Question de M. AMOUDRY Jean-Paul (Haute-Savoie - UC) publiée le 30/04/2003

M. Jean-Paul Amoudry appelle l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur les négociations qui seraient en cours entre l'Union européenne et la Suisse, en vue de la conclusion d'accords bilatéraux, visant à compléter et prolonger ceux conclus le 11 décembre 1998. Il lui indique que les élus locaux et parlementaires français des départements frontaliers n'ont, à ce jour, été informés ni par les services de l'Etat ni par ceux de l'Union européenne du contenu de ces négociations, ni même de leur existence, alors que leurs homologues suisses y sont, semble-t-il, étroitement associés. Il souligne que les conséquences des précédents accords bilatéraux, entrés en vigueur le 1er juin 2002, apparaissent d'ores et déjà particulièrement inquiétantes pour certains départements frontaliers, notamment l'Ain et la Haute-Savoie, conformément aux craintes exprimées par des parlementaires français lors de l'examen du projet de loi autorisant leur ratification. On constate ainsi une augmentation significative des coûts du logement, qui atteignent un niveau difficilement supportable pour les salariés français, une pénurie de personnel dans certaines professions de l'artisanat et des services, ainsi qu'une saturation croissante des réseaux de transport routier. Il apparaît donc indispensable aux élus et responsables économiques des départements touchés par ces effets négatifs de s'efforcer de les corriger, notamment à l'occasion des négociations en cours. Aussi, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître les initiatives que le gouvernement français entend engager en concertation avec l'Union européenne pour que les responsables locaux puissent être enfin consultés et entendus avant la conclusion des négociations de ces nouveaux accords bilatéraux.

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Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 25/06/2003

Réponse apportée en séance publique le 24/06/2003

M. Jean-Paul Amoudry. Madame la ministre, des négociations sont, semble-t-il, actuellement en cours entre l'Union européenne et la Confédération helvétique en vue de conclure de nouveaux accords bilatéraux destinés à compléter ceux qui ont été signés le 11 décembre 1998 et qui sont entrés en vigueur le 1er juin 2002.

Or de nombreux responsables économiques du département de la Haute-Savoie s'en inquiètent, car les conséquences résultant de la mise en application des premiers accords bilatéraux ont un impact préoccupant sur la vie économique et sociale de ce département.

En effet, la Haute-Savoie connaît, de date ancienne, une insuffisance de main-d'oeuvre qualifiée dans de nombreux secteurs, en particulier l'artisanat et le bâtiment, mais aussi des services, qu'il s'agisse des infirmières ou des aides-soignantes. L'attractivité de la Suisse, due à une forte demande en personnel et au niveau élevé des salaires, en est la principale raison. Les accords bilatéraux, qui viennent d'entrer en application, amplifient et aggravent ce phénomène de pénurie de main-d'oeuvre en facilitant les conditions d'accès au marché suisse du travail pour l'ensemble des ressortissants européens.

Par ailleurs, on constate une très forte augmentation du coût du logement en Haute-Savoie, qui atteint un niveau de moins en moins accessible pour les salariés français du secteur public comme du secteur privé. Le phénomène rend d'ailleurs toujours plus difficile le recrutement des personnels nécessaires à la vie des entreprises et des services. Ainsi, alors que les jeunes générations engagées dans le monde du travail éprouvent de grandes difficultés à acquérir ou louer un logement, cette faculté semble réservée aux citoyens étrangers, suisses en particulier, à qui les accords bilatéraux ont donné la possibilité de fixer leur résidence principale en France.

Il faut également souligner la progression très inquiétante du prix des terrains sur la plus grande partie du territoire départemental, rendant plus problématique la constitution de réserves foncières par les collectivités et, par conséquent, la construction de logements sociaux. Cette progression favorise la spéculation et entraîne de graves déséquilibres entre les territoires et les différentes catégories sociales.

Enfin, la Haute-Savoie est confrontée à une saturation parfois paralysante des réseaux de transport routier, causée notamment par le développement des déplacements pendulaires entre l'agglomération genevoise et les villes et villages hauts-savoyards dans lesquels résident les travailleurs frontaliers.

En conclusion, il est important de prémunir aujourd'hui ce territoire haut-savoyard contre le risque de devenir un territoire en déclin, confronté à des dysfonctionnements graves de ses services publics et privés, au départ de ses entreprises industrielles et à l'évasion vers l'extérieur des générations nouvelles.

Par conséquent, il importe, comme le font nos voisins helvétiques, d'anticiper la mise en oeuvre du nouveau volet des accords bilatéraux.

C'est pourquoi je souhaiterais savoir, madame la ministre, si le Gouvernement a la volonté d'informer les responsables locaux sur le contenu des négociations en cours et de concevoir avec eux les mesures d'accompagnement nécessaires pour atténuer les effets dommageables que je viens d'évoquer.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur l'état des négociations en cours entre l'Union européenne et la Suisse et, plus particulièrement, sur les modalités de concertation entre l'Etat et les élus.

Ces négociations ont été ouvertes après le rejet par la Suisse de l'adhésion à l'Espace économique européen en 1992. Elles ont pour objet de faciliter les échanges et les contacts entre populations française et suisse, et par là, en principe, de faciliter la vie des transfrontaliers. Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur : l'augmentation de ces échanges peut aussi entraîner certains inconvénients pour la vie économique et sociale des départements concernés, notamment les départements français, et également pour le trafic routier.

C'est dans ce contexte, dont je comprends qu'il vous préoccupe, que je suis en mesure de vous apporter les informations suivantes sur les négociations en question.

En premier lieu, les sept premiers accords conclus entre l'Union européenne et la Suisse sont entrés en vigueur en 2002. Ils concernent la libre circulation des personnes, le transport aérien, l'agriculture, les marchés publics, les obstacles techniques au commerce ainsi que la recherche. Toutes ces matières, en principe, n'ont pas d'impact direct sur les populations concernées, sauf, bien entendu, l'accord sur la libre circulation des personnes, dont la mise en oeuvre fait, pour cette raison, l'objet de réunions régulières de concertation entre le préfet de région et les élus des collectivités frontalières concernées. Une réunion s'est ainsi tenue le 28 avril dernier, à laquelle le ministère des affaires étrangères a très activement participé.

En outre, le comité régional franco-genevois, le CRFG, lieu de concertation entre représentants de l'Etat, élus locaux et partenaires suisses, a été invité à apporter des réponses concrètes aux difficultés qui, je l'admets parfaitement, résultent parfois d'une plus grande liberté de circulation entre la France et la Suisse. La concertation, qui va se poursuivre - c'est notre objectif -, devrait contribuer à résoudre les difficultés réelles que vous soulevez, monsieur le sénateur. Je me tiens d'ailleurs, avec les services du ministère des affaires étrangères, à votre entière disposition pour organiser toute autre réunion d'information et de concertation que vous jugeriez nécessaire.

En deuxième lieu, s'agissant de la négociation en cours de dix nouveaux accords, je souhaite vous rassurer. Les sujets abordés par ces accords ne sont pas, en principe, de nature à avoir, sur la vie quotidienne des populations frontalières, un effet direct. Ces accords visent en effet, pour l'essentiel, à faciliter la coopération au niveau des programmes communautaires, d'une part, et des programmes suisses, d'autre part, dans les domaines de l'éducation, de la formation professionnelle, de la jeunesse, des médias, ou encore de l'environnement. Parmi ces accords, l'un traite aussi de la question très importante et très sensible dans l'opinion de la fiscalité de l'épargne, mais le compromis qui se dégage actuellement est, chacun l'admet, dans l'intérêt de tous les Européens, en particulier des populations frontalières dont la situation vous préoccupe, monsieur le sénateur.

Ma conviction est que la négociation d'accords entre l'Union européenne et la Suisse doit apporter in fine une réponse appropriée aux problèmes spécifiques qui se posent aux populations frontalières, notamment à celles qui habitent dans les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie.

Il reste, vous l'avez souligné, que des inconvénients peuvent découler de ces accords. C'est pourquoi l'avis des élus nous est précieux, à la fois pour mener à bien le travail de négociation - pour partie, il est en cours - et surtout, ce qui est le plus important, pour permettre une mise en oeuvre concrète de ces accords qui évite, autant que faire se peut, les difficultés pratiques sur la vie quotidienne des intéressés.

C'est la raison pour laquelle, encore une fois, nous nous tenons à votre entière disposition, monsieur le sénateur, pour poursuivre cette concertation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Tout d'abord, je remercie, Mme la ministre de ses informations précises. Ensuite, je suggère que les conclusions de la mission que M. le Premier ministre a bien voulu confier au délégué à l'aménagement du territoire pour évaluer l'effet des premiers accords bilatéraux puissent être, le moment venu, portées à la connaissance des élus locaux.

Enfin, il faudrait que, lors des concertations qui sont menées aujourd'hui sous l'égide du préfet de région, d'une part, dans le cadre du comité régional franco-genevois, le CRFG, d'autre part, soit pris en compte tout particulièrement l'aspect économique et social de ces mesures. En effet, les rencontres que nous pouvons avoir sur le terrain avec les milieux économiques font ressortir une difficulté spécifique s'agissant des mouvements de main-d'oeuvre. Je souhaiterais que nous puissions avancer sur cette question et dégager des solutions.

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