Oui, sans ambiguïté ! Il n'est pas question de supprimer ce dispositif. Il faut simplement l'instaurer là où c'est nécessaire, c'est-à-dire dans les zones et dans les réseaux d'éducation prioritaire, là où les conditions d'accueil ou de socialisation peuvent être meilleures à l'école que dans le milieu familial.

Il s'agit non pas de remettre en cause radicalement la préscolarisation, mais d'ouvrir un débat sur l'accueil de la petite enfance. En principe, l'école maternelle est un lieu d'apprentissage scolaire et elle ne peut se contenter de suppléer l'absence de structures de garde, qui dépendent d'autres responsabilités.

S'agissant de la carte scolaire, celle-ci est élaborée en concertation avec les élus, les représentants des enseignants et les parents d'élèves. Les rééquilibrages à l'échelon national s'effectuent en fonction de la démographie et de données sociales et territoriales, qui sont les mêmes pour tous. Tous les ans, dans chaque département, des classes sont créées ou supprimées, selon l'évolution démographique.

S'agissant du département de l'Hérault, vous auriez tort de vous plaindre, monsieur Delfau, car, à la rentrée 2003, quatre-vingts postes d'enseignant du premier degré seront créés. J'étais moi-même sénateur d'un département où l'on supprime des postes. C'est plus difficile à expliquer que la création de quatre-vingts postes ! Vous constatez donc que le souci du ministère est de voir votre département traité convenablement compte tenu du fait que le nombre d'élèves supplémentaires évalué pour cette rentrée devrait être d'un peu plus de mille.

Bien sûr, des réajustements devront être opérés au sein même du département de l'Hérault pour tenir compte des disparités et des micro-mouvements de population. Mais la politique conduite par le Gouvernement reste tout à fait favorable à l'Hérault puisque, je le répète, des postes seront créés pour accueillir les nouveaux élèves.

La politique mise en oeuvre est cohérente par rapport aux appréciations que la Cour des comptes a portées récemment sur la gestion du système éducatif. La haute juridiction financière a mis en évidence l'augmentation continue des moyens de l'éducation nationale depuis 1990, dans un contexte de forte décrue des effectifs d'élèves et, hélas ! d'une stagnation relative des résultats.

La situation n'est pas idéale, mais il faut tout de même faire ces constats.

L'analyse de la haute juridiction financière conforte donc notre politique, qui renforce la programmation et le pilotage du système éducatif en introduisant une démarche de contrôle de gestion et un pilotage par les objectifs et non par les moyens.

Monsieur le sénateur, je peux vous assurer que la rentrée scolaire dans le département de l'Hérault s'effectuera dans de bonnes conditions grâce au dispositif prévu par les services académiques.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que la Cour des comptes ne gère pas nos communes. Si tel était le cas, elle saurait où se trouvent les difficultés et quels sont les domaines où un effort doit être accompli en priorité.

La politique mise en oeuvre est cohérente, dites-vous. Mais nous avons deux approches différentes de la question. La socialisation des jeunes enfants dès l'âge de deux ans, pour toutes les familles qui le désirent, constitue une avancée dans notre pays et il faut poursuivre dans cette voie.

Vous avez dit que le dispositif serait maintenu. Ma commune subit de plein fouet une démographie croissante. En effet, les personnes qui souhaitent vivre à Montpellier ne peuvent se loger qu'à trente kilomètres alentour, c'est-à-dire dans ma commune, par exemple, où les loyers restent cependant trop élevés. Depuis quinze ans, les enfants y sont scolarisés dès l'âge de deux ans. Or, cette année, l'inspecteur d'académie a brusquement décidé que nous n'accueillerions pas les enfants âgés de deux ans. Qu'allons-nous faire ?

Par ailleurs, nous avons prévu la création d'une crèche. Cela signifie donc que l'Etat se désengage dans cette commune pourtant pauvre, où le taux de chômage est très important, où les RMIstes sont nombreux et où les revenus salariaux sont faibles. En outre, la crèche ne sera pas ouverte cette année. Que vont devenir ces enfants ?

J'ai évoqué la question des assistantes maternelles qualifiées, qui ne sont pas assez nombreuses. Vous ne m'avez pas répondu, monsieur le ministre.

En tant que parlementaire, je n'accepte pas cette régression, ce retour à un conservatisme que je croyais révolu dans notre pays.

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